Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 18:00

Envoyée spéciale du quotidien «Le Monde» pour les élections territoriales, Ariane CHEMIN a choisi d’aller à Ortu pour montrer la montée de la prise de conscience corse dans les familles.
Elle décrit ce village comme faisant partie d’un canton dont les enfants se sont fortement engagés pour la France car «on ne compte plus les généraux, responsables de comptoirs coloniaux, prélats et même gouverneur (du Dahomey) ou sous-secrétaire d’Etat (à la marine marchande) qui en viennent».
La journaliste ne précise pas que ces deux derniers personnages (le gouverneur Jean Hyacinthe DESANTI et l’homme politique Noël PINELLI) sont originaires de Poggiolo. Mais il est probable que Madame CHEMIN a consulté le Blog des Poggiolais.

A ce propos, il est dommage que les grandes figures poggiolaises ne soient pas mises en valeur dans le village.



Le reportage publié le 2 décembre commence par la description de la fête des bastelle de samedi 4 novembre à Ortu, quelques heures avant l’assassinat de Patrick JULIEN à Soccia. Presque tous les villages (mais pas tous) du canton ont organisé cette fête traditionnelle.
La représentante du «Monde» décrit en détail la jeunesse et le carrière de l’Ortigais Jean COLONNA, préfet et homme de l’ombre dévoué à Jacques CHIRAC. Elle fait un parallèle avec son fils Romain, enseignant de corse à l’Université de Corte et candidat sur la liste Gilles SIMEONI. La précédente génération travaillait pour la France, sans renier sa corsitude (Jean a toujours parlé corse alors que son fils a dû la réapprendre à l’Université), alors que la génération nouvelle revendique son particularisme.


 

Edmond Simeoni et Romain Colonna (Facebook)

Edmond Simeoni et Romain Colonna (Facebook)

L’article se termine par la contemplation de la fresque du général de Gaulle réalisée par Raymond RIFFLARD sur le mur du Café de la Paix.
Le général, derrière lequel un drapeau tricolore est déployé, est impressionnant «mais de près, on peut voir que la peinture du bleu s’écaille sérieusement, comme si la bannière était rongée». Le symbole est évident.

A ce propos, ne pourrait-on pas tenter de faire classer cette fresque comme monument historique?

Une remarque encore: la photo de village corse montre Vico et Murzo et non pas Orto. Mais le dessin mêlant drapeau corse, croix de Lorraine et les sommets des aiguilles d'Orto est excellent.

 

-----------------------------------------

Voici l’intégralité de l’article. Les inter-titres et les illustrations ci-dessous sont de la rédaction du «Monde», sauf la dernière photo qui vient du compte twitter d'Ariane Chemin.

 

En Corse, la politique de père en fils


Préfet, Jean Colonna ne jurait que par l’« Etat » français. Enseignant, son fils Romain défend la cause nationaliste et se présente aux élections territoriales. Leur histoire résume l’évolution politique de l’île.

A Ortu, du Corse français au Corse corse

C’est la Fête des morts à Orto, « village du bout du monde », comme disent les guides touristiques de la Corse-du-Sud. Ce samedi de novembre, quelques jours après la Toussaint, ce bourg de montagne niché à une trentaine de kilomètres à vol de corneilles de Cargèse célèbre la mémoire des défunts.
Dès le matin, autour de tréteaux installés sur la place du village, les femmes roulent la pâte pour les bastelle, ces chaussons fourrés aux blettes, aux oignons ou à la courge qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Les hommes les cuisent dans le four à pain. Des chiens de chasse tournoient autour des gars en treillis qui débouchent les bouteilles comme s’ils chargeaient des munitions. Au fil de la journée et des verres qui se vident, les enfants s’égayent tandis que des jeunes vêtus de noir de la barbe aux pieds font cercle pour entonner des paghjelle – les polyphonies. Parmi eux, un brin sévère, l’intello du village, Romain Colonna, professeur de « socio-linguistique » à l’université de Corte.
Romain Colonna, 35 ans, fait partie de cette jeunesse qui écrit « Ortu » (prononcer « Ortou ») plutôt qu’Orto – « c’est ainsi depuis la fin des années 1980 », résume le maire, Nicolas Rutily. Aux élections territoriales de 2015, les 150 inscrits avaient voté « natio » à plus de 60 % des suffrages, comme presque tous les villages de l’intérieur de l’île. Il n’y a pas si longtemps, les mêmes penchaient pourtant à droite, empreinte de la résistance ou du gaullisme triomphant, même si la Corse fut autrefois très «Algérie française».
Sur l’île, les traces de l’engagement des Corses pour la France sont partout, sur les monuments aux morts, dans les cimetières, au fil des carrières encore parfois en cours… C’est le cas du canton de Romain Colonna. On ne compte plus les généraux, responsables de comptoirs coloniaux, prélats et même gouverneur (du Dahomey) ou sous-secrétaire d’Etat (à la marine marchande) qui en viennent. Evisa, à quelques vallées d’Orto, est le berceau de l’ancien préfet de police de Paris Philippe Massoni, décédé il y a deux ans; et Vico, celui de la première épouse de Nicolas Sarkozy et du père de Mgr Mamberti, aujourd’hui cardinal de la curie romaine.

