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Les 40,9% de voix obtenues par la liste Bardella aux élections européennes peuvent classer Poggiolo à droite. Il est vrai que, au second tour de l'élection présidentielle de 2022, Marine LE PEN avait eu 62,22%. Les scrutins des 30 juin et 7 juillet montreront si cet ancrage est réel.
Ce qui est certain, c'est que la commune n'est plus, depuis quelque temps, aussi marquée à gauche qu'elle le fut pendant près d'un siècle. Le meilleur exemple de cette orientation en fut donné voici exactement 110 ans, en 1914.
LA GAUCHE VICTORIEUSE
Les élections législatives des 26 avril et 10 mai 1914 se traduisirent par un grand succès de la gauche: 475 sièges contre 126 pour la droite et les non-inscrits. Après les 195 radicaux, les 102 SFIO (nom du parti socialiste de l'époque) formèrent le second groupe de la Chambre des Députés. Cette majorité investit le gouvernement formé par le socialiste indépendant René VIVIANI le 13 juin.
Les socialistes allemands du SPD étaient déjà devenus la première force du Reichstag avec plus du tiers des voix aux élections de 1912.
On oublie trop souvent que la gauche était au pouvoir quand la première guerre mondiale éclata et qu'elle vota massivement les crédits de guerre.
Au rebours de ce contexte de forte poussée de la gauche, l'arrondissement d'Ajaccio élit, ou plutôt réélit, comme représentant à Paris un homme de droite: Dominique PUGLIESI-CONTI.
UN MAÎTRE EN RETOURNEMENTS
Ce dernier était depuis 1904 maire bonapartiste d'Ajaccio, puis conseiller général. Il avait réussi à être élu, de justesse, député en 1910 après avoir abjuré sa foi en la famille impériale et s'être proclamé républicain. Il s'inscrivit chez les progressistes, le groupe républicain qui était alors, malgré son nom, le plus à droite du Palais-Bourbon.
Il se représenta en 1914, avec une nuance plus "gauchiste" puisqu'il était devenu vice-président pour la Corse de la très dreyfusarde Ligue des Droits de l'Homme dirigée par Francis de Pressensé.
Cette série de retournements lui valut d'être traîté de FREGOLI, du nom d'un artiste italien réputé pour ses changements de costumes très rapides.
Le dessinateur marseillais (mais qui se disait "naturalisé corse") H-P GASSIER, qui fut ensuite un des fondateurs du "Canard Enchaîné", s'en moqua avec la caricature ci-dessous publiée dans le numéro du 14 mars 1914 du journal socialiste corse "Avanti".
Quoi qu'il en soit, en 1914, sa réélection, dès le premier tour, fut éclatante:
- 7.990 voix (79%) à Dominique PUGLIESI-CONTI
- 1.365 (13,5%) au docteur Philippe PIETRINI, présenté par la SFIO, qui double quasiment le score du candidat socialiste de 1910
- 763 (7,5%) au républicain AGOSTINI, dont la candidature a été déposée au dernier moment.
Un peu plus tard, après rectification, les résultats officiels passèrent à 8.017 pour le premier et à 1.420 pour le second.
L'ORIGINALITÉ DES ÉLECTEURS POGGIOLAIS
En ne regardant que les chiffres concernant les deux cantons des Deux Sorru, publiés par "Avanti" le 2 mai, l'originalité poggiolaise est évidente.
Comme dans les autres communes, les Poggiolais furent majoritaires à voter PUGLIESI-CONTI. Il obtint 41 voix mais cela ne représentait que 57,75%, loin de sa moyenne de 79%. Un pourcentage plus bas n'exista qu'à Murzo (39,69%) où, pour des raisons locales, AGOSTINI était en tête.
Le fait le plus notable est représenté par les 23 suffrages recueillis par PIETRINI. Le taux de 32,4% établi à POGGIOLO (contre les 13,5% de l'ensemble de la circonscription) est un record pour les deux cantons de l'époque. Le second meilleur score du candidat socialiste se trouvait à LETIA mais avec seulement 19,72%.
