L'obligation de donner des noms à toutes les rues communales, évoquée dans l'article du 26 mai 2022, si elle est vraiment appliquée, risque d'entraîner la disparition des noms connus traditionnellement de façon seulement orale. Il est essentiel de les conserver.
Pas de risque d'oubli à Bonifacio, où François CANONICI a rassemblé ces éléments importants du patrimoine local. Il expliquait ce travail dans l'entretien paru dans Corse-Matin le 22 mars 2022.
En voici de larges extraits, en espérant que cet exemple donnera des idées à nos lecteurs des Deux Sorru.
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François Canonici, un nom dans la presse insulaire. Chef d'agence au Provençal puis à La Corse depuis son bureau de Bonifacio, toujours passionné par sa région et la cité des falaises, il n'a pas arrêté d'écrire depuis sa retraite journalistique, rédigeant une quinzaine d'ouvrages références au patrimoine local. Dernière parution, son Dictionnaire des 1 000 lieux-dits de Bonifacio : "Une ruelle de 30 mètres de longueur à Bonifacio a plus d'histoire qu'une avenue de mille mètres dans une cité nouvelle", écrit François Canonici.
Son ouvrage illustre avec talent cette phrase. Bien écrit, agrémenté de nombreuses photographies, il se révèle passionnant, par ses anecdotes, ses informations.
Comment est venue l'idée de ce dictionnaire ?
Il y avait déjà eu deux parutions distinctes il y a quelques années: Bonifacio à travers ses rues et places et, un peu plus tard, 400 lieux-dits de la campagne bonifacienne.
Face à la demande, j'ai pensé, en me remettant au travail, à enrichir considérablement les toponymes de la région bonifacienne que j'ai réunis en un seul volume: ensemble ville-campagne, ce qui a donné ce dictionnaire de plus de 1 000 lieux-dits. Mais il en reste des dizaines d'autres !
Pourquoi la toponymie est-elle aussi importante ?
La toponymie est nécessaire pour mieux comprendre et apprécier le passé d'une ville où l'on vit, une ville qui a mille ans! Les noms des lieux-dits, des rues de la ville comme ceux de la campagne (le Piali de Bonifacio) sont liés.
En effet, les gens de la "ville", même s'ils étaient "citadins", n'en fréquentaient pas moins la campagne, de laquelle ils tiraient leur subsistance. Les pêcheurs également ont donné des noms de lieu le long des côtes, par la vision qu'ils avaient de la mer vers la terre.
Une enquête journalistique et historique ?
Je ne suis pas un spécialiste en toponymie ni en étymologie, je ne suis qu'un autodidacte. Mais il se trouve que j'aime ma ville, j'aime sa campagne. Toutes les deux m'ont conquis depuis très longtemps. Ma curiosité a fait le reste.
Très jeune, quand je lisais un nom de rue ou que j'entendais prononcer celui d'un lieu-dit de la campagne, je voulais en connaître la signification. Pour recenser mais surtout pour expliquer le sens de plus d'un millier de toponymes, ce ne fut pas toujours facile, notamment pour les appellations de la campagne dont certaines ont subi tant d'altérations au fil des siècles qu'elles ont fini par ne plus être comprises.
C'est pourquoi il a fallu souvent entreprendre de véritables enquêtes sur le terrain pour tenter d'élucider certains mystères. Mes mots d'ordre: prudence et humilité, j'ouvre des pistes, je transmets, je ne suis qu'un passeur.
Une remarque à propos du nom des rues ?
Les noms de saints se taillent la part du lion avec plus de 50 hagiotoponymes ! Ce qui m'a fait écrire un jour qu'à Bonifacio il est plus facile de donner des noms de rue à des saints qu'à des hommes !
Mais les choses changent puisque, récemment, la municipalité a attribué cinq nouveaux noms à des personnalités parmi lesquelles Marie-José Nat et Nicole Serra.
Ces deux noms augmentent quelque peu le quota dont disposaient les femmes bonifaciennes dans le domaine de la toponymie urbaine...
"Dictionnaire historique et toponymique des villes et lieux-dits de Bonifacio (Ville et campagne)". Éditions Copymédia. 468 pages-35€
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