Les 40,9% de voix obtenues par la liste Bardella aux élections européennes peuvent classer Poggiolo à droite. Il est vrai que, au second tour de l'élection présidentielle de 2022, Marine LE PEN avait eu 62,22%. Les scrutins des 30 juin et 7 juillet montreront si cet ancrage est réel.
Ce qui est certain, c'est que la commune n'est plus, depuis quelque temps, aussi marquée à gauche qu'elle le fut pendant près d'un siècle. Le meilleur exemple de cette orientation en fut donné voici exactement 110 ans, en 1914.
LA GAUCHE VICTORIEUSE
Les élections législatives des 26 avril et 10 mai 1914 se traduisirent par un grand succès de la gauche: 475 sièges contre 126 pour la droite et les non-inscrits. Après les 195 radicaux, les 102 SFIO (nom du parti socialiste de l'époque) formèrent le second groupe de la Chambre des Députés. Cette majorité investit le gouvernement formé par le socialiste indépendant René VIVIANI le 13 juin.
Les socialistes allemands du SPD étaient déjà devenus la première force du Reichstag avec plus du tiers des voix aux élections de 1912.
On oublie trop souvent que la gauche était au pouvoir quand la première guerre mondiale éclata et qu'elle vota massivement les crédits de guerre.
Au rebours de ce contexte de forte poussée de la gauche, l'arrondissement d'Ajaccio élit, ou plutôt réélit, comme représentant à Paris un homme de droite: Dominique PUGLIESI-CONTI.
UN MAÎTRE EN RETOURNEMENTS
Ce dernier était depuis 1904 maire bonapartiste d'Ajaccio, puis conseiller général. Il avait réussi à être élu, de justesse, député en 1910 après avoir abjuré sa foi en la famille impériale et s'être proclamé républicain. Il s'inscrivit chez les progressistes, le groupe républicain qui était alors, malgré son nom, le plus à droite du Palais-Bourbon.
Il se représenta en 1914, avec une nuance plus "gauchiste" puisqu'il était devenu vice-président pour la Corse de la très dreyfusarde Ligue des Droits de l'Homme dirigée par Francis de Pressensé.
Cette série de retournements lui valut d'être traîté de FREGOLI, du nom d'un artiste italien réputé pour ses changements de costumes très rapides.
Le dessinateur marseillais (mais qui se disait "naturalisé corse") H-P GASSIER, qui fut ensuite un des fondateurs du "Canard Enchaîné", s'en moqua avec la caricature ci-dessous publiée dans le numéro du 14 mars 1914 du journal socialiste corse "Avanti".
Cliquer sur l'image pour l'agrandir.
Quoi qu'il en soit, en 1914, sa réélection, dès le premier tour, fut éclatante:
- 7.990 voix (79%) à Dominique PUGLIESI-CONTI
- 1.365 (13,5%) au docteur Philippe PIETRINI, présenté par la SFIO, qui double quasiment le score du candidat socialiste de 1910
- 763 (7,5%) au républicain AGOSTINI, dont la candidature a été déposée au dernier moment.
Un peu plus tard, après rectification, les résultats officiels passèrent à 8.017 pour le premier et à 1.420 pour le second.
L'ORIGINALITÉ DES ÉLECTEURS POGGIOLAIS
En ne regardant que les chiffres concernant les deux cantons des Deux Sorru, publiés par "Avanti" le 2 mai, l'originalité poggiolaise est évidente.
Colonne 1: Pietrini - Colonne 2: Agostini - Colonne 3: Pugliesi-Conti.
Comme dans les autres communes, les Poggiolais furent majoritaires à voter PUGLIESI-CONTI. Il obtint 41 voix mais cela ne représentait que 57,75%, loin de sa moyenne de 79%. Un pourcentage plus bas n'exista qu'à Murzo (39,69%) où, pour des raisons locales, AGOSTINI était en tête.
Le fait le plus notable est représenté par les 23 suffrages recueillis par PIETRINI. Le taux de 32,4% établi à POGGIOLO (contre les 13,5% de l'ensemble de la circonscription) est un record pour les deux cantons de l'époque. Le second meilleur score du candidat socialiste se trouvait à LETIA mais avec seulement 19,72%.
POGGIOLO n'avait pas suivi la tendance générale et montrait un attachement certain à la gauche. Une telle attitude dura longtemps.
Elle se manifesta par exemple en 1921 quand François COTY se présenta à l'élection cantonale (voir les articles: "En 1921, le canton était au parfum (début)" et "En 1921, le canton était au parfum (fin)"). Elle persista bien après la seconde guerre mondiale.
En tout cas, quand la catastrophe s'abattit sur l'Europe en août 1914, les Poggiolais firent leur devoir de façon exemplaire comme les enfants des autres villages.