Suite de l'article consacré à la génération 1968 à Poggiolo.
Le téléphone fut longtemps un luxe exceptionnel. Les FRANCESCHETTI se souviennent que la maison de Rosine servait quasiment de cabine publique. Combien de fois n’ont-ils pas été réveillés au petit matin par une voix claironnant: «Allo Vico ? Pour le 6 à Soccia, je voudrais le …» ? Il en était de même chez Xavière MARTINI.
L’information ne nous noyait pas à flot continu comme maintenant. Si chaque maison avait son grand poste de radio à lampes dans le salon, la télévision ne fit son entrée à Poggiolo qu’en 1965.
L’essentiel des nouvelles venait des deux quotidiens «Le Provençal Corse» et «Nice-Matin Corse».
Même si l’information arrivait à petites doses, elle fournissait le sujet de discussions politiques, nourries des idées acquises en ville, idées parfois opposées mais il n’y avait pas de quoi se fâcher. Les discussions avaient lieu sur les marches de Xavière, dans le «magasin», la chambre donnant sur la Stretta, ou chez les BARTOLI.
Nous faisions tourner sur des électrophones à piles des disques microsillon 33 et 45 tours (on ne disait pas encore vinyle) pour écouter du rock mais aussi du BRASSENS et du BREL qui choquaient les vieux.
Dans nos repaires, nous organisions d’homériques parties de cartes de belote, de sept et demi et de rami.
Les autres distractions? Les boules, le foot (à Guagno-les-Bains, sur un terrain vague derrière l'épicerie de Mimi car le stade n’existait pas).
Les soirées se passaient en groupe, puisque la télévision ne nous enfermait pas à la maison, souvent en promenade à pied sur la route de Soccia. Et cette route était fréquentée ! Notre groupe (entre huit et vingt individus), nos parents prenant le frais avant de se coucher, des jeunes venant de Soccia et même des Bains. Nous pouvions parler de tout, chanter à tue-tête, délirer. Ces promenades pouvaient aboutir en «boîte», au «Robinson», installé près de la source de St Marcel, ou à Soccia, au bar tenu par François et Antoine DEMARTINI.
/https%3A%2F%2Fimg.youtube.com%2Fvi%2FZlEtrS3XRPg%2F0.jpg)
L'importance d'Antoine - Le blog des Poggiolais
Voici exactement deux semaines que, mardi 18 août, avaient lieu à Soccia les obsèques d'Antoine DEMARTINI. Il s'était écroulé sur la scène du restaurant "U Rasagju" de Cargese, le vendredi ...
On pouvait boire, jouer au baby-foot ou danser rock, twist et slow loin du regard parental. Beaucoup, qui ne sortaient jamais en ville dans l’année, y allaient régulièrement, avec la désapprobation des grands-parents et l’accord résigné des parents, rassurés de savoir que tout le monde s’y connaissait. Mais un contrôle social existait toujours. Certains matins, avant notre lever, la famille savait souvent ce que nous avions fait la veille.
Des bals se déroulaient chez Fosca, avec Charles ROCCHI par exemple, ou aux Bains, avec Regina et Bruno. Mais on en était encore aux chansonnettes genre Tino ROSSI et il fallait supporter des séries de tango et de paso doble.
/idata%2F2684008%2Fpoggiolo-suite%2Fbal-autre-vue.jpg)
Où est le bal? Exemple de micro-localisme géographique et historique - Le blog des Poggiolais
L'article publié à l'occasion du décès de Charles ROCCHI (cliquer ici pour le relire) faisait allusion aux bals que cet artiste animait dans les années 60 et 70. Certains ont pu se demander o...
http://poggiolo.over-blog.fr/article-ou-est-le-bal-44903751.html
La soirée du lundi était celle de la séance cinéma, au rez-de-chaussée de ce qui n’était pas encore l’hôtel «U Paese», pour voir les westerns de l’époque projetés sur un drap de lit fixé au mur.
Certains soirs, deux ou trois faisaient une sopracena avec une bouteille et un saucisson dérobés dans la cave familiale. Elle pouvait être de grande ampleur avec plus de préparation et de participants. Qui n’a pas vu, à cette occasion, le torse nu de Jean-Pierre FRANCESCHETTI ou de Jean-Marc OULIÉ tenant à bout de bras une branche servant de broche à un poulet au-dessus d’un feu de bois la nuit aux Trois Chemins ignore ce qu’est un homme musclé.
La sopracena et la sérénade sont des traditions anciennes.
Mais la sérénade, cette séance de chants sous les fenêtres des jeunes mariés, avait changé de nature. Autour de 68, elle était devenue une manifestation ostentatoire de plus en plus énorme avec des pique-assiettes venus de tout le canton, dans un grand gaspillage de nourriture et de boissons.
Les excursions en montagne avaient une grande importance car nous en faisions plusieurs chaque été et nous les préparions très sérieusement, grâce notamment à Jacques-Antoine MARTINI. Même ceux qui ne marchaient pas pendant l’année voulaient y participer. C’était l’occasion de s’aérer, de montrer la vigueur de nos muscles. C’était aussi marcher sur les sentiers foulés par les générations de paysans dont nous sommes issus. C’était surtout la possibilité de montrer notre indépendance, loin des adultes, de créer notre propre monde, de nous organiser, se sentir que nous étions une force. Bien sûr, il y eut des épisodes mémorables comme, en juillet 1966, quand dix d’entre nous furent bloqués vingt-quatre heures dans une bergerie à cause du brouillard.
Mais notre jeunesse, comme toute jeunesse, ne pouvait durer. Les voitures devinrent plus nombreuses. Après François OLIVA et Rose-Marie BARTOLI, Jean-Marc TRAMINI, Hervé OULIÉ et moi, nous avons eu le permis de conduire. Les déplacements à Soccia et à Sagone devinrent plus faciles et rapides. Il y eut en juillet 1969 une grande balade de quinze d’entre nous en quatre voitures dans le Nord de la Corse.
Mais les groupes devinrent plus réduits. Les mariages commencèrent : Hélène, puis Jean-Pierre et Joël.
Une autre vie commençait. Rien n’est à regretter. Ce fut un temps, un temps particulier, un temps qui nous a marqués, un temps qui explique le plaisir plus ou moins implicite à se retrouver, un temps qui nous a donnés nos racines, un temps qui, même si nous n’y habitons pas en permanence, nous attache pour toujours à quelques maisons accrochées sur un versant de montagne.
Michel FRANCESCHETTI
Photos Jacques-Antoine Martini et Michel Franceschetti.