La Première Guerre Mondiale fait l'objet de nombreuses publications, émissions et célébrations car cette année 2014 est celle du centenaire de son déclenchement. D'autre part, nous sommes saturés d'évocations de la Seconde Guerre et cette année sera également particulière car cet été marquera les 70 ans de la Libération de la France (pas de la Corse car c'est en 1943 qu'elle se libéra de l'occupation italienne et allemande).
Mais une guerre est toujours systématiquement oubliée alors qu'elle fut également douloureuse et qu'elle explique les deux conflits suivants: celle de 1870-1871 contre la Prusse et les autres Etats allemands.
Poggiolo n'a pas été à l'abri de cet affrontement. Le service militaire était en principe universel mais avec de nombreuses exemptions. Seulement, la pauvreté poussait alors de nombreux Corses à s'engager dans l'armée.
Combien de Poggiolais participèrent-ils aux combats? Il faudrait faire de longues recherches pour le savoir mais, grâce aux travaux de Pierre LECCIA publiés sur GENEANET et à la base de données LEONORE, il est possible de reconstituer quatre itinéraires.
LES TROIS DÉCORÉS
Jean-Martin DESANTI, Jean-Baptiste PINELLI et Jean-Baptiste FRANCESCHETTI reçurent la Légion d'Honneur à la fin de leur carrière, et pas uniquement pour leur comportement en 1870.
- Jean-Martin DESANTI: né le 31 mai 1846 à Poggiolo, ils'était engagé dans l'armée le 19 mai 1865 et l'avait quittée le 19 mars 1870. Mais, après l'ordre de rappel des réservistes lancé le 14 juillet, il fut incorporé au 46ème régiment d'infanterie de ligne. Le gouvernement de Napoléon III déclara la guerre le 19 juillet. Jean-Martin participa à toute la guerre et aux combats contre la Commune de Paris sans être blessé.
Sa biographie complète fera prochainement l'objet de deux articles particuliers.
- Jean-Baptiste PINELLI: né le 21 août 1848 à Poggiolo, engagé volontaire en octobre 1866, il était sergent-fourrier au 28ème de ligne quand la guerre débuta. Il devint sergent-major le 2 août 1870. Mais, le 29 octobre 1870, à la suite de la capitulation du maréchal Bazaine à Metz, il fut, comme le reste de cette armée, prisonnier des Allemands. Libéré le 14 mai 1871, il fit partie de l'armée de Versailles opposée aux Communards. Après avoir démissionné de l'armée d'active en 1876, il resta dans les unités territoriales où il devint capitaine du 261ème régiment de réserve. La Légion d'Honneur lui fut décernée le 13 janvier 1907. Il décéda à Paris où il habitait le 15 juillet 1917.
- Jean-Baptiste FRANCESCHETTI: né le 8 décembre 1848 à Poggiolo, engagé le 22 août 1868, il était caporal au 32ème régiment d'infanterie au début de la guerre. Il combattit avec énergie comme le souligne le récapitulatif de ses états de service:
"blessé à Gravelotte le 16 août 1870 d'un coup de feu au dessus de l'oreille droite,
2e coup de feu à la cuisse gauche
3e coup de feu au pied gauche qui a brisé la phalange de l'orteil
4e coup de feu à la cuisse droite."
C'est dans cet état qu'il fut capturé par les soldats prussiens. Il resta prisonnier jusqu'au 8 juillet 1871.
Il reprit du service jusqu'à sa retraite en 1884 et fut versé dans la territoriale où il termina capitaine. Il devint titulaire de la Légion d'Honneur en janvier 1896 et mourut à Poggiolo le 29 novembre 1916.
La bataille de Gravelotte, la plus acharnée de cette guerre, eut lieu du 16 août (combats de Rezonville et Mars-la-Tour) au 18 août 1870 (combats de Saint-Privat). Les Prussiens eurent 5.300 morts et 14.500 blessés, les Français 1.200 morts, 4.420 disparus et 6.700 blessés.
UN DESTIN TRAGIQUE
Le sort d'Antoine-Laurent DEMARTINI fut plus tragique.
Il vit le jour le 28 juillet 1850 à Poggiolo. Il était le quatrième des cinq fils de Domenico DEMARTINI, né en 1806 ou 1807 et mort en 1880, et de son épouse Madalena (1810-1871).
Engagé volontaire le 17 février 1869, il était soldat au 6e régiment de ligne de l'armée du Rhin. Il décéda le 26 août 1870 à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), à l'âge de 20 ans.
Cette ville fut l'objet de sévères combats de rues les 12 et 13 août avant d'être prise par les Allemands le 14. On peut supposer qu'Antoine-Laurent mourut dans le camp de prisonniers français installé dans cette ville, peut-être à la suite de blessures reçues les jours précédents.
Curieusement, son décès ne fut retranscrit sur le registre d'état-civil de Poggiolo que le 25 décembre 1871, soit plusieurs mois après la guerre. Retard dû à des difficultés de communications entre autorités françaises et allemandes?
Cette guerre, comme toutes les guerres, plongea des Poggiolais dans le chagrin. Mais il faut songer au véritable désespoir de Domenico et Madalena DEMARTINI qui apprirent deux disparitions successives.
En effet, en août 1870, arriva au village l'annonce de la mort de François-Marie, qui était né en 1847, trois ans avant Antoine-Laurent. Lui aussi était militaire. "Premier canonnier à la 1ère batterie du régiment d'artillerie de marine et des colonies" (d'après le registre d'état-civil), il décéda le 27 juin 1870 à l'hôpital de Saïgon au Vietnam.
Est-ce à cause de son chagrin que Madalena trépassa le 22 juin 1871?
UNE SUGGESTION:
POUR HONORER SES ENFANTS MORTS POUR LA FRANCE, POGGIOLO A UN MONUMENT AUX MORTS. UNE PLAQUE PORTANT LE NOM D'ANTOINE-LAURENT DEMARTINI AURAIT TOUT À FAIT SA PLACE AUX CÔTÉS DES POGGIOLAIS TUÉS DANS D'AUTRES GUERRES.