Au soir de sa carrière, il arrive à un professeur de se demander s'il a fait œuvre utile, si ses élèves ont retenu quelque chose de ses années de cours, s'il a pu les former à affronter la vie.
Ces questions se posent particulièrement en ce début de XXIème siècle où les parents et les élèves ont pris une mentalité de simples consommateurs exigeant des résultats qui sont des dus. Le métier d'enseignant est de plus en plus déconsidéré, sans parler des rémunérations dont le montant fait des Français les plus mal payés de pratiquement toute l'Europe de l'Ouest.
La situation était tout à fait différente voici un siècle. Pour preuve, voyons, d'après un document conservé aux Archives départementales d'Ajaccio, ce qui s'est passé à Poggiolo il y a exactement cent ans.
Réuni le 17 mai 1925, le conseil municipal, présidé par Jean-François CECCALDI (qui fut maire de 1919 à 1941 et de 1943 à 1959), décida, à l'unanimité des sept membres présents, de voter "une gratification de cent cinquante francs à l'instituteur PAOLI Bernard, en récompense du zèle et du dévouement qu'il a toujours apporté dans l'accomplissement de ses devoirs professionnels et pour les nombreux succès obtenus par ses élèves au certificat d'études primaires."
D'après le tableau de conversion publié par l'INSEE, 150 francs de 1925 correspondent à 124,5 euros d'aujourd'hui, somme qui peut paraître faible mais qui était importante pour les finances de la commune.
Le certificat d'études était l'examen qui clôturait la scolarité obligatoire et les familles des villages y attachaient un grand prix.
Le compte-rendu continue:
"Au moment où ce modeste fonctionnaire va être admis à la retraite, l'assemblée communale tient à lui témoigner sa vive reconnaissance en votant la gratification précitée qui sera prélevée sur les excédents de recette."
Le préfet trouva cette initiative fort bien venue. Le jacobinisme vivait son âge d'or et toutes les décisions municipales devaient alors être examinées par la préfecture avant d'être exécutées. La feuille comporte en bas à gauche l'approbation du préfet qui, le 30 juin 1925, fit inscrire ces 150 francs au budget poggiolais.
Une telle initiative peut paraître presque extravagante aujourd'hui mais il paraissait alors normal que la mairie (donc les parents) montre sa reconnaissance à l'instituteur qui avait permis aux jeunes Poggiolais d'être instruits (les mieux instruits du canton?).
Bernard PAOLI, merci encore !
Quelques renseignements supplémentaires:
Bernard PAOLI naquit en 1872 à Poggiolo, se maria en 1895 à Soccia avec Madeleine OTTAVY et mourut à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) le 18 février 1940.
La situation militaire de Bernard PAOLI pendant la guerre de 1914-1918 est consultable sur la fiche 79 de la banque de données poggiolaise.
Un des enfants de l’instituteur, Martin PAOLI, a été maire de Poggiolo entre 1959 et 1968. Le fils de Martin, prénommé également Bernard, lui succéda de 1968 à 1989.
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