POGGIOLO n'avait pas suivi la tendance générale et montrait un attachement certain à la gauche. Une telle attitude dura longtemps.
Elle se manifesta par exemple en 1921 quand François COTY se présenta à l'élection cantonale (voir les articles: "En 1921, le canton était au parfum (début)" et "En 1921, le canton était au parfum (fin)"). Elle persista bien après la seconde guerre mondiale.
En tout cas, quand la catastrophe s'abattit sur l'Europe en août 1914, les Poggiolais firent leur devoir de façon exemplaire comme les enfants des autres villages.
Le 1er février 2023 est la date du cent-vingtième anniversaire de la naissance de Martin PAOLI qui fut conseiller général et maire de Poggiolo.
Fils de Bernard PAOLI et de son épouse Madeleine OTTAVY, Martin naquit donc le 1er février 1903 à Poggiolo.
Son père était un instituteur de valeur, à tel point que, le 17 mai 1925, le conseil municipal poggiolais lui vota une gratification de 150 francs "en récompense du zèle et du dévouement qu'il a toujours apporté dans l'accomplissement de ses devoirs professionnels et pour les nombreux succès obtenus par ses élèves au certificat d'études primaires." (voir l'article "Le bonheur d'enseigner")
Martin suivit le chemin de son père dans l'enseignement et milita également en politique, au sein du parti socialiste SFIO.
Il fut élu conseiller général du canton de Soccia le 23 septembre 1945 et devint vice-président du conseil général de la Corse (qui ne formait alors qu'un seul département).
Le 19 mars 1959, il succéda à la tête de la mairie de Poggiolo à Jean-François CECCALDI qui assumait cette fonction depuis 1919. La mairie, alors installée au rez-de-chaussée de la maison de l'ancien maire, fut transférée dans une maison appartenant à Martin PAOLI, juste à côté de la chapelle St Roch.
Ses nombreuses activités le retenant souvent à Ajaccio, Martin était représenté au village par son premier adjoint Laurent Antoine PINELLI, dit Antunarellu.
Martin PAOLI obtint la légion d'honneur par décret du 9 juillet 1949, notamment car "il se dépense avec ardeur, tact et conviction en faveur de l'école laïque et des œuvres scolaires", ainsi que l'écrivit dans son dossier Maurice PAPON, le préfet de Corse de l'époque.
Cette photo de groupe, qui vient du Fonds Saveriu PAOLI et qui semble avoir été prise au cimetière, montre de gauche à droite:
Antunarellu,
puis Martin PAOLI,
Pierre LECA (merci à Jean-Marc TRAMINI pour l'avoir identifié),
Félix PINELLI,
Pierre COLONNA,
François Antoine MARTINI (dit Ceccantone)
Même si certains l'accusèrent de ne pas avoir fait assez pour le village, il faut mettre au crédit de Martin PAOLI le bétonnage, vers 1963-1966, du chemin mal empierré qu'était la stretta, la modernisation de l'éclairage public en août 1966 et surtout l'installation de l'eau courante dans toutes les maisons, en 1967-1968.
Sa mort, le 1er juin 1968, voici 55 ans, ne fut annoncée qu'avec retard dans la presse, les journaux ne paraissant pas à cause de l'effervescence sociale du moment.
On peut remarquer que sa mandature (19 mars 1959-1er juin 1968) correspond pratiquement à la présidence du général de Gaulle (8 janvier 1959 – 28 avril 1969).
De son mariage en 1925 avec la Socciaise Anne OTTAVY, il avait eu un fils Bernard qui fut rapidement élu maire de Poggiolo. Il le resta jusqu'en 1989.
Son siège de conseiller général revint, après une campagne acharnée contre le Socciais Ange CARLI, au Guagnais Jean Antoine GAFFORY.
