Sur le monument aux morts de Poggiolo, les trente lignes donnant les noms des trente Poggiolais qui sont morts pour la France pendant la Grande Guerre existent depuis si longtemps que l'on peut croire tout connaître d'eux. Des noms, des prénoms, des grades, comme dans toutes les communes.
Mais, en essayant d'en savoir plus sur ces hommes, on peut faire des observations parfois inattendues.
PAS TOUS DE POGGIOLO
Tout d'abord, ces Poggiolais ne sont pas tous natifs de Poggiolo.
La grande majorité (22 sur 30) est bien née au village. Il est difficile de distinguer dans les documents utilisés si certains étaient de Guagno-les-Bains.
Mais:
- 4 ont vu le jour dans d'autres localités corses (2 à Guagno, 1 à Pastricciola, 1 à Eccica Suarella)
- 2 en France continentale (1 à Paris et 1 à Marseille)
- et 2 en Algérie (à Sétif et à Constantine).
Les familes poggiolaises avaient déjà essaimé.
DES SOLDATS EXPÉRIMENTÉS
Les dates de naissances sont plus variées que les lieux de naissance.
Le service militaire se faisant alors à 20 ans, les mobilisés de 1914 étaient donc nés en 1894. Avec le vote de la loi de trois ans en 1913, les appelés nés en 1891, en 1892 et en 1893 étaient encore sous les drapeaux lors de la déclaration de guerre. Logiquement, les noms gravés sur le monument aux morts devraient correspondre, puisque la guerre a duré jusqu'en 1918, à des jeunes nés entre 1891 et 1898. Or cette tranche d'âges correspond à seulement 11 personnes sur 30.
Les 19 autres sont nés bien avant, entre 1848 et 1890:
- 4 entre 1848 et 1879 (Jean Baptiste PINELLI, prénommé seulement Baptiste sur le monument, est né en 1848 et avait donc 66 ans en 1914. Il avait même participé à la guerre de 1870 !!! Voir l'article "1870, la guerre oubliée")
- 5 entre 1880 et 1885
- 10 entre 1886 et 1890.
La moyenne d'âge lors de leur décès était de 29 ans et demi !
Le plus jeune des morts du village fut Franco Antoine COLONNA (prénommé seulement Franco sur le monument). Né le 10 février 1897, c'est à 20 ans et 3 mois, le 23 mai 1917, qu'il mourut dans une ambulance qui l'emmenait à St Hilaire-au-Temple (Marne).
Mais l'âge relativement élevé des inscrits au monument s'explique quand on sait que 20 d'entre eux étaient des soldats engagés qui avaient déjà, pour certains, une longue expérience militaire derrière eux en 1914. Ainsi, Jean Baptiste PINELLI avait été volontaire en 1866 et avait alors 48 ans de carrière.
Pour les grades, on peut compter sur le monument:
- 9 soldats,
- 5 sergents-majors,
- 4 sergents,
- 2 sous-lieutenants (mais en réalité l'un d'eux était aspirant),
- 2 lieutenants,
- 2 adjudants,
- 2 maréchaux des logis,
- 2 capitaines,
- 1 caporal,
- 1 brigadier.
Certains grades atteints montrent, comme les âges, que plusieurs étaient bien des militaires professionnels.
Les deux plus haut gradés (les capitaines) sont Antoine François FRANCESCHETTI et Jean Baptiste PINELLI.
Le soldat poggiolais mort en 14-18 n'est donc pas un jeune homme arraché à son village et à sa famille par la mobilisation.
Le nombre de ces soldats de carrière ne signifie pas forcément que les Poggiolais étaient particulièrement violents ou naturellement attirés par le métier des armes. Au moment de la "Belle Epoque", la vie n'était pas toujours facile dans les petits villages (voir le texte publié dans l'article "Les bonheurs et les malheurs de Francesca"). L'armée permettait à de nombreux jeunes d'échapper à la misère, d'autant plus que la France avait besoin d'hommes pour ses conquêtes coloniales.
SURTOUT DES TROUPES COLONIALES
Ces faits sont confirmés en établissant la liste des régiments dans lesquels les 30 héros étaient intégrés: on a une large prédominance des troupes coloniales.
14 en faisaient partie dont 3 dans des régiments de tirailleurs et 2 d'artillerie. Membre de ces troupes, Jean Toussaint DEMARTINI combattit d'ailleurs les Allemands dans leurs colonies du Togo et du Dahomey avant d'aller se battre en France au printemps 1915.
L'infanterie concernait 10 personnes, l'artillerie 4 et la territoriale 2.
L'armée territoriale était une formation militaire composée des hommes âgés de plus de 34 ans, considérés comme trop âgés et plus assez entraînés pour intégrer un régiment de première ligne d’active ou de réserve.
Au total, ils étaient dispersés dans 27 unités différentes. Un, Toussaint MARTINI, s'était même engagé dans la Légion étrangère.
Il est important de signaler qu'aucun de ces Poggiolais ne fit partie des 173e et 373e régiments d'infanterie qui étaient les unités corses par excellence.
Il faut bien retenir que toutes ces observations sont basées sur la liste du monument aux morts et qu'une étude des mobilisés revenus vivants donnerait des résultats différents.
Documents utilisés: sites MémorialGenWeb, registres matricules Corse-du-sud et Mémoires des hommes.
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