Rare exemple de deux Poggiolais photographiés ensemble pendant la guerre de 1914-1918, l'image publiée hier permettait de poser plusieurs questions.
Elle peut être agrandie en cliquant sur elle.
1) L'identité de ces deux soldats:
A gauche, Jean-Antoine FRANCESCHETTI (1897-1987) en uniforme de chasseur à pied et, à droite, Jean-Baptiste PAOLI (1896-1993) habillé en artilleur.
Ils se trouvaient, en 1918, en permission à Marseille. Ils allèrent se faire tirer le portrait au studio Photo-Eclair du 18 rue de la Cannebière (qui ne devint La Canebière, avec un seul « n » qu’en 1927). Le nom et l'adresse sont mentionnés sur la partie supérieure de la photo.
Les deux amis ont encore un peu le visage juvénile. Ils regardent attentivement l’objectif et sont serrés l'un comme l'autre pour bien être sur la photo. On distingue dans leurs regards le soulagement d’être vivants et l’inquiétude pour l’avenir car la guerre n’était pas encore terminée.
La date de ce document peut être estimée avec une petite marge d'incertitude. Jean-Baptiste PAOLI porte sur son col le nombre 283. Or, incorporé en avril 1915, il fut affecté au 283e régiment d'artillerie lourde en octobre 1917. D'autre part, Jean-Antoine FRANCESCHETTI, mobilisé en janvier 1916, déjà blessé par un éclat d'obus en avril 1917, fut ensuite gravement intoxiqué par les gaz de combat en août 1918. La photo a été réalisée entre octobre 1917 et août 1918, plus vraisemblablement au début de 1918.
2) Quel record ont-ils établi?
La réponse se lit dans la phrase présentant leur identité. Jean-Antoine étant décédé en 1987, à 90 ans, et Jean-Baptiste en 1993, à 97 ans, ils furent les derniers survivants des anciens combattants poggiolais.
Il en restait 46 en 1945 et encore 22 en 1965.
Deux autres questions ayant des rapports plus lointains avec les deux Poggiolais ont été suscitées par cette photo.
3) Quel est le rapport entre ces deux soldats et la Foire Internationale de Marseille?
Le rapport est le parc Chanot. Pendant la Grande Guerre, Marseille était un centre de transit important pour les troupes arrivant ou partant par la mer et, dans l'attente d'un embarquement pour une permission en Corse ou d'un départ par train vers le front, ces deux Poggiolais, comme des milliers d'autres militaires, logeaient dans le camp de l'American Park, près du rond-point du Prado. L'American Park était un parc d'attractions qui avait été pris par l'armée pour servir de camp d'hébergement.
Après la guerre, ce lieu, rebaptisé Parc Chanot, en l'honneur d'un maire de Marseille, fut utilisé (et il l'est toujours) pour implanter la Foire-exposition qui se déroule chaque seconde quinzaine du mois de septembre.
4) Quel est le point commun entre ces deux Poggiolais et la famille de Charles Aznavour?
A première lecture, cette question semble vraiment saugrenue. Pourtant, il faut regarder le nom du studio de photographie où les deux Poggiolais s'étaient rendus: Photo-Eclair.
Pour donner une identité et des papiers aux Arméniens ayant fui le génocide perpétré par les Turcs, et qui débarquaient tous à Marseille, les autorités françaises décidèrent de réaliser des photos d'identité et Photo-Eclair fut chargé de cette besogne. L'Eglise arménienne marseillaise réalisa des actes de naissance et de baptême qui, accompagnés de ces photos, servirent de certificats d'état-civil provisoires.
On sait que les parents de Charles Aznavour (qui naquit un peu plus tard à Paris) passèrent par Marseille. Ils furent certainement photographiés à cet endroit.
Comme quoi, une simple photo peut donner des renseignements sur de nombreux sujets.
Des renseignements supplémentaires se trouvent dans l'article de Michèle Delaage "Photographie et photographes" dans Une, deux, trois... La Canebière, Comité du Vieux Marseille, novembre 2017.
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