La question de savoir combien de curés poggiolais participèrent à la première guerre mondiale n'est pas farfelue.
En effet, à chaque génération, les principales familles de Poggiolo avaient au moins un prêtre dans leurs rangs.
Quand la mobilisation générale fut décidée en 1914, deux ecclésiastiques originaires du village furent rappelés sous les drapeaux. Mais un seul participa à la guerre.
La bonne réponse était : UN.
Qui était-il?
Et pourquoi la réponse DEUX n'est-elle pas la bonne?
Jacques Antoine MARTINI, trois fois soldat
Fils de Pierre MARTINI et de son épouse Marie Antoinette, Jacques Antoine MARTINI naquit à Poggiolo le 4 juillet 1873.
Elève du séminaire quand il fut recensé par l'armée, il fut incorporé au 40e régiment d'infanterie en novembre 1894. Il dépendait alors de la loi "curés sac au dos". Ce sobriquet avait été donné à la loi Freycinet du 15 juillet 1889 car elle supprimait de nombreuses exemptions au service militaire, et notamment celle des prêtres qui durent revêtir l'uniforme.
Mais, alors que le service militaire durait 3 ans, Jacques Antoine ne fit qu'un passage d'un an de novembre 1894 à septembre 1895... puis il fut rappelé en novembre 1899.
En effet, la loi "curés sac au dos" permettait aux élèves ecclésiastiques continuant leurs études de ne faire qu'un séjour d'un an sous les drapeaux. Seulement, s'ils n'étaient pas pourvus d'un emploi à 26 ans, l'article 24 les obligeait à accomplir les deux années de service restantes. Ce fut le cas pour Jacques Antoine qui se retrouva au 141e régiment d'infanterie jusqu'au 21 septembre 1901.
Il eut ensuite des postes dans l'Eglise corse, notamment comme vicaire à Cauro entre 1903 et 1906, puis à Renno.
Passé dans la territoriale, il fut rappelé le 1er août 1914. L'autorité militaire l'envoya au dépôt des blessés et prisonniers de Castelluccio comme infirmier (il avait accompli une période d'exercice dans une section d'infirmiers militaires en 1909). Mais il fut classé dans le service auxiliaire, puis réformé pour bronchite chronique en novembre 1915.
Au total, Jacques Antoine MARTINI fut soldat plus de quatre ans en trois périodes distinctes.
Surnommé prête Ghjacumu, il fut ensuite nommé à Calcatoggio et Piana. Il décéda le 14 juin 1956, âgé de 82 ans, à Poggiolo.
Un article précédent a publié une photo de la Fête-Dieu au village peu avant le décès de Jacques Antoine. On devine le prêtre portant l'ostensoir sous le dais à côté de la chapelle Saint Roch. Au premier plan, on reconnaît Guy TRAMINI.
Un des frères de Jacques Antoine MARTINI, Paul Mathieu Alexandre Louis (1880-1958), qui n'était pas prêtre, fut rappelé lui aussi en 1914 et fit toute la guerre, dans l'infanterie puis dans l'artillerie.
Martin DEMARTINI, le prêtre insoumis
Le cas de Martin Demartini fut particulièrement embrouillé.
Né le 17 décembre 1882 à Poggiolo, d'Antoine François et son épouse Marthe, il fut appelé sous les drapeaux en novembre 1903, alors qu'il était "élève ecclésiastique" à Rome.
Il fut tout de suite réformé pour raison médicale, diagnostic confirmé l’année suivante. Rappelé dix ans plus tard, quand la guerre éclata, il fut encore exempté en décembre 1914.
En 1917, l'armée française cherchant à combler les pertes devenues immenses, son cas, comme celui de très nombreux exemptés, fut réexaminé et, cette fois, la commission, sans le voir, le classa «bon pour le service».
Martin DEMARTINI fut affecté à un régiment qu’il ne rejoignit pas. En conséquence, le 9 février 1918, il fut déclaré «insoumis en temps de guerre».
Mais il bénéficia d’une visite médicale particulière le 7 octobre 1918... au consulat français de la ville argentine de Rosario!
De nouveau pourvu d’une réforme pour raison de santé, il dut cependant attendre juillet 1920 pour être rayé de la liste des insoumis.
Pendant ces années, si Martin Demartini, séminariste, puis prêtre, était mobilisable au titre de la loi française, le problème était compliqué par le fait qu’il se trouvait en Italie et qu'il travaillait au Saint-Siège, lequel l’envoya en mission diplomatique en Amérique du Sud pendant la guerre.
Ses deux frères combattirent:
- Jean Toussaint (1884-1960) fut blessé à la bataille de la Marne,
- et Jean Baptiste, né en 1893, mourut pour la France en 1915. Son nom est sur le monument aux morts de Poggiolo.
Martin DEMARTINI décéda en 1970 à Ajaccio. Mais certains Poggiolais se souviennent encore d'avoir vu dans les années 60, pour suppléer l'abbé MILLELIRI certains dimanches, un vieux prêtre que l'on disait être "un monsignore" célébrer à Saint Roch en restant toute la messe assis à cause de son grand âge.
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