Les lecteurs de ce blog cherchent à retrouver leur enfance et les souvenirs de leur famille. Ils veulent connaître leurs racines. Beaucoup s'intéressent à la généalogie. Le texte suivant les
intéressera.
Il a été publié, voici pratiquement un an, le dimanche 29 janvier 2012, dans "Corse-Matin". Il justifie d'une façon originale la recherche de nos ancêtres. Chaque être humain n'apparaît
pas sur cette planète ex-nihilo et doit savoir quelle est sa famille, d'où il vient.
Si l'homme ne sait pas toujours où il va, une chose est sûre : il ne vient jamais de nulle part.
Chacun d'entre nous transporte avec lui la mémoire, vivante ou morte, de ses ancêtres. Une mémoire composite qui
rassemble des choses heureuses, mais aussi des traumatismes ou des événements « indicibles », au moins à l'époque où ils se sont déroulés. Époque parfois très lointaine. « Comme
en génétique, on considère que la transmission psychique s'effectue sur trois générations », explique Dominique France Tayebaly, psychanalyste à Cogolin (Var) et spécialisée
dans l'analyse transgénérationnelle.
Pour fouiller cette mémoire et débusquer les événements dont a pu hériter la génération actuelle, les
psychogénéalogistes utilisent un outil très performant, le génosociogramme. Un terme un peu abscons pour désigner une variante de l'arbre généalogique que le patient
va compléter, au fil des séances, avec l'aide du thérapeute. Arbre généalogique enrichi des événements marquants, des traumatismes subis et/ou les liens affectifs importants. «
Le fait de dessiner un arbre amène le patient à comprendre des choses, parfois très subtiles. Et lorsqu'il se retrouve incapable de fournir des éléments sur l'un ou l'autre de ses ancêtres,
on l'aide à comprendre les raisons de cette absence de transmission », détaille la psychanalyste.
L'effet fantôme
En quoi cette marche à la recherche des temps passés peut-elle aider à mieux vivre le présent?
« Lorsque des personnes ressentent des malaises diffus ou vivent des situations difficiles qu'elles n'arrivent pas à
associer à des éléments de leur propre vie, ce type d'analyse permet d'aller chercher des pistes de réflexion dans l'histoire de ses ancêtres. Un exemple : une femme consulte
parce qu'elle ne parvient pas à mettre au monde un enfant, alors que rien ne s'y oppose d'un point de vue physiologique. On découvre, via le génosociogramme, qu'une de ses ancêtres est morte
en couches. De là, a pu se transmettre une peur d'enfanter, cet acte étant considéré inconsciemment comme mortel. C'est ce que l'on appelle l'effet fantôme. »
Référence est ici faite à l'absence de paroles, aux non-dits, plutôt qu'aux choses gardées secrètes, par
honte le plus souvent : « Ce n'est pas parce que l'on ne voulait pas en parler, mais parce que l'on ne pouvait pas le faire que ce type de « secrets » ou d'autres encore liés à
l'expérience de la guerre, ont été véhiculés d'une génération à l'autre. » Des paroles maintenues prisonnières soit par la honte soit par l'effroi de la douleur éprouvée.
Et ce sont parfois les générations suivantes qui vont traduire en symptômes tout ce qui n'a pas pu être
dit. Des symptômes qui ne sont heureusement pas toujours aussi graves qu'une infertilité inexpliquée. « On reçoit aussi des personnes qui se plaignent d'échecs amoureux répétés.
Elles sont abattues, découragées voire désespérées. Ce qui leur met la puce à l'oreille lorsque l'on examine avec elles le génosociogramme, c'est la répétition du même scénario à chaque étape
de l'arbre : séparations, abandons. Inconsciemment, le sujet va choisir des partenaires qui vont l'abandonner, ou que lui-même va abandonner par peur de subir le même sort que ses ancêtres.
»
En prenant conscience de tout ce qui a été déposé au pied de notre berceau, de toutes les protections dont on a
hérité, on accéderait ainsi à une plus grande liberté et on deviendrait - enfin - sujet de son histoire.