Comme indiqué dans l’article précédent, la procession qui eut lieu à Soccia le 4 octobre 1923 (ou 1922 ou 1921) en l’honneur de saint François d'Assise avait été minutieusement préparée.
Elle très différente de celle de Poggiolo présentée dans "I nostri antichi di U Pighjolu" et dont les participants n'avaient pas de confrérie en habits et ne portaient pas de torches.
Mais le désordre arrive avec l’attitude de MATTONE. L’auteur, MAISTRALE, décrit l’incident avec force détails.
Ma Mattone, chì hè ghjilosu, Par daretu s’avvicina È c’un tonu maistosu Li dice : sangue di tina ! Sì u santu ùn voli ch’e porti Ci sarà quattru omi morti.
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Mais Mattone, qui est jaloux, Par derrière s’approche Et d’un ton majestueux Lui dit : sang de la cuve ! Si tu ne veux pas que je porte le saint Il y aura quatre hommes morts. |
- Ùn ai drittu à purtallu Ch’ùn ti sè mancu vistutu, Lasciami fà lu camallu Par no’ tù sè troppu astutu Vai à vede versi Vicu Sì tù trovi u me billicu.
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-Tu n’as pas le droit de le porter Tu n’es même pas habillé, Laisse-moi faire le porteur Pour nous tu es trop rusé Va voir du côté de Vico Si tu y trouves mon nombril. |
- O Palè, par Diu Santu ! Mì ! crosciu sò di sudore, Aiò, dà, dammi issu santu Altrimenti lu priore, À la fin di la faccenda, Mette mi vole à l’amenda.
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-O Palè, par Dieu Saint ! Je suis trempé de sueur, Allez, donne, donne-moi ce saint Sans cela le prieur, A la fin de la cérémonie, Va vouloir me mettre à l’amende. |
MATTONE est jaloux de PALELLU qui a la meilleure place. Il va déstabiliser la belle organisation car il veut être vu et, surtout, car il ne veut pas être mis une nouvelle fois à l’amende par le prieur. Il exige de porter la statue à la place de PALELLU.
- Amende ne dia sette Parchì sè troppu pultrone ! Incù le to barzulette Dannaristi à Sant’Antone ; Volimi sorte di via, Ghjuru lu beccu di Maria !
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-Des amendes, qu’il t’en donne sept. Car tu es trop fainéant ! Avec tes balivernes Tu damnerais Saint Antoine ; Ôte-toi de mon chemin, Par le bouc de Marie.
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- Ai bisognu di ghjurà Sangue di lu porc’acellu ! Sì t’ùn poni u santu avà, Vogliu ellu nasca un flagellu, È poi in quattru è quattru ottu Mandatti un bellu cazzottu.
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-Tu as besoin de jurer Sang de « porc’acellu » ! * Si tu ne poses pas le saint maintenant, Je veux que naisse une bagarre, Et puis en quatre et quatre huit T’envoyer un bon coup de poing.
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- Un cazzottu ? s’e t’agguantu Di tè ne facciu un stuppone ; Portu rispettu à lu santu Parchì semu in prucissione È s’eiu ùn ti pigliu in manu, A facciu pà lu piuvanu.
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-Un coup de poing ? si je t’attrape De toi j’en fais une bouchée ; Je respecte le saint Parce que nous sommes en procession Et si je ne te prends pas en main Je le fais pour le curé.
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- Ghjuru lu Ponziu Pilatu ! Tontu, scemu ed “imbacille” Più cà tè l’aghju amparatu À cantà lu diesille ; Poni quici à San Francè Chì hè più parente di mè.
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-Je jure par Ponce Pilate ! Fou, insensé et “imbacille” Mieux que toi j’ai appris A chanter le diesille ; Pose ici saint François Avec qui je suis plus parent que toi. |
- Hè tamanta issa bugia Ch’ùn la sentu vulinteri : U santu ùn ci hà parintita In Soccia cù li sumeri, O piattati ind’un tafone, O sinnò levi un pattone.
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-Il est tellement gros ce mensonge Que je ne l’entends pas volontiers : Un saint n’a pas de parenté A Soccia avec les ânes, Ô cache-toi dans un trou, Ou je te mets une gifle.
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- Ma sè tù chì ai runcatu Cù le to ragione torte, S’eiu sò dissunuratu Tù farè la malamorte : Postu chì tù sè numicu, Par daretu ti pizzicu !