Le conseil municipal actuel pourrait avoir une pensée pour cet ancien maire.
La seule vidéo disponible sur cette inondation concerne Serriera:
LA RIPOSTE DU MAIRE DE SOCCiA
(suite du récit publié dans "Le Journal de la Gendarmerie" du 21 juin 1893)
A la nouvelle que que les Guagnais en armes marchaient sur Soccia pour faire modifier les résultats des élections, une inquiétude bien légitime s’était emparée de des habitants du village, et le maire, pressé de tous côtés, se décida à prendre un arrêté interdisant à tout individu armé de pénétrer dans la commune et de se tenir à une distance moindre de 200 mètres de la maison d’école où devait se tenir le bureau de recensement, réunion qui n’avait pu avoir lieu à l’heure fixée, le procès-verbal de Guagno notamment n’étant pas arrivé.
Il alla lui-même afficher cet arrêté sur le mur de la maison Ottavioli situé à 80 mètres du village, et en remit une copie à la gendarmerie en l’invitant à en assurer l’exécution.
Les gens de Guagno étaient encore à la fontaine Saint-Marcel lorsqu’ils apprirent l’existence de cet arrêté. L’un d’eux, Caviglioli (Jean-Charles), dit Carlone, s’écria aussitôt: “J’en ferai des bourres pour mon fusil”, et un autre, Casanova (Jean-Toussaint), s’empressa, suivant l’expression employée par un témoin, de rafraîchir son fusil, c’est-à-dire de le décharger pour en renouveler la charge.
Enfin, vers deux heures, Poli, dit Formiculello, le maire de Guagno et Pinelli (Jean-Antoine) ayant rejoint leurs concitoyens, ceux-ci furent disposés en colonne par trois. Les hommes armés marchant en tête, puis Poli, dit Formiculello, et le maire de Guagno ayant repris leur place au premier rang, à côté de Poli (Antoine-Joachim), cette colonne reprit sa marche en avant.
LES GENDARMES S’INTERPOSENT
La brigade de Soccia ne comprenait que le gendarme Sala, commandant par intérim en l’absence du brigadier, et les gendarmes Ferrandet, Pisella et Jourdan; mais celui-ci, qui s’était foulé le poing la veille, était incapable de tout service. En recevant l’arrêté municipal, Sala avait ordonné à ses hommes de se mettre en tenue de résidence et revêtit lui-même cette tenue qui ne comporte que le revolver.
Il se dirigea ensuite avec Pisella au-devant des Guagnais. Les ayant rencontrés à environ 200 mètres de la maison d’école, Pisella serra la main aux chefs, les engageant au calme et les invitant à respecter l’arrêté du maire.
Leca (François-Xavier) et Poli, dit Formiculello, ayant demandé à lire ce document, ils s’avancèrent tous jusqu’à la maison Ottavioli; mais, après avoir pris connaissance de l’arrêté, le maire de Guagno s’écria: “Ni cet arrêté, ni les gendarmes, ni les habitants de Soccia ne nous empêcheront d’entrer dans le village, et le sang coulera”, et au cri “En avant”, aussitôt poussé par Poli (Antoine-Joachim), succéda le même cri poussé par Caviglioli (Jean-Charles), qui tout en brandissant son fusil prenait place lui aussi à la tête de la colonne.
LA POUDRE PARLE
Celle-ci s’ébranla de nouveau, entraînant les gendarmes Pisella et Sala qui, les bras tendus, s’efforçaient de l’arrêter. Les deux agents de la force publique venaient d’être refoulés jusqu’à 20 mètres de la maison d’école, lorsque survint le gendarme Ferrandet; à son tour il engagea vivement les Guagnais à déposer leurs armes, et il venait à peine de proférer les mots: “Nous mourrons plutôt que de ne pas faire notre devoir”, que Poli (Antoine-Joachim) commandait: “En tirailleurs”, et qu’une autre voix, qui, d’après le gendarme Pisella, ne serait que celle du maire de Guagno, commandait “Feu de peloton”.
