Même pour des lieux très connus, il est parfois difficile de connaître leur origine et leur histoire.
Il en est ainsi de la chapelle Saint Elisée , au-dessus d'otto.
Un article paru le 15 septembre dans "Corse-Matin" a suscité des réactions apportant des précisions intéressantes. Pascale CHAUVEAU a réalisé une synthèse de ces nouvelles informations le 4 octobre dans le quotidien insulaire sous le titre "Querelle de clochers autour de San Eliseo". Le texte en a été reproduit dans le bulletin "Inseme" d'octobre (pages 6 et 7).
Nous le mettons à votre disposition ci-dessous:
Ortu: San Eliseu: l'histoire et les petites histoires
A Orto, chaque publication sur Saint Elisée déclenche réactions et polémiques. Non pas sur le Saint lui-même, patron du village, qui rassemble chaque 29 août les habitants d'Orto, Soccia et environs au pèlerinage vers la petite chapelle située à 1 500 mètres d'altitude où une messe est célébrée.
Les controverses viennent plutôt de l'origine de la chapelle et de la statue de Saint Elisée.
Récemment, un article, paru dans Corse Matin, faisait allusion à l'origine de la chapelle. « En 1916, deux frères d'Orto, Jules et Pierre Bonifaci, participent à la bataille de la Somme. Un obus se dirige vers Jules, frôle ses jambes ... mais n'explose pas ! Profondément troublé, le militaire, très croyant, fait le vœu, si la guerre l'épargne, d'ériger une chapelle sur le Mont Saint Elisée ».
Or, sur le mur sud de la chapelle, un gros bloc de granit taillé de type « sobra porta» porte gravé la date « 1800 » avec la mention « Orto », le tout surmonté d'une croix. Dans le village, les recherches se sont organisées, chacun faisant appel à la mémoire des anciens ou à la recherche d'archives.
Les travaux de Claudine Levie, archéologue et historienne de l'art, indiquent que la chapelle actuelle remplace certainement une ancienne chapelle qui aurait été brûlée ou détruite par la foudre au début du XXème siècle, et ce, à plusieurs reprises. D'ailleurs, en 1900, le site était déjà référencé sur les cartes d'état-major de l'armée, avec la mention « chapelle en ruines ».
Enfin, des blocs en place délimitent les vestiges de fondation de la chapelle d'origine, de taille supérieure : 12,90 m x 3,70 m contre 4 m x 3,70 m pour la chapelle actuelle. Et Claudine Levie de conclure que les indices sont insuffisants pour affirmer que les origines de la chapelle soient romanes, mais que l'idée d'établir un sanctuaire au sommet des crêtes, sur le chemin des pacages, date bien du Moyen-Age.
Et d'ailleurs tout le monde s'accorde à dire qu'avant 1934, il existait déjà un pèlerinage sur les ruines, sans prêtre, qui partait du village à la nuit tombée à la lueur des torches en bois gras (a deddà). Le chapelet était récité et les villageois redescendaient aussitôt.
La chapelle actuelle œuvre d'un Bonifaci ou d'un Pastinelli ?
Pour la chapelle actuelle, les avis divergent.
Henriette Fioravanti se souvient de son cousin, Ange-François Pastinelli (qui avait fait fortune en Algérie, d'où son surnom « U ricchu»), et du chanoine Ange-Mathieu Pastinelli, qui avaient entrepris, dans les années 20, la rénovation du clocher et du carrelage de l'église d'Ortu. Travaux qui étaient demeurés inachevés depuis la construction de l'église en 1872. Une fois ces travaux terminés, ce sont eux qui auraient entrepris la rénovation de la chapelle en ruines de Saint Elisée, dans les années 30. On évoque également le maçon Philippe Massoni, dit « Massunellu ».
A l'opposé de cette version, les petits-enfants de Pierre Bonifaci, et les familles Dore, Paoli, Battesti et Massimi, cousins des Bonifaci, affirment qu'à la fin de la guerre, Jules et son frère Pierre Bonifacj, pratiquants, mécènes et modestes, ont voulu respecter, accompagnés de leurs épouses, le serment fait un jour d'épouvante. Dans cette version, Jules aurait été maitre d'ouvrage, prenant régulièrement avec son épouse Radégonde le chemin des montagnes pour veiller à la réalisation du projet. Ajoutant que le chanoine Pastinelli n'aurait été que le maitre d'oeuvre des travaux, dont il aurait décidé des plans et de l'emplacement.
Reste la statue du saint, qui reste toute l'année en montagne dans la petite chapelle. Incontestablement un don d'Ange-François Pastinelli, comme l'en témoignent les initiales AF. Pastinelli gravées sur le socle. Sachant que le même richissime Ange-François aurait également offert à l'église du village la statue de Saint Dominique, et fait construire l'actuelle chapelle du col de Sorru, il semblerait probable qu'il soit aussi à l'origine du financement de la chapelle des hauteurs.
Enfin pour la petite histoire, c'est un certain Polo Castellani qui aurait monté sur son dos, seul, la statue du saint du village jusqu'à la chapelle, en 1934 ou 1935.
Depuis des lustres, San Eliseo accueille en sa chapelle haut perchée des générations d'âmes croyantes, et on dit qu'il a exaucé bien des vœux. Au-delà des querelles, il aura au moins permis qu'à Orto des bénévoles continuent à œuvrer pour la sauvegarde de leur patrimoine spirituel.
Pascale Chauveau
commenter cet article …