En Corse, les traditions locales (et plus exactement les fêtes de la Nativité de la Vierge) sont la cause
d'une rentrée scolaire décalée par rapport au continent. Cette année, la rentrée scolaire des enseignants a été fixée au vendredi 7 septembre et celle des élèves au lundi 10 septembre. Mais il
faut que les bâtiments aient été préparés pour ce jour et que le matériel ait été renouvelé. Cette préoccupation a toujours été, depuis Jules Ferry, celui des municipalités qui ont la
responsabilité des écoles primaires.
Poggiolo s'en est souvent soucié, comme le montre le devis qui est publié ci-dessous.
Comment? Il n'existe plus d'école à Poggiolo depuis plus de quarante ans?
C'est exact (voir article sur les instituteurs de Poggiolo en cliquant ici) mais ce document date de 1884. D'ailleurs, ce "devis estimatif
des objets mobiliers nécessaires à l'école", qui se trouve aux Archives Départementales d'Ajaccio, concernait seulement celle de Guagno-les-Bains qui, comme il est écrit sur cette feuille,
est un "hameau de POGGILOLO (sic)".
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NICCI Antoine Joseph, qui se qualifiait de "fournisseur", s'engageait à fournir 11 articles indispensables
au bon fonctionnement de l'école, à savoir:
1° Une carte de France
2° Une carte d'Europe
3° Un planisphère ou carte Mappemonde
4° Une carte de la Corse
5° Un boulier-compteur
6° Une méthode de lecture par Néel
7° Un tableau du système métrique par Linarès
8° Un bureau-table avec siège
9° Une collection de 40 ardoises quadrillées pour dessin
10° Une collection de bons points
11° Une pendule œil-de-bœuf.
Les lignes 12 et 13 concernaient les taxes à verser pour ce document.
On peut remarquer que cette liste donnait la quasi-totalité du matériel dont une école de l'époque avait
besoin: quatre cartes pour la Géographie, une méthode pour la lecture, un boulier et un tableau du système métrique pour les Mathématiques, des ardoises "quadrillées pour le dessin" mais
aussi pour l'écriture et l'orthographe. Les
bons points étaient absolument indispensables pour récompenser
les bons élèves.
La méthode Néel qui était précisée dans la commande substituait, au manuel de lecture simple, le livre
unique qui permettait de lier la lecture, l’orthographe, l’écriture et les leçons de choses.
Il est à remarquer que la commande portait sur 40 ardoises. Correspondait-elle au nombre d'élèves, en comptant
plusieurs ardoises de réserve pour remplacer celles qui se détérioreraient? Ce n'est pas invraisemblable car une lettre du maire dénombrait, en 1886, 32 garçons et 26 filles à l'école de
Poggiolo.
L'instituteur devait avoir un bon bureau puisque celui-ci coûtait 40 francs sur un devis total de 150,10
francs. Il pouvait aussi connaître l'heure en permanence grâce à l'horloge (coût: 35 francs).
L'année précédente, l'instituteur de Poggiolo avait déjà eu droit à un peu de confort comme l'indique le devis
établi par DESANTI François-Marie, menuisier, le 25 janvier 1883: "une estrade avec table et chaise pour le maître" coûtait 35 francs. La commande portait aussi sur "un tableau noir" (13 francs).
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Il est difficile de donner une équivalence précise entre le franc-or de l'époque et l'euro actuel mais on
peut évaluer 1 franc entre 2,5 et 3 euros.
Les devis furent acceptés par le maire DESANTI Jules Martin (né en 1831 et décédé en 1910) qui dirigea la
commune de 1880 à 1888.
Instituteur et élèves furent comblés. Mais il est permis de se demander si la rentrée eut vraiment lieu dans les
meilleures conditions: à cette époque-là, la scolarité reprenait le 1er octobre; or, le devis de NICCI fut présenté durant ce mois et on peut supposer qu'il fallut quand même du temps pour
que tout le matériel fut livré.