En l'absence du chemin de fer (voir article sur "le train-fantôme"), comment pouvait-on circuler en Corse autrefois?
LES TEXTES
"Il y a quatre manières de voyager en Corse: à pied, à cheval, en diligence, en calèche. A pied, il n'y faut pas penser; à cheval, l'étranger doit y renoncer; en diligence, il faut bien s'en garder. Il reste la calèche, sorte de véhicule étrange, ni fiacre, ni landeau, ni coupé, traîné par de vigoureux chevaux attelés quelquefois avec des harnais, souvent avec des cordes, et dont le serre-frein est toujours un vieux soulier."
Voici le texte, fort peu encourageant, qu'écrivait le Dr Adrien ANDREI dans son ouvrage "A travers la Corse" publié en 1892, et cité par François PAOLI dans "Letia et la région de VICO".
De son côté, un peu plus tôt, le Guide écrit par Paul JOANNE sous le titre "Itinéraire général de la France" et publié chez Hachette en 1884, se méfiait de la Corse et des Corses.
A l'intention des touristes voulant admirer le paysage, il énumèrait lui aussi les moyens possibles: "On doit renoncer absolument à utiliser les services de voitures publiques qui, n'ayant qu'une seule place d'impériale et partant généralement dans la journée ou le soir, ne permettent ni de voir le pays, ni de s'arrêter là où on voudrait le faire. Il faut donc louer une calèche à deux chevaux et voyager à petites journées. (...) Voyager à pied serait peu coûteux, mais beaucoup plus long, et il serait impossible de trouver un guide. Voyager à cheval, sur des chevaux qui pointent et se cabrent, et qui sont difficiles au montoir, n'est pas très praticable, d'autant qu'il faudrait alors avoir avec soi un homme également à cheval, qui ne voudrait aller que d'un point à un autre."
Il préconisait de s'établir dans des centres d'excursion, parmi lesquels il citait VICO et GUAGNO, et d'où l'on pouvait rayonner. Mais attention: "Pour les chevaux ou les mulets, chargez votre hôtelier ou quelqu'un du pays de vous en procurer, mais ne cherchez pas vous-même, vous réussiriez à payer le double, si toutefois vous pouviez en obtenir. Si vous êtes connu ou avec quelqu'un de connu, vous payerez chaque mulet 2 fr, pour une journée."
Concrètement, avons-nous des renseignements précis pour notre micro-région?
LES TÉMOIGNAGES
Tout le monde sait que les ânes et les mulets ont toujours été utilisés par les Corses, comme ici, sur le pont qui traverse le fleuve SAGONE.
Une voiture à chevaux a été photographiée en 1898, un peu plus loin que ce même pont, près de la tour
génoise.
Il existe aussi un témoignage littéraire sur ce moyen de déplacement.
L'été précédant cette photo, en 1897, l'écrivain royaliste Charles MAURRAS avait utilisé ce véhicule et ne s'en était pas plaint. Dans son texte sur "Les Cargésiennes" (évoqué dans l'article publié ICI), il reconnait que :"Il est des courses plus faciles. L'aller et le retour veulent quatorze heures de diligence."
Mais il ajoute : "Je les affrontai et fis bien."
Il évoque ses "compagnons de banquettes", les chevaux
qu'il qualifie de "robustes petits coureurs" et le fouet du conducteur qui lui présente les ruines de Paomia. Contrairement aux réticences des guides cités ci-dessus, il est enthousiasmé
par le voyage. Mais il retrouvait à chaque détour du chemin des souvenirs de la Grèce et, pour lui, rien n'était supérieur à cette similitude. Le voyage devenait un enchantement.
Tout fut différent quand arriva l'automobile (suite dans le prochain article de cette série).