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15 janvier 2016 5 15 /01 /janvier /2016 21:15

L'IMPORTANCE DES FABRIQUES

 

Parmi les articles de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat votée en 1905, il était prévu la suppression des fabriques instituées par le Concordat de 1801. La gestion matérielle de l’église paroissiale était assurée jusque là par un conseil de fabrique ayant ses ressources propres et pouvant les compléter par l’aide du conseil municipal.

Ainsi, le conseil de fabrique de Soccia décida en 1837 de construire une nouvelle église. De même, l’actuel Saint Siméon de Poggiolo résulte d’une décision du conseil de fabrique prise en 1863.

Xavier PAOLI en a décrit la construction dans le numéro 1 du journal «L’Info U Pighjolu» de février 2007 qui fut repris dans un article publié sur ce blog sous le titre "L'église d'en haut": Saint Siméon.

«Le premier argent fut apporté le 4 octobre 1863 par la vente de la "casa chjegale" (presbytère).

Muni de ce premier viatique, la communauté villageoise entama alors un véritable marathon d'opiniâtreté et de volonté qui dura pratiquement 50 ans.

Chaque famille donna soit de l'argent, mais il y en avait peu, soit une part de récoltes: tabac, huile, farine de châtaigne, bétail ...

Il y eu des moments de profond découragement, mais jamais il ne fut envisagé de baisser les bras.

Après bien des vicissitudes, on vint à bout de gros oeuvre le 4 octobre 1874, fête de Notre Dame du Rosaire.

Le curé Pierre-Jean OTTAVY, desservant de la paroisse, spécialement délégué par Monseigneur l'évêque François-Xavier André de GAFFORY, bénit l'église reconstruite. Mais il reste encore beaucoup à faire et, dans une lettre émouvante datée du 7 juillet 1889, le Président du conseil de fabrique, en désespoir de cause, envoie une supplique au ministre des cultes où il dit : "Les habitants, épuisés par les sacrifices énormes qu'ils se sont imposés dans le but d'avoir une église, ne peuvent plus rien donner, malgré toute leur bonne volonté". Avec ou sans subvention, on décide pour la décoration de s'adresser au peintre Jean-Noël COPPOLANI de Marignana.

Celui-ci, l'argent manquant, fut le plus souvent rétribué en victuailles diverses: décalitre de pommes de terre, vin, tabac, huile, farine de châtaignes, cabri ...»

 

L'église St Siméon et le cimetière (vus depuis le Tretorre).

L'église St Siméon et le cimetière (vus depuis le Tretorre).

UN PATRIMOINE CONFISQUÉ

 

On conçoit l’inquiétude des paroissiens quand ils apprirent la suppression de ces fabriques et leur remplacement par des associations cultuelles à la composition obscure. Dans son encyclique «Gravissiom officii», le pape Pie X refusa cette nouvelle institution.

Par ce refus, «l’Eglise catholique ne joue pas le jeu, préférant perdre son patrimoine que de s’associer à une loi qui lui a été imposée sans négociation». (Jean SÉVILLIA, «Quand les catholiques étaient hors la loi», Perrin, 2005, page 223).

Mais, comme prévu, le 12 décembre 1906, un an après sa publication, la loi sur la Séparation entra en vigueur. Partout, les bâtiments ecclésiastiques furent mis sous séquestre. A Ajaccio, Mgr Jean-Baptiste DESANTI «est évêque depuis à peine quatre mois que le 18 décembre 1906, il est expulsé du palais épiscopal situé cours Grandval» (François J. CASTA, «Le diocèse d’Ajaccio», ed. Beauchesne, 1974, page 227).

A Soccia, Jean-Baptiste PAOLI, trésorier du conseil de fabrique, rendit sa comptabilité : «Les dépenses étant égales aux recettes, toutes les opérations de l’exercice 1906 étaient déclarées définitivement closes et sinon pour toujours, du moins jusqu’à de meilleurs temps» (cité par Jean-Baptiste PAOLI, «Santa Maria Delle Grazie, a nostra ghjesgia», A Mémoria, page 12).

Il faut surtout retenir le beau texte de protestation adopté par ce conseil :

La Laïcité en action dans les Deux Sorru : La fabrique part dans la dignité (2/6)

Avant de se séparer en vertu de la loi dite de séparation, les membres du conseil de fabrique de Soccia, sentent le besoin et se font un devoir de protester hautement contre une loi qui leur enlève l’administration temporelle d’une Eglise qu’ils ne doivent ni à l’Etat, ni au Département, ni à la Commune. Ils l’ont construite et ornée, grâce à un travail opiniatre, à des libéralités et à des sacrifices sans bornes. Et ils trouvent étrange que l’on vienne les empêcher de travailler pour la plus grande gloire de leur Dieu, alors qu’ils ne troublent en aucune façon l’ordre public et observent religieusement les lois de la justice et de la morale.

On va jusqu’à les dépouiller des biens qu’ils détiennent de bienfaiteurs croyants et généreux, mais ils entendent que les dons faits à leur Eglise, sans être l’objet d’une donation et d’une acceptation en bonne et due forme, ne puissent être soumis à aucun séquestre, ni enlevés par aucun ordre, si ce n’est par la volonté du donateur ou de ceux qui ont mission de diriger et de gouverner l’Eglise.

 

Ad Sempiternam Dei Gloriam.

Cejourd’hui, 11 décembre 1906.

Les membres du Conseil de fabrique de Soccia.

 

L’Eglise catholique avait tout perdu. «On abandonnait, sur consigne de Rome, et sans possibilité de le reconstituer, le maigre patrimoine patiemment reconstitué depuis le Concordat.» (François J. CASTA, op. cit. , page 227).

 

Pour résoudre le blocage, le gouvernement fit voter le 2 janvier 1907 une loi attribuant les églises paroissiales aux communes qui pouvaient ensuite en laisser la jouissance aux curés. Tous les conseils municipaux des Deux Sorru votèrent rapidement cette autorisation.

 

Puis, le temps apaisa petit à petit les blessures…

(à suivre: le sauvetage du couvent)

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