En commandant: “En tirailleurs”, Poli (Antoine-Joachim) s’était armé d’un revolver, et, pendant qu’il faisait feu, Caviglioli Jean-Charles, de son côté, épaulait son fusil et pressait la détente. Il avait visé le gendarme Ferraudet qui tomba inanimé, son revolver à la main, mais sans en avoir fait usage, frappé par deux balles au cou et à la poitrine. Une vive fusillade suivit ces deux premières détonations. Le gendarme Sala s’affaissa à son tour, déchargea son revolver sans résultat, et expira peu d’instants après. Il avait reçu plusieurs projectiles à la cuisse et à la hanche. Quant à Pisella, il n’a échappé à la mort que parce qu’il était mêlé aux Guagnais, qui ne pouvaient faire feu sur lui sans s’atteindre entre eux.
Sur les cinquante-deux hommes qui avaient quitté Guagno pour se rendre à Soccia, six, dont deux parmi eux qui étaient armés, s’étaient éloignés de la troupe avant d’arriver dans cette dernière commune. Les quarante-six autres ont tous pris part aux faits criminels dont ils ont aujourd’hui à rendre compte à la justice.
Les débats commencés le 20 juin, se sont terminés le 27. Les principaux accusés ont été condamnés aux travaux forcés à perpétuité.
(à suivre)
Qui connait le drame sanglant du 26 septembre 1892 à Soccia? Voici 130 ans, pour une simple querelle électorale, une expédition armée de Guagnais se heurta violemment dans ce village à des gendarmes dont deux furent tués.
Cette affaire eut une telle ampleur qu'elle va faire l'objet de six articles dans ce blog.
Pour la conter sans oublier ou déformer des détails, le plus simple est de reprendre l'article très documenté paru dans le numéro 1718 (21 juin au 1er juillet 1893) du "Journal de la gendarmerie" au moment du procès des responsables de l'affrontement. Evidemment, les commentaires sont ceux des représentants des forces de l'ordre de l'époque.
Afin d'en faciliter la lecture, l'animateur du blog a placé des inter-titres qui ne se trouvaient pas dans l'article originel.
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COUR D'ASSISES DE LA CORSE
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MEURTRE SUR DEUX GENDARMES
La Cour d'assises de Bastia juge en ce moment les assassins des gendarmes Ferradet et Sala, de la brigade de Soccia (2° compagnie de la Corse). Les accusés, qui appartiennent tous à la commune de Guagno, sont au nombre de quarante-six.
A aucune époque, dit "Le Petit Bastiais", on n'a vu comparaître devant la Cour d'assises de la Corse autant d'accusés à la fois. Le retentissement qu'ont eu les faits de cette cause a été très considérable; on ne saurait trop déplorer la mort de deux braves soldats de la loi, qui ont poussé la consigne jusqu'à l'abnégation et peut-être même jusqu’à la témérité.
L'acte d'accusation, que nous reproduisons en partie, donne une singulière idée des mœurs corses lorsqu'il s'agit de procéder à des élections.
UNE ÉLECTION ÂPREMENT DISPUTÉE
Le 25 septembre 1892, on avait procédé aux élections pour le conseil d'arrondissement dans le canton de Soccia, qui compte quatre communes: Soccia, Guagno, Poggiolo et Orto. Deux candidats étaient en présence: le sieur Pinelli (Philippe) de Poggiolo, et Poli (Antoine-Joachim), de Guagno. Ce dernier avait obtenu plus de suffrages que son concurrent à Guagno, Soccia et Poggiolo, mais la majorité acquise au sieur Pinelli à Orto était plus que suffisante pour modifier le résultat final et assurer son élection.
