Le souvenir du début du déclenchement de la première guerre mondiale, en 1914, domine largement les commémorations prévues pour l'année 2014. Mais il est bon de se rappeler que le conflit éclata en août et que, dans les mois précédents, nul ne pensait que cette catastrophe allait arriver.
LA GAUCHE VICTORIEUSE
En début d'année, l'attention des Français était concentrée sur les élections législatives.
Elles eurent lieu les 26 avril et 10 mai et se traduisirent par un grand succès de la gauche: 475 sièges contre 126 pour la droite et les non-inscrits. Après les 195 radicaux, les 102 SFIO (nom du parti socialiste de l'époque) formèrent le second groupe de la Chambre des Députés. Cette majorité investit le gouvernement formé par le socialiste indépendant René VIVIANI le 13 juin.
Les socialistes allemands du SPD étaient déjà devenus la première force du Reichstag avec plus du tiers des voix aux élections de 1912.
Au rebours de ce contexte de forte poussée de la gauche, l'arrondissement d'Ajaccio élit, ou plutôt réélit, comme représentant à Paris un homme de droite: Dominique PUGLIESI-CONTI.
UN MAÎTRE EN RETOURNEMENTS
Ce dernier était depuis 1904 maire bonapartiste d'Ajaccio, puis conseiller général. Il avait réussi à être élu, de justesse, député en 1910 après avoir abjuré sa foi pour la famille impériale et s'être proclamé républicain. Il s'inscrivit chez les progressistes, le groupe républicain qui était alors, malgré son nom, le plus à droite du Palais-Bourbon.
Il se représenta en 1914, avec une nuance plus "gauchiste" puisqu'il était devenu vice-président pour la Corse de la très dreyfusarde Ligue des Droits de l'Homme dirigée par Francis de Pressensé.
Cette série de retournements lui valut d'être traîté de FREGOLI, du nom d'un artiste italien réputé pour ses changements de costumes très rapides.
Le dessinateur marseillais (mais qui se disait "naturalisé corse") H-P GASSIER, qui fut ensuite un des fondateurs du "Canard Enchaîné", s'en moqua avec la caricature ci-dessous publiée dans le numéro du 14 mars 1914 du journal socialiste corse "Avanti".
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Quoi qu'il en soit, en 1914, sa réélection, dès le premier tour, fut éclatante:
- 7.990 voix (79%) à Dominique PUGLIESI-CONTI
- 1.365 (13,5%) au docteur Philippe PIETRINI, présenté par la SFIO, qui double quasiment le score du candidat socialiste de 1910
- 763 (7,5%) au républicain AGOSTINI, dont la candidature a été déposée au dernier moment.
Un peu plus tard, les résultats officiels passèrent à 8.017 pour le premier et à 1.420 pour le second.
L'ORIGINALITÉ DES ÉLECTEURS POGGIOLAIS
En ne regardant que les chiffres concernant les Deux Sorru, publiés par "Avanti" le 2 mai, l'originalité poggiolaise est évidente.
Colonne 1: Pietrini - Colonne 2: Agostini - Colonne 3: Pugliesi-Conti.
Comme dans les autres communes, les Poggiolais furent majoritaires à voter PUGLIESI-CONTI. Il obtint 41 voix mais cela ne représentait que 57,75%, loin de sa moyenne de 79%. Un pourcentage plus bas n'exista qu'à Murzo (39,69%) où, pour des raisons locales, AGOSTINI était en tête.
Mais le fait le plus notable est représenté par les 23 suffrages recueillis par PIETRINI. Le taux de 32,4% établi à POGGIOLO (contre les 13,5% de l'ensemble de la circonscription) est un record pour les deux cantons de l'époque. Le second meilleur score du candidat socialiste se trouvait à LETIA mais avec seulement 19,72%.
POGGIOLO n'avait pas suivi la tendance générale et montrait un attachement certain à la gauche. Une telle attitude dura longtemps. Elle se manifesta par exemple en 1921 quand François COTY se présenta à l'élection cantonale (voir les articles: "En 1921, le canton était au parfum (début)" et "En 1921, le canton était au parfum (fin)").
En tout cas, quand la catastrophe s'abattit sur l'Europe en août 1914, les Poggiolais firent leur devoir de façon exemplaire comme les enfants des autres villages.