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-Mais c’est toi qui as brai Avec tes raisonnements tordus, Si je suis déshonoré Tu auras une mort violente : Puisque tu es mon ennemi Je te pince par derrière ! |
Le ton monte vite. Avec le refus de PALELLU, les insultes et les menaces ont commencé.
Parmi elles, l'expression "Sangue di lu porc’acellu !" est assez obscure. Augustin CASANOVA, dans le bulletin "A Mimoria" n°45, année 2002, pense qu'il s'agit du Saint Esprit car, dans la religion catholique, celui-ci est représenté par le vol d'une colombe ("acellu").
Des échanges de gentillesses, on peut retenir une expression peu connue mais qui, après tout, pourrait toujours servir de nos jours :
« Vai a vede versu Vicu
Si tu troviu me billicu. »
(Vas voir du côté de Vico
Si tu y trouves mon nombril)
MATTONE est le premier à en venir aux mains, de façon ridicule, en pinçant son adversaire.
Un autre exemple de procession perturbée. Dessin de Nicolas CARLOTTI extrait de « Grosso Minuto » (La Marge, 1996)
À lu pizzicu Palellu Falà si face la cappa, Dopu tiratu un ghjumellu Par una braga l’achjappa È falendu pà la stretta, Ciattu, li face l’anchetta.
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Au pinçon Palellu Fait tomber la cagoule, Après avoir tiré sur la cordelette Par une jambe de pantalon le tire Et descendant par la ruelle, Sans rien dire, lui fait un croc-en-jambe. |
Calci, pugni, urli, brioni ! Ribumbavanu in l’Umbriccia, Mattone senza calzoni, Li s’appittica à la ciccia Incù l’ugne, in modu tale, Par pilalli u barbazzale.
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Coups de pieds, de poings, hurlements et cris Retentissaient jusqu’à l’Umbriccia. Mattone sans pantalon L’attrape par les cheveux Avec les ongles, de façon A lui peler sa grande barbe. |
Ma Palellu, da la sista, Lestru s’ammira à lu brugnu Piglia a livata è l’inquista Par mandalli un bruttu pugnu : A bighina sbiguttita Casca morta è supillita.
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Mais Palellu, plein d’effroi, Leste, vise la tête (le museau), Prend son élan et l’observe Pour lui envoyer un bon coup de poing sur le nez : La bigote effarée Tombe morte et enterrée. |
- Ohimè ! chì m’arruvina ! Grida Mattone tribbiatu ; Di mè ne face pappina, Chjamatemi lu curatu, Tinite ad ellu, o ziu Frognu, Parch’à mene ùn ci hè bisognu.
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- Ohimè ! Il m’esquinte! Cria Mattone battu; Il me met en bouillie, Appelez le curé, Tenez-le, ô zio Frognu, Car il n’y a pas besoin de me tenir. |
- Quare mene ripulisti ? Risponde Palellu in cesta ; Datemi bandera è cristi Chì vogliu saltalli in cresta. È c’un pizzicu in daveru, Li strisciula lu bragheru.
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-Pourquoi me repousse-tu ? (extrait d’un psaume), répond Palellu nu-tête ; Donnez-moi bannière et crucifix Je veux lui sauter dessus. Et d’un pincement pour de bon, Lui arrache le pantalon. |
Un priore cuncorre è tene, Ma vistu l’omu spugliatu Zia Coditorta si svene À perde quasi lu fiatu È lu prete, in stu micidiu, Ricitò lu visibiliu.
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Un prieur accourt et le tient, Mais voyant l’homme dévêtu Zia Coditorta s’évanouit A en perdre la respiration Et le prêtre, dans ce massacre, Récita le visibiliu. |
Les coups pleuvent et les cris des deux hommes s’entendent jusqu’à l’Umbriccia, quartier de Soccia éloigné de l’église.
La bagarre tourne à la farce : MATTONE perd son pantalon, ce qui fait s’évanouir une femme.
La bagarre va-t-elle dégénérer ? Le sang va-t-il couler ? La procession ira-t-elle jusqu’à son terme ? Les réponses seront données dans le troisième article de cette série.
A suivre
Une procession tragi-comique à Soccia: une belle organisation (1/3) - Le blog des Poggiolais
Voici un siècle qu'un grave incident troubla la sérénité du village de Soccia. Le récit, intitulé "Una prucissione in Soccia", en fut publié en 1924 par la revue A Muvra, de Petru ROCCA, sou...
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