Empêcher la proclamation du résultat d’Orto, tel fut le parti auquel on s’arrête dans le camp Poli, et voici comment on procéda. Pendant le dépouillement et alors que le président du bureau électoral d’Orto sur les 85 bulletins trouvés dans l’urne en avait déjà lu 76, dont 55 portant le nom de Pinelli et 21 seulement celui de Poli, un membre du bureau, partisan de celui-ci, le sieur Battesti, qui avait eu soin de réunir sous sa main tous les bulletins déjà lus, les jeta de nouveau dans l’urne, puis s’emparant de la feuille de pointage et de la liste d’émargement les déchira.
LA TROUPE SE FORME
Le bureau de recensement devait se réunir à Soccia le 26 à 10 heures du matin. Ce jour-là, dès 6 heures, Poli (Antoine-Joachim), assisté de son père Dominique-Mathieu, dit Formiculello, rassemblait chez lui, à Guagno, ses partisans, leur distribuait des armes, de la poudre et des balles, en leur disant: “Ecoutez-moi, et je réponds de tout”.
Une heure après, une bande de cinquante-deux hommes dont trente-quatre armés de fusils quittait Guagno, se dirigeant vers Soccia. Elle avait à sa tête Poli (Antoine-Joachim), marchant à pied, et son père Formiculello, ainsi que Leca (Jean-François), maire de Guagno, ces deux derniers à cheval. Elle fit une première halte à Poggiolo, chez le maire, où l’on servit à boire à ceux qui la composaient, pendant que Leca (François-Xavier), Poli, dit Formiculello, et Pinelli (Jean-Antoine) se rendaient aux bains de Guagno pour conférer avec leurs amis politiques.
La troupe des Guagnais, reprenant ensuite sa marche, alla attendre le retour de ses trois délégués à la fontaine Saint-Marcel, à 1.200 mètres de Soccia.
(à suivre)
Il arrive que des habitants de Guagno-les-Bains se plaignent de dépendre de Poggiolo car ils trouvent que la mairie les délaisse. Il existe encore au village de Guagno des gens qui disent que la station thermale ne doit pas être poggiolaise.
L'attribution de l'enclave de Saint Antoine, c'est-à-dire de Guagno-les-Bains, à Poggiolo fut entérinée par le décret du Prince-Président Louis-Napoléon BONAPARTE (il ne devint empereur que le 2 décembre 1852) en date du 19 septembre 1852, il y a 170 ans.
Etait-ce un caprice du futur empereur? Pas du tout.
Il voulait mettre fin à la guerilla permanente qui empoisonnait les relations entre Guagno et les villages voisins, notamment Soccia.
UNE LONGUE GUERILLA
Pendant longtemps, et surtout au XVIIIe siècle, les moines cordeliers de la chapelle Saint Antoine recevaient les malades qui venaient se soigner à la source d'eau chaude des Bains de Guagno. Le terrain de Caldane était ouvert à tous mais des Guagnais prirent l'habitude de se l'approprier. Les villages voisins s'en plaignirent souvent (la première mention conservée date de 1779), arguant que les moines étaient sous la protection du curé piévan de Saint Siméon de Poggiolo.
Les querelles se compliquèrent avec l'édification de l'établissement thermal par le département en 1821 et avec l'autorisation de la construction de l'hôpital militaire donnée par le roi Louis XVIII en 1822. Les revendications de Soccia se firent de plus en plus insistantes.
Louis-Philippe pensa résoudre le conflit par l'ordonnance du 7 septembre 1840 autorisant le Préfet "à acquérir de la commune de Guagno, soit à l'amiable et au prix qui sera déterminé par une expertise contradictoire, soit, s'il y a lieu, par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique:
1° les terrains sur lesquels sont situées les sources thermales de St Antoine de Guagno (...)
2° Les bâtiments et constructions actuellement affectés à l'établissement thermal de Guagno et qui seraient la propriété de la commune".
