Poggiolo est un cas particulier dans la piève de Sorru in Sù. C'est une commune mais qui est composée de deux hameaux séparés par trois kilomètres: Poggiolo et Guagno-les-Bains. Mais le terme "hameau" n'est pratiquement jamais utilisé. Quand on parle du "village", il s'agit bien de Poggiolo.
A la suite de péripéties assez compliquées entre Poggiolo, Soccia, Guagno et Vico, Guagno-les-Bains fut rattaché à la commune de Poggiolo. La délibération du Conseil Général de Corse du 17 septembre 1850 fut entérinée par le décret du Prince-Président Louis-Napoléon BONAPARTE en date du 19 septembre 1852 (voir article sur ce sujet ICI). L'enjeu était important car c'était l'époque où la station thermale prit son essor avec la création de l'hôpital militaire et le début du tourisme de cure. Guagno-les-Bains eut au cours du XIXème siècle une activité touristique et commerciale importante alors que Poggiolo était agro-pastoral.
L'Etat reconnut la nécessité d'une administration particulière à la bourgade en créant, le 19 janvier 1897, au sein de la municipalité poggiolaise, un adjoint spécial s'occupant de l'état-civil et de l'exécution des lois. Il était un véritable "sous-maire" pour Guagno-les-Bains. Le décret du Président de la République Félix FAURE était contresigné par Louis BARTHOU, ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Jules MÉLINE.
On peut remarquer que le
texte du décret publié dans le "Bulletin des Lois" emploie le terme de "section" pour désigner Guagno-les-Bains.
Ce cas très particulier d'un adjoint spécial provoqua même un certain embrouillamini juridique pendant la seconde guerre mondiale.
Le maréchal PETAIN, ayant obtenu les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940, fit procéder à la dissolution de nombreuses municipalités jugées trop peu favorables à l'Etat Français et à son œuvre de Révolution Nationale. Il en fut ainsi pour le conseil municipal de Poggiolo présidé depuis 1919 par Jean-François CECCALDI. Il fut supprimé en septembre 1941 et une délégation spéciale dirigée par Antoine-Dominique MARTINI fut mise en place.
Les membres de la délégation envoyèrent le 22 octobre suivant une lettre au préfet Paul Louis Emmanuel BALLEY (dont l'attitude pendant la guerre est décrite ICI) pour lui faire remarquer que la dissolution du mois précédent ne faisait pas allusion à l'adjoint spécial des Bains. Celui-ci, Joseph Antoine LECA, était donc, bien involontairement, resté en place. Mais, comme il se déclarait solidaire de l'ancienne équipe municipale, la délégation spéciale proposait sa révocation et son remplacement par Jules LECA, ce qui fut fait. Puis, à son tour, le 24 mars 1943, Pierre CASANOVA devint l'adjoint spécial.
Nouveau changement avec la libération de la Corse. Comme l'écrit Ours Jean CAPOROSSI sur son site consacré à l'histoire de la Corse, "toutes les municipalités indignes sont déchues. Sur 365, seules 130 restent en place". Dès les premiers jours de septembre 1943, Jean-François CECCALDI reprit sa place à la tête du conseil municipal et changea l'adjoint.
Guagno-les-Bains jouit toujours de sa "spécialité", même si l'état-civil n'est plus son grand souci. L'adjoint actuel est Christophe BATTESTI dont on sait l'attachement à sa "section" ou à son "hameau" (voir l'article intitulé "Christophe va-t-il vivre dans l'indigence?").
Mais peu de nos contemporains savent que cette fonction a été créée voici 116 ans.