Max SIMEONI vient de décéder. Peu connu de la jeune génération, il eut un rôle fondamental, avec son frère Edmond, dans le mouvement nationaliste corse. Les hommages sont très nombreux dans les milieux politiques et associatifs corses.
Vous trouverez ci-dessous l'article de Julian MATTEI paru sur le site de Corse-Matin qui résume bien la carrière militante de Max.
Puisqu'il est d'usage de raccrocher le parcours d'un homme à un évènement, à un discours qui aura laissé une empreinte dans les mémoires, l'odyssée militante de Max Simeoni restera sans doute liée à un texte qui fît date : "Je suis un nationaliste corse."
C'était il y a tout juste cinquante ans, le 19 août 1973, dans les colonnes d'Arritti, le journal des autonomistes, fondé quelques années plus tôt. Son éditorial est succinct, mais son contenu est déjà tout un programme. Celui d'une vie au service d'une cause, dont il fut l'un des guides les plus éclairés. La disparition de Max Simeoni, ce samedi 9 septembre 2023 à l'âge de 94 ans, laisse la Corse du nationalisme orpheline de l'un de ses pères. " Max a tout donné à cette cause qui lui paraissait juste, et dont il est resté un militant infatigable et dévoué, jusqu'à son dernier souffle ", se souvient Michel Angeli, un compagnon de route depuis les années 1960.
Les années 1960, c'est justement à cette époque que Max Simeoni rentre en Corse. Le trentenaire avait dû quitter l'île et son village de Lozzi pour suivre ses études de médecine à la faculté de Marseille. C'est à son retour, sa plaque à peine vissée sur la devanture de son cabinet, à Bastia, qu'il fait ses premiers pas en politique. Ses travaux, conduits dans le cadre du Cedic, le comité d'études et de défense des intérêts de la Corse, ancêtre du mouvement autonomiste, fondé en 1964, prennent déjà des allures de manifeste. Le jeune médecin livre à travers cet opuscule son analyse de la société insulaire et accuse Paris d'exploiter des activités lucratives dans l'île, au détriment des Corses, dont l'État favoriserait l'exode.
"Max est, à mon sens, le principal artisan du nationalisme, abonde Louis Sarocchi, vieux militant de l'action régionaliste corse et protagoniste de l'assaut de la cave d'Aleria, en août 1975. Il a grandement contribué à conceptualiser la lutte et à structurer la revendication."
La suite de son engagement politique s'écrit dans l'histoire de la Corse de ces cinquante dernières années. En 1967, il fonde l'ARC, l'action régionaliste corse, avec ses deux frères cadets, Edmond et Roland. Max influera dès lors dans tous les choix du mouvement nationaliste et sera de tous les combats. De l'Argentella aux " boues rouges ", en passant par les évènements d'Aleria." C'est lui qui a posé les fondements théoriques, à travers notamment la notion d'autonomie, considère Fabienne Giovannini, ancienne conseillère territoriale, qui fût aussi sa collaboratrice au Parlement européen. Il a compris très tôt que la lutte ne pouvait pas se limiter à la protestation, mais qu'il fallait structurer le mouvement et conscientiser le peuple. La fondation de l'hebdomadaire Arritti, en 1966, s'inscrit pleinement dans cet objectif. Edmond était la personnalité charismatique, et Max était le stratège."
Dans un entretien accordé à notre titre, en janvier 2019, quelques semaines après le décès de son frère Edmond, l'intéressé lui-même n'en disconvenait pas : " Je travaillais sur les fondations et lui, il déblayait le terrain autour pour donner une vision publique constante à notre action. " Les deux frères Simeoni ont exercé le même métier, défendu la même cause, y compris parfois en empruntant les chemins de la nuit combattante. En août 1976, un an après Aleria, Max Simeoni se fait activiste. Avec une poignée de militants, il dynamite la cave Cohen-Skalli, à Aghione, et prend le maquis.
Premier nationaliste au Parlement européen
Il revient sur la scène politique un an plus tard, en 1977. Toujours avec Edmond, il porte sur les fonts baptismaux l'UPC, l'Unione di u populu corsu. Un accident de santé éloigne un temps son frère du combat électoral. Max prend alors la tête de liste au moment où le mouvement fait ses premières armes. Il est élu conseiller à l'Assemblée de Corse en 1984. Son parcours politique prend une autre dimension lorsqu'il devient, cinq ans plus tard, le premier nationaliste à faire son entrée au Parlement européen, à la faveur d'une alliance avec les Verts, conduite par Antoine Waechter. En troisième position sur la liste, Max Simeoni poursuit alors un objectif : "internationaliser la question corse " en donnant un nouvel écho à la lutte nationaliste. Dans ses échanges avec Corse-Matin, l'ancien député européen n'en faisait guère mystère : " Cette échéance nous intéressait car elle nous offrait une tribune à une plus grande échelle, et le moyen d'attaquer Paris par l'extérieur comme voulaient le faire toutes les régions d'Europe concernées par les problèmes de peuples minoritaires. "
L'union des peuples minoritaires occupe, elle aussi, une place centrale dans le logiciel politique de Max Simeoni. Il participe, en 1981, à la fondation de l'alliance libre européenne (ALE), à laquelle adhèrent 46 partis défendant le droit à l'autodétermination des peuples, comme la diversité culturelle et linguistique. "Son objectif était avant tout de fédérer pour donner davantage de poids à notre lutte", avance Fabienne Giovannini.
Cet élan ne s'arrête pas là. En 1994, Max Simeoni s'inscrit parmi les membres fondateurs de la fédération Régions et peuples solidaires (RPS), un mouvement rassemblant, à l'échelle de la France, des partis régionalistes basques, bretons, alsaciens, catalans, occitans et corses. La liste qu'il conduit n'obtiendra aucun élu aux européennes de 1994. Mais la démarche est lancée : un an plus tard, Max Simeoni tente, en vain, de candidater à l'élection présidentielle pour sensibiliser l'opinion nationale au " problème corse. "
" Chaque souffle de sa vie a été dédié à la lutte commune, estime le député européen (Femu a Corsica), François Alfonsi. Sa vision à long terme et son engagement militant ont ouvert la voie. " Une voie qui, s'il s'en était écarté au cours des dernières années en raison de son âge avancé, n'a jamais cessé d'attiser le regard éclairé du patriarche. Jusqu'à ses derniers jours, Max Simeoni resta l'éditorialiste parfois mordant du journal qu'il avait contribué à fonder, comme une vigie de cette lutte nationaliste dont il fût l'un des plus discrets bénédictins.
À cet égard, son ultime entretien avec Corse-Matin peut aussi être lu à la manière d'un testament à l'endroit de son neveu, Gilles simeoni, qui l'incarne aujourd'hui à la tête de l'exécutif : " Quand Gilles lâche "Tamanta strada", il fait allusion aux cinquante dernières années, mais la route qui reste à faire est plus longue, ou tout au moins plus difficile. Nous avons besoin d'un pouvoir fort, et pour l'avoir, il faut avoir l'autonomie. Pour avoir cette autonomie, il faut que l'essentiel du peuple corse la réclame comme un besoin, et non pas pour faire plaisir à un élu. Avec cette autonomie, il faudra plusieurs années pour remonter la pente. On ne travaillera pas pour nous, mais pour nos petits-enfants. "