La municipalité de Guagno ayant refusé l'accord amiable, l'expropriation fut prononcée par le tribunal de première instance d'Ajaccio le 3 mars 1841.
Mais les Guagnais continuèrent à occuper les terrains et à entretenir une véritable guérilla juridique contre le département et contre les Socciais.
LE TROISIÈME LARRON POGGIOLAIS
Le 17 septembre 1850, le conseil d'arrondissement d'Ajaccio frappa un grand coup en reconnaissant "qu'il y a opportunité de distraire du territoire de Guagno l'enclave connue sous la dénomination de St Antoine et de la réunir au territoire de Poggiolo, seule commune qui puisse à bon droit la revendiquer".
En votant cette proposition, les élus écartaient Socciais et Guagnais au profit d’un troisième larron. Comment se sont-ils justifiés?
L'argument invoqué était simple: "Fidèle au principe qu'il a proclamé touchant à la suppression des enclaves". Il s’agissait de continuer à rationaliser les frontières communales. Les limites des communes corses créées par la Révolution Française furent longues à être fixées et il fallut presque tout le XIXe siècle pour aboutir. Voir les difficultés entre Poggiolo et Rosazia dans l'article "La fièvre monte à Libbiu".
Le texte proclame bien que Poggiolo est «la seule commune qui puisse à bon droit la revendiquer», donc parce que le découpage sera alors plus rationnel. Mais il est peut-être également sous-entendu qu’il fallait se souvenir que la source avait longtemps été sous la protection du curé de Saint-Siméon.
Les élus furent écoutés. L'attribution de l'enclave de Saint Antoine, c'est-à-dire de Guagno-les-Bains, à Poggiolo fut entérinée deux ans plus tard, par le décret du Prince-Président Louis-Napoléon BONAPARTE en date du 19 septembre 1852. Ce véritable jugement de Salomon mit fin aux oppositions entre Soccia et Guagno.
Désormais, Guagno-les-Bains est officiellement un hameau de Poggiolo mais l'établissement thermal n'appartient pas à la municipalité. Il est propriété du conseil général, et maintenant de la Collectivité de Corse. Et l'on attend son redémarrage...
Contre l'insécurité, il faut avoir la volonté de la combattre et s'en donner les moyens. Un exemple en fut fourni voici exactement deux cents ans.
Le ratage du guet-apens
Entre 1820 et 1827, le bandit Théodore Poli, de Guagno, faisait régner la terreur dans la région vicolaise. Le 29 juillet 1822, le trésorier-payeur Pozzo di Borgo se trouvait à Guagno-les-Bains et devait se rendre à Vico porteur d'une grosse somme. Mais il avait reçu plusieurs messages de plus en plus menaçants de Brusco, le principal lieutenant de Théodore, qui voulait le racketter (même si le mot n'existait pas encore).
Le maire de Poggiolo décida de faire escorter le fonctionnaire par une quarantaine de villageois armés.
Théodore et Brusco s'étaient postés derrière un rocher, sur la route de Sorru, à environ 4 kilomètres de la station thermale. En voyant arriver la troupe, les bandits renoncèrent à lancer l'assaut. Ils se contentèrent de tirer quatre balles qui tombèrent aux pieds des paysans et ils s'enfuirent en montrant le poing tandis que les Poggiolais se moquaient d’eux.
Il faut reconnaître que de tels actes furent rares et que Théodore poursuivit sa carrière jusqu'à sa mort cinq ans plus tard mais la réputation du maire en fut renforcée.
Pascal Paoli parrain d’un Poggiolais
L’édile courageux était Carlo Francescu Pasquale Pinelli et il était le filleul de Pascal Paoli.
Pour montrer leur attachement au Général de la Nation, plusieurs familles de notables lui demandèrent d’être le parrain de leurs fils. Jean-Laurent Arrighi a répertorié trois cas à Vico, entre 1756 et 1764, pendant la période de l’indépendance («Vico Sagone, Regards sur une terre et des hommes», ouvrage collectif, ed. Piazzola, 2016, pages 81 et 82).