A Ortu, du Corse français au Corse corse

« Maestru di cunfarenze » à l’université de Corte


Orto, lui, a offert à Jacques Chirac l’un de ses préfets les plus dévoués et aussi le plus discret : Jean Colonna, chargé à l’Hôtel de ville de Paris puis à l’Elysée des affaires « réservées », décoré du mérite et de la « commémo AFN », la médaille « des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord ».
Quant à son fils Romain, celui qui chante face à la montagne, la main sur l’oreille, c’est une des jeunes figures du nationalisme : candidat en 2012 à la législative d’Ajaccio, il est en position éligible (35e ) sur la liste qui réunit indépendantistes et autonomistes pour prendre les manettes de la future collectivité unique, le 3 décembre.
Maestru di cunfarenze à l’université de Corte, comme il se présente, Romain Colonna a consacré l’un de ses premiers livres à la « co-officialité », usage paritaire du français et du corse dans l’administration, une revendication nationaliste. Cet ouvrage, paru aux éditions Albiana, est tout entier écrit en corse. « Une langue que j’avais dans l’oreille, car mon père la parlait avec ma grand-mère, mais que j’ai réapprise pour passer mon Capes de langue et culture corse, en 2003 », raconte-t-il.


SUR L’ÎLE, LES TRACES DE L’ENGAGEMENT DES CORSES POUR LA FRANCE SONT PARTOUT, SUR LES MONUMENTS AUX MORTS, DANS LES CIMETIÈRES, AU FIL DES CARRIÈRES  PARFOIS TOUJOURS EN COURS.


C’est l’un des paradoxes de cette île dont l’électorat a glissé en dix ans d’un sarkozysme enthousiaste, dernier avatar de la droite gaulliste, à un nationalisme désormais victorieux dans les urnes : Jean Colonna parlait le corse bien mieux que son fils.
Après sa naissance, en 1931, le futur préfet avait grandi « au village », chez sa tante Angèle, à laquelle sa mère et son père, postier à Paris, l’avaient confié. Le gamin est charmeur mais rebelle. Il sèche l’école, seul lieu du village où la langue nationale s’impose, et ne parle pas un mot de français. A l’époque, on donne encore des coups de règle sur les doigts de ceux qui se risquent à prononcer un mot de corse en récré ou en classe.

A Ortu, du Corse français au Corse corse

 

 

La route est longue alors jusqu’à la capitale

« Jean courait toute la journée pieds nus dans le maquis », se souvient un villageois. « Cet enfant ne savait que s’échapper, scappà », raconte sa cousine Jeannine Moretti. « Comme tout le monde l’adorait, il était toujours chez quelqu’un, poursuit la vieille dame, chignon élégant, ongles peints et maintien impeccable. Il jouait de la guitare, il avait appris tout seul. Quand il a eu 12 ans, ses parents ont décidé de l’envoyer à Paris. »
La route est longue alors jusqu’à la capitale. Quand il descend d’Orto et passe pour la première fois de sa vie le golfe de Sagone, en bas de la montagne, le petit Jean Colonna croit qu’il s’agit d’un lac, comme celui de Creno, au-dessus du village, aujourd’hui étape obligée des randonneurs du GR20. Il n’a jamais vu la mer.
Par quel miracle de travail et de volonté ce gosse qui débarque en 1943 dans la capitale occupée, sans maîtriser le français, passe le bac au lycée Charlemagne, décroche une licence en droit puis devient ce préfet indispensable à Jacques Chirac ? Son fils Romain l’ignore et, dans la magnifique maison blanche qui domine Orto, surnommée « la préfecture », sa mère, Béatrice, originaire d’un village de Haute-Corse et elle aussi fonctionnaire, n’a guère envie de parler de son mari qui repose depuis 2009 dans le cimetière voisin.
Jean Colonna voyage, comme tant de Corses, gagne le Pacifique et devient, en 1973, sous-préfet des îles Loyauté. « Là, pas de hauteur ni de distance, se souvient l’ancien directeur du Monde Jean-Marie Colombani, qui l’y a croisé à l’adolescence. Les Corses sont souvent plus ouverts à l’autre à l’extérieur de leur île que chez eux : il passait son temps dans les cases avec ses administrés, pieds nus et avec sa guitare » – comme au village lorsqu’il était enfant.

