Début de notre rubrique quotidienne sur l'épuration du maquis en 1931.
C'est avec un plaisir évident que, le samedi 7 novembre 1931, Le Petit Provençal annonça à ses lecteurs que "Le Bandit corse BARTOLI a été abattu".
UNE MORT MYSTÉRIEUSE
Le "correspondant particulier" du quotidien marseillais signala que Joseph BARTOLI avait été abattu près du col de Verde "par une personne dont on ignore l'identité, et sur laquelle les autorités gardent le plus grand secret".
Cette nouvelle, bien énigmatique, était accompagnée du rappel de quelques méfaits du bandit, "dont sa présence lors de la tuerie de Lava". Les lecteurs étaient supposés savoir ce qu'il y eut à Lava. Mais il est vrai que la presse en avait beaucoup parlé les années précédentes.
En fait, le 30 mai 1928, trois membres de la famille MANCINI avaient été assassinés dans leur bergerie du golfe de Lava par une bande dirigée par le bandit Paul-François PERFETTINI.
Le bruit courut que l'instigatrice en était Madeleine MANCINI (photo ci-contre), ancienne maîtresse du bandit Nonce ROMANETTI (1882-1926) originaire de Calcatoggio. Elle fut condamnée le 27 février 1929 aux travaux forcés à perpétuité pour la mort de son oncle et de ses deux cousins. Mais plusieurs journaux et les avocats de Madeleine réussirent à obtenir la révision du procès.
Joseph BARTOLI, adjoint de PERFETTINI, était présent à Lava et, du fond du maquis du haut Taravu où il était installé, avait également défendu son innocence.
Il faudra attendre le 9 novembre pour que les lecteurs connaissent les circonstances de la mort de BARTOLI.
L'EXPÉDITION SE PRÉPARE
Mais, le 7 novembre, on put aussi lire dans Le Petit Provençal l'annonce d'un événement bien plus important, sous le titre "D'importants détachements de gardes mobiles sont arrivés, hier, à Marseille". Le sous-titre expliquait encore mieux: "Ils se rendraient en Corse". La dépêche n'était pas mise en évidence. Non signée, elle était courte et placée dans les pages intérieures. Mais la lecture du texte est tout à fait explicite:
"D'importants détachements de gardes mobiles venus de différentes villes de France et dont le point de concentration était Marseille, ont débarqué l'avant-dernière nuit en gare Saint-Charles.
Ces gardes mobiles ont été immédiatement tranportés en camions automobiles au camp de Sainte-Marthe, en attendant d'être dirigés aujourd'hui, vers une destination qui serait, selon toutes probabilités, la Corse, où, en raison de la tragédie du maquis qui vient de se dérouler, d'exceptionnelles mesures sembleraient devoir être prises.
Le matériel dont disposent les gardes a été embarqué, hier après-midi, sur un vapeur que l'on dit être spécialement affrété pour ce déplacement de troupes."
On saura ensuite que ce vapeur était le "El Djem".
Comme pour la mort de BARTOLI, il était fait allusion à un fait que le lecteur était censé savoir. Qu'est-ce que "la tragédie du maquis qui vient de se dérouler"? L'agression de GUAGNO-LES-BAINS? La fusillade de BALOGNA?
Toujours est-il que le gouvernement avait décidé d'agir. A Marseille, plus personne ne pouvait l'ignorer.
LE DISPOSITIF DU PETIT MARSEILLAIS
L'autre quotidien marseillais, Le Petit Marseillais, sut s'adapter très rapidement aux circonstances.
Par chance, son envoyé spécial, l'excellent journaliste Jean AICARDI, "se trouve dans la région d'Ajaccio pour s'occuper de la tuerie de Balogna". Il signa le 7 novembre dans son quotidien à la fois l'annonce de la mort de BARTOLI et le compte-rendu des obsèques des gendarmes TOMI et KLEIN, tués à Balogna.
Le même jour, Léon BANCAL (1893-1966), rédacteur en chef du Petit Marseillais, entama une série d'articles sous le titre "Le problème du banditisme". Elle dura jusqu'au 18 novembre.
Intitulé "Les deux images", le premier texte montrait la difficulté à définir le terme de "bandit".
"Au lendemain d'un événement tragique comme celui de Balogna, le bandit nous apparaît comme un criminel, qu'il faut traquer et détruire à la manière d'un bête malfaisante."
"(...) Puis le temps passe. Sur les tombes des gendarmes, des villageois ou des bergers, les couronnes se rouillent, l'herbe pousse", et l'image du bandit devient celle d'un Robin des Bois.
Le journaliste racontait qu'il est difficile d'avoir le point de vue des Corses mais qu'un Ajaccien finit par lui dire: "Ce sont des malfaiteurs, ni plus, ni moins".