Le cas poggiolais est particulier car le baptême eut lieu en l’église Saint Siméon le 30 septembre 1795. Depuis juin 1794, sous l’influence de Pascal Paoli, la rupture avec la France révolutionnaire avait été votée par la Consulte de Corte et le royaume anglo-corse avait été institué.
Le nouveau chrétien, fils de Gioan Natale Pinelli et de son épouse Maria Leca, reçut les prénoms de «Carlo francesco Pasquale».
Le dernier prénom est aussi celui du parrain que l'acte de baptême appelle «Sua Xccelonza il Signore Generale Pasquale de Paoli», formule mise en valeur car écrite avec des lettres plus grosses que les autres et avec de grandes boucles. Elle est encadrée en rouge dans la reproduction ci-dessous.
Le doute n’est pas permis: ce personnage est bien Pascal Paoli, u «Babbu di a Patria», le Père de la Patrie corse.
Le parrain n’était pas présent mais cette absence n’avait rien d’étonnant. Pascal Paoli n’était pas venu non plus aux baptêmes vicolais mentionnés ci-dessus. Il était remplacé par un mandataire.
Au moment de la cérémonie de Poggiolo, le vieux chef corse n’était d’ailleurs pas libre de ses mouvements. A Bastia, où il se trouvait alors, il était sous la surveillance constante des Anglais. Le 14 octobre, deux semaines après le baptême, il s’embarqua à Saint-Florent pour son exil en Angleterre où il finit sa vie.
L’homme le plus cultivé de Corse
Il est bon de savoir qui était l’homme qui représenta Pascal Paoli.
L’acte du baptême indique que la procuration avait été attribuée «nella persona del Signor Dottor Giovantonio pinelli».
Il est facile de reconnaître sous ces mots Gian Antonio Pinelli, surnommé «l’homme le plus cultivé de Corse».
Né le 6 septembre 1760, Gian Antonio était le grand-oncle du jeune baptisé. Dans le document, il est qualifié de «Signor Dottor» car, entré dans les ordres, il devint docteur en théologie (1785) et en droit (1789).
Au début de la Révolution Française, il fut élu à l’assemblée départementale puis à la consulte de 1794 qui désigna le roi d’Angleterre comme roi de Corse. Gian Antonio serait allé habiter Florence pendant la période du royaume anglo-corse. Mais il était pourtant bien présent au baptême de son petit-neveu. Sa signature est bien visible en bas du document, juste au-dessus de celle du curé Giovanni Bonifacy.
Le nom et la signature sont mis en évidence ici par un soulignage vert.
Une longue carrière
Le filleul de Pascal Paoli vécut à Poggiolo.
Carlo Francesco Pasquale devint greffier de justice de paix du canton de Soccia, peut-être avec l’aide de son grand-oncle Gian Antonio. Le représentant du Père de la Patrie lors du baptême était devenu un personnage important: dernier vicaire général du diocèse de Sagone, secrétaire général de la préfecture sous Napoléon Ier, invité au mariage de l’empereur avec Marie-Louise, il fut nommé sous la Restauration conseiller général du canton de Soccia, tout en étant curé de deuxième classe de Soccia avec autorité sur les desservants de Guagno, Orto et Poggiolo.
Il n’est pas interdit de penser qu’il ait permis à Carlo Francesco Pasquale de devenir maire de Poggiolo en été 1821 (à 26 ans!). A cette époque, les maires des petites communes n’étaient pas élus mais désignés par le préfet, donc avec l’accord du gouvernement.
«L’homme le plus cultivé de Corse», qui avait, disait-on, la plus grande bibliothèque de Corse, servit fidèlement l’administration, favorisant la diffusion de la langue française dans la presse et les écoles corses.
