Il arrive que des habitants de Guagno-les-Bains se plaignent de dépendre de Poggiolo car ils trouvent que la mairie les délaisse. Il existe encore au village de Guagno des gens qui disent que la station thermale ne doit pas être poggiolaise.
L'attribution de l'enclave de Saint Antoine, c'est-à-dire de Guagno-les-Bains, à Poggiolo fut entérinée par le décret du Prince-Président Louis-Napoléon BONAPARTE (il ne devint empereur que le 2 décembre 1852) en date du 19 septembre 1852, il y a 170 ans.
Etait-ce un caprice du futur empereur? Pas du tout.
Il voulait mettre fin à la guerilla permanente qui empoisonnait les relations entre Guagno et les villages voisins, notamment Soccia.
UNE LONGUE GUERILLA
Pendant longtemps, et surtout au XVIIIe siècle, les moines cordeliers de la chapelle Saint Antoine recevaient les malades qui venaient se soigner à la source d'eau chaude des Bains de Guagno. Le terrain de Caldane était ouvert à tous mais des Guagnais prirent l'habitude de se l'approprier. Les villages voisins s'en plaignirent souvent (la première mention conservée date de 1779), arguant que les moines étaient sous la protection du curé piévan de Saint Siméon de Poggiolo.
Les querelles se compliquèrent avec l'édification de l'établissement thermal par le département en 1821 et avec l'autorisation de la construction de l'hôpital militaire donnée par le roi Louis XVIII en 1822. Les revendications de Soccia se firent de plus en plus insistantes.
Louis-Philippe pensa résoudre le conflit par l'ordonnance du 7 septembre 1840 autorisant le Préfet "à acquérir de la commune de Guagno, soit à l'amiable et au prix qui sera déterminé par une expertise contradictoire, soit, s'il y a lieu, par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique:
1° les terrains sur lesquels sont situées les sources thermales de St Antoine de Guagno (...)
2° Les bâtiments et constructions actuellement affectés à l'établissement thermal de Guagno et qui seraient la propriété de la commune".
La municipalité de Guagno ayant refusé l'accord amiable, l'expropriation fut prononcée par le tribunal de première instance d'Ajaccio le 3 mars 1841.
Mais les Guagnais continuèrent à occuper les terrains et à entretenir une véritable guérilla juridique contre le département et contre les Socciais.
LE TROISIÈME LARRON POGGIOLAIS
Le 17 septembre 1850, le conseil d'arrondissement d'Ajaccio frappa un grand coup en reconnaissant "qu'il y a opportunité de distraire du territoire de Guagno l'enclave connue sous la dénomination de St Antoine et de la réunir au territoire de Poggiolo, seule commune qui puisse à bon droit la revendiquer".
En votant cette proposition, les élus écartaient Socciais et Guagnais au profit d’un troisième larron. Comment se sont-ils justifiés?
L'argument invoqué était simple: "Fidèle au principe qu'il a proclamé touchant à la suppression des enclaves". Il s’agissait de continuer à rationaliser les frontières communales. Les limites des communes corses créées par la Révolution Française furent longues à être fixées et il fallut presque tout le XIXe siècle pour aboutir. Voir les difficultés entre Poggiolo et Rosazia dans l'article "La fièvre monte à Libbiu".
Le texte proclame bien que Poggiolo est «la seule commune qui puisse à bon droit la revendiquer», donc parce que le découpage sera alors plus rationnel. Mais il est peut-être également sous-entendu qu’il fallait se souvenir que la source avait longtemps été sous la protection du curé de Saint-Siméon.
Les élus furent écoutés. L'attribution de l'enclave de Saint Antoine, c'est-à-dire de Guagno-les-Bains, à Poggiolo fut entérinée deux ans plus tard, par le décret du Prince-Président Louis-Napoléon BONAPARTE en date du 19 septembre 1852. Ce véritable jugement de Salomon mit fin aux oppositions entre Soccia et Guagno.
Désormais, Guagno-les-Bains est officiellement un hameau de Poggiolo mais l'établissement thermal n'appartient pas à la municipalité. Il est propriété du conseil général, et maintenant de la Collectivité de Corse. Et l'on attend son redémarrage...