A Guagno-les-Bains, la chapelle Saint Antoine, qui domine le village, n'est pas souvent ouverte. Mais samedi 15 janvier, elle sera le lieu d'un office particulièrement important pour fêter le saint dont elle porte le nom. Il ne s'agit pas de Saint Antoine de Padoue dont la fête est en juin. Le saint de Guagno-les-Bains est Saint Antoine le Grand, ermite d'Egypte. Deux articles de ce blog lui ont déjà été consacrés (cliquez sur les titres pour les lire):
- Quel est le vrai Saint Antoine?
- Les dictons de Saint Antoine
Ce "saint au cochon" a eu une grande célébrité en Corse. A Guagno-les-Bains, il a eu un rôle indirectement important.
A côté de la chapelle actuelle, existait un ermitage dont l'origine se perd dans la nuit des temps (et dans l'insuffisance des archives). Longtemps, des ermites de l'ordre des Cordeliers y vécurent (chichement) de la perception de la moitié des récoltes de châtaignes recueillies sur les terrains environnants. En échange, ils offraient l'abri et le couchage aux personnes venant prendre des bains aux sources voisines, jaillissant sur ce terrain (Caldane et Degli Occhi). La vertu des eaux de Guagno était déjà attestée dans "L'Histoire de la Corse" d'Anton Pietro FILIPPINI, éditée en 1594.
Un ermite pensa qu'un tel bienfait devait profiter à un plus grand nombre.
Jean ROCCA (en fait, Jean de la ROCCA, déjà cité dans l'article sur "la battue de prêtres") décrit cette réalisation dans "Bains de Guagno", brochure publiée à Ajaccio en 1851:
"Un Cordelier, nommé le Père Jean, conçut le louable projet d'y faire construire un certain nombre de bassins.
Les Cordeliers ne sont pas riches, et la difficulté était de trouver de l'argent. (...)
Le bon père ne se décourage pas pour si peu, il tenait à ses bassins. Un beau jour, il se lève plus matin qu'à l'ordinaire, met autour de ses reins sa ceinture de corde, prend à la main un bâton et le voilà en route...
Il s'en va quêter de porte en porte, de village en village, mesurant, portant ses demandes sur l'avoir des personnes, et ne quittant jamais le seuil d'une maison les mains vides. Il amassa ainsi sou à sou, baioque à baioque (1), une somme assez ronde, et l'employa à la construction de trois bassins: un pour les hommes, un pour les femmes et un autre pour les moines.
Ces bassins étaient en granit. Dans l'un pouvaient se baigner à la fois trois personnes, dans l'autre huit, et dans le troisième treize. Ils furent construits de 1709 à 1711."
Grâce à Saint Antoine et surtout grâce à l'ermite de Saint Antoine, l'histoire de Guagno-les-Bains put ainsi débuter.
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(1) baioque: ancienne petite monnaie des Etats pontificaux.