Le filleul de Paoli fit de même dans son domaine. A partir de 1824, tous ses actes d’état-civil furent rédigés en français. En revanche, dans les documents où il fut remplacé par son adjoint Antoine François Pinelli, le texte était entièrement en italien.
Rappelons que l'obligation de rédiger les actes d'état-civil dans la seule langue française date de 1852.
Le maire de Poggiolo n’utilisait chaque fois que son premier prénom sous la forme française de Charles, oubliant complètement Francesco et surtout Pasquale. Très souvent, il écrivait simplement: «Pinelli maire».
Sa fonction l’entraîna à enregistrer le décès de son grand-oncle Gian Antonio Pinelli, rappelé à Dieu le 26 décembre 1832 en la maison familiale de Poggiolo.
Maintenu à la tête de la municipalité poggiolaise sous la Monarchie de Juillet, Charles signa son dernier acte d’état-civil le 2 juillet 1847. Il décéda le 14 avril 1849 à l’âge de 54 ans. Il ne s’était pas marié et n’avait pas d’enfant.
Paradoxalement, le filleul de Pascal Paoli fut un acteur docile de la francisation à Poggiolo.
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La vie de Gian Antonio PINELLI, l'homme le plus cultivé de Corse, a fait l'objet de trois articles de ce blog auxquels il est bon de se référer.
L'homme le plus cultivé de Corse (1/3) - Le blog des Poggiolais
On croit que Poggiolo est un petit village où rien ne se passe jamais et où aucun personnalité n'a émergé. Pourtant, un enfant du village a eu une influence considérable en Corse pendant le P...
http://poggiolo.over-blog.fr/article-l-homme-le-plus-cultive-de-corse-1-2-67214131.html
L'homme le plus cultivé de Corse (2/3) - Le blog des Poggiolais
Suite de la biographie de Gian Antonio PINELLI (première partie: cliquer ICI) UNE RÉFÉRENCE DANS L'ENSEIGNEMENT La notice d'Eugène GHERARDI, dans le "Dictionnaire historique de la Corse", avait...
http://poggiolo.over-blog.fr/article-l-homme-le-plus-cultive-de-corse-2-2-113061636.html
L'homme le plus cultivé de Corse (3/3) - Le blog des Poggiolais
Suite et fin des deux articles précédents consacrés à Gian Antonio PINELLI (article 1: cliquer ici; article 2: cliquer ici) UN ACTEUR DE LA FRANCISATION Gian Antonio PINELLI avait bien défendu...
http://poggiolo.over-blog.fr/article-l-homme-le-plus-cultive-de-corse-3-3-113062792.html
Résultats du second tour des élections législatives à Poggiolo:
Votants: 106
Blancs: 7
Nuls: 2
Exprimés: 97
MARCANGELI (majorité présidentielle): 57 (58,76%)
COLONNA (nationaliste): 40 (41,24%)
En comparant avec le premier tour, trouverez-vous comment les suffrages des candidats éliminés se sont répartis?
En tout cas, les résultats du 18 juin 2017 sont difficilement comparables:
Inscrits: 157
Votants: 93
Nuls: 9
Exprimés: 84
FERRARA (LR): 72 (85,71%)
GUIDICELLI (LREM): 12 (14,29%)
Nativité de la Vierge:
Messe à la chapelle du col de Sorru dimanche 8 septembre à 10h30.
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Dimanche 22 septembre à Murzu:
u mele in festa
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L'album de photos des Poggiolais:
Pour le commander, suivre le lien:
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Votre ancêtre a participé à la guerre de 1914-1918?
Envoyez une photo de lui à l'adresse larouman@gmail.com
Elle pourra être publiée dans notre dossier des combattants poggiolais.
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Vacances de Toussaint:
du samedi 19 octobre au lundi 4 novembre.
Vacances de Noël:
du samedi 21 décembre au lundi 6 janvier.
Les articles du blog se trouvent sur la page Facebook du groupe Guagno-les-Bains Poggiolo.