 

 

« Mon père ne théorisait pas sa corsitude »
Quand son troisième fils, Romain, naît en 1982, le préfet Colonna est parisien depuis deux ans, enrôlé comme chargé de mission auprès du maire de Paris, Jacques Chirac. Qui le sait ? Ce bébé qui pose dans un magazine au creux des bras du fondateur du RPR n’est autre que Romain Colonna, le futur candidat nationaliste aux élections de décembre. « Rumanu » – il signe souvent ainsi, même si le prénom n’existe pas en corse – convient qu’il s’agit bien de lui, mais ne se montre « pas très chaud » pour évoquer ce lointain cliché.


« JEAN COLONNA ÉTAIT L’ARCHÉTYPE DU SERVITEUR DE L’ETAT, AU SENS PRESQUE PHYSIOLOGIQUE DU TERME. PUIS IL S’EST MIS AU SERVICE D’UN HOMME, DANS UNE DÉMARCHE AU FOND TRÈS BONAPARTISTE », DÉCRYPTE JEAN-MARIE COLOMBANI.


Dans le Paris des années Chirac, Jean Colonna s’occupe, notamment, des relations entre le RPR et les autres partis, « une sorte de préfiguration de l’UMP, au fond », se souvient l’ancien directeur du cabinet de Jacques Chirac Michel Roussin. Le préfet règne aussi sur la matière électorale, dont il sait tout, et sur la « cuisine » qui va avec. Il est de tous les coups, fourrés ou pas. En 1984, il fait partie de ceux qui pensent que la grande manifestation pour l’école libre, à Versailles, peut porter le maire de Paris plus tôt que prévu au pouvoir.
« Jean Colonna était l’archétype du serviteur de l’Etat, au sens presque physiologique du terme, puis il s’est mis au service d’un homme, dans une démarche au fond très bonapartiste », décrypte Jean-Marie Colombani. Durant toute la décennie 1980 défilent au téléphone, parfois même dans l’appartement familial du Marais, des personnalités comme Alain Juppé, Jacques Toubon, ou encore Roger Romani, l’autre Corse de l’hôtel de ville. Le jeune Romain n’en perd pas une miette.

Monsieur le préfet veut à son tour « faire des affaires ». Il se lance dans une association « pour le développement des relations arabo-françaises », froisse le « grand Jacques », et, alors que TF1 et l’hebdomadaire Valeurs actuelles le donnaient comme un homme « montant » de la chiraquie, à l’instar d’Alain Juppé, il se retrouve préfet hors cadre en mai 1989.
Quand vient l’heure de la retraite, il part s’installer à Ajaccio, tandis que sa femme reste à Paris avec les deux aînés qui poursuivent leurs études : l’un, normalien, devient docteur en philosophie, l’autre agrégé de géographie. Le petit dernier, Romain, choisit de déménager avec son père, en 1996, et donc de vivre à Ajaccio. A l’époque, l’île a pour lui le parfum d’Eden des vacances au village et de la « liberté radicale ».
« Tu vas faire quoi en Corse, garder les chèvres ? », lui demande son prof principal de troisième du collège Massillon, dans le 4e arrondissement. Non, il va entrer en seconde « au Fesch», le lycée le plus réputé de l’île, où sa rébellion adolescente s’imprègne de fièvre nationaliste. « Mon père ne théorisait pas sa corsitude. La mienne est en partie politisée et conscientisée, en partie sentimentale et pulsionnelle », confie-t-il.

A Ortu, du Corse français au Corse corse

 

De Gaulle, en uniforme, coiffé de son képi étoilé
 

Le jeune Romain a 16 ans quand, un soir de février 1998, son père frappe à la porte de la chambre : « Ils ont tué le préfet ! ». Un autre Colonna, l’un des patronymes les plus répandus de l’île, a tué Claude Erignac, à quelques centaines de mètres de leur appartement. Même cette nuit-là, père et fils ne croisent pas davantage le fer que durant ces longues soirées passées en tête à tête où le premier confiait son admiration pour De Gaulle et Bonaparte.
« Mon père a été la victime d’une francisation intense, parfois presque inconsciente », lâche le jeune prof de Corte avec ses mots militants. « Au fond, le fils cherche à se souvenir de ce que le père a voulu oublier. » L’obsession de l’universitaire, ce sont les « méfaits psycho-linguistiques » essuyés, selon lui, par des Corses « sous domination culturelle » jusque dans les années 1970 : sous l’emprise de l’« auto-odi », un « concept catalan » signifiant « haine de soi », ils délaissent inconsciemment leur langue, enseigne-t-il à ses étudiants de Corte.
« J’ai vécu mon arrivée dans cette université comme une seconde libération, le lieu où la culture corse est légitime », raconte-t-il. Etudiant, il avait adhéré à la Cunsulta di i Studienti (CSC), puissant syndicat né à Nice dans les années 1970.
En 2003, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui mène campagne pour le référendum sur la suppression des deux départements, s’arrête quelques heures dans un amphi de l’université. Alors porte-parole de la CSC, Romain Colonna l’interpelle sur le « racisme anti-corse » dont témoignerait Paris et lance : « En partant, vous pourrez dire veni, vidi, mais certainement pas vici. » Sarkozy, furieux, se renseigne sur le malotru. Son père préfet a déjà pris sa retraite. Que peut-il contre ce futur membre de Femu a Corsica, le parti de Gilles Simeoni, désormais l’homme le plus populaire de l’île ?
Chaque été, entre deux livres, trois thèses et quatre meetings, Romain Colonna retrouve famille et amis au Café de la Paix, le nom que s’est malicieusement donné le bar d’Orto. L’établissement est fermé l’hiver, mais les anciens du village laissent entendre que c’est là qu’il faut entrer pour saisir le paradoxe des Colonna et de la Corse actuelle.
Le maire va chercher la clef. Quand la porte s’ouvre, on ne voit que lui, entre le comptoir et la fenêtre qui donne sur le maquis : le général de Gaulle, en uniforme, coiffé de son képi étoilé. Il est l’unique sujet de la fresque un brin naïve qui dévore tout le mur du bistrot. Le héros français de la Libération a posé ses mains sur sa poitrine, comme s’il voulait parler au cœur d’une foule imaginaire. Derrière lui, un drapeau tricolore lui donne des ailes d’ange, mais, de près, on peut voir que la peinture du bleu s’écaille sérieusement, comme si la bannière était rongée.

Ariane CHEMIN

extrait du tweet d'Ariane Chemin

extrait du tweet d'Ariane Chemin

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog des Poggiolais
  • : blog consacré à Poggiolo, commune de Corse-du-Sud, dans le canton des Deux-Sorru (autrefois, piève de Sorru in sù). Il présente le village, ses habitants, ses coutumes, son passé et son présent.
  • Contact

Qu'est-ce que ce blog?

Accroché à la montagne, pratiquement au bout de la route qui vient d'Ajaccio et de Sagone, POGGIOLO est un village corse de l'intérieur qui n'est peut-être pas le plus grand ni le plus beau ni le plus typé. Mais pour les personnes qui y vivent toute l'année, comme pour celles qui n'y viennent que pour les vacances, c'est leur village, le village des souvenirs, des racines, un élément important de leur identité.
POGGIOLO a une histoire et une vie que nous souhaitons montrer ici.
Ce blog concerne également le village de GUAGNO-LES-BAINS qui fait partie de la commune de POGGIOLO.
Avertissement: vous n'êtes pas sur le site officiel de la mairie ni d'une association. Ce n'est pas non plus un blog politique. Chaque Poggiolais ou ami de POGGIOLO peut y contribuer. Nous attendons vos suggestions, textes et images.
Nota Bene: Les articles utiliseront indifféremment la graphie d'origine italienne (POGGIOLO) ou corse (U PIGHJOLU).

Recherche

Le calendrier poggiolais

 

 

Dimanche 22 septembre à Murzu:

u mele in festa

--------------------