En plus d'être un souvenir familial, la carte d'identité de Philippe GEROMINI, déjà présentée dans un autre article, est un document historique qui permet de faire deux constatations.
La première constatation est la date de confection de la carte d'identité: 5 novembre 1942, soit juste six jours avant l'occupation de la Corse par les Italiens. Sous le prétexte de riposter au débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, les Allemands occupèrent le sud de la France, jusqu'alors en zone dite "libre", et laissèrent leurs alliés italiens s'emparer de la Corse.
La toute neuve carte d'identité servit alors beaucoup pour passer tous les contrôles des occupants.
Pour montrer qu'elle était bien enregistrée, la carte comporte un cachet officiel sous la forme d'un tampon rond ayant le texte: "ETAT FRANCAIS - Commune de POGGIOLO (CORSE)".
L'Etat français est le nom du régime qui fut mis en place par le maréchal PÉTAIN le 10 juillet 1940 et dura jusqu'à la Libération en août 1944.
Le gouvernement siégeait à Vichy. Sa devise était "Travail Famille Patrie".
Dans l'Etat français, les municipalités élues étaient surveillées étroitement. Dans de très nombreuses communes, les conseils municipaux furent remplacés par des délégations nommées par le gouvernement.
Il en fut ainsi pour le conseil municipal de Poggiolo présidé depuis 1919 par Jean-François CECCALDI et dont le premier adjoint était Jean-André PAPADACCI, le beau-père de Philippe GERONIMI. Il fut supprimé par un décret de Pierre PUCHEU, ministre de l'Intérieur, publié dans le "Journal Officiel" du 17 septembre 1941.
Le motif de la dissolution est bien précisé en préambule: "Considérant que le conseil municipal de Poggiolo (Corse) est, dans sa majorité, hostile à l'œuvre de rénovation nationale et se désintéresse de la gestion des affaires communales".
Les Poggiolais votaient à gauche depuis longtemps et leurs élus ne pouvaient qu'être opposés à la politique de Vichy. Mais à quoi pouvait faire allusion ce désintérêt "de la gestion des affaires communales"? S'agissait-il d'une accusation inventée et mise ici pour renforcer celle de ne pas aimer le régime pétainiste ou la commune était-elle vraiment mal gérée.
Une délégation spéciale de trois membres fut mise en place. Elle était dirigée par Antoine-Dominique MARTINI, dit Antunaccione, né en 1883 et décédé en 1970, qui avait été adjudant-chef dans l’artillerie coloniale en Algérie pendant la première guerre mondiale. Voir sa fiche (numéro 58) dans la liste des Poggiolais qui ont participé à la guerre de 14-18. Les deux autres membres étaient Jean-Baptiste DESANTI et Pierre MARTINI.
Ils durent céder la place en septembre 1943, quand armée française et résistants libérèrent la Corse.
La deuxième constatation à faire sur cette carte est la suivante.
Si la dissolution du conseil municipal de Poggiolo avait effet immédiat pour les individus, elle fut plus longue à se faire sentir dans l'ensemble de l'administration municipale. La preuve est fournie par le document suivant:
Cet arrêté municipal du 11 octobre 1941, signé par Antoine-Dominique MARTINI près d'un mois après sa prise de fonction, est recouvert d'un tampon de la "REPUBLIQUE FRANÇAISE". Le nouveau tampon officiel "ETAT FRANÇAIS" n'avait pas encore été fourni. Mais, en novembre 1942, la carte de GERONIMI est bien tamponnée.
Mais ce n'est pas surprenant car la mairie de Poggiolo a connu, à cause de l'histoire politique tourmentée de la France, une grande variété de tampons officiels qui n'étaient pas toujours en phase avec les derniers revirements institutionnels. Le détail en est fourni dans les deux articles signalés ci-dessous.
Péripéties municipales: Les différents cachets de la mairie (1/2) - Le blog des Poggiolais
Qu'un journal confondit POGGIOLO avec POGGIOLA en 1915 , la faute n'était pas trop condamnable. Par contre, il est bien moins facile d'accepter que la confusion ait été acceptée par l'Etat. Not...
Péripéties municipales: les différents cachets de la mairie (2/2) - Le blog des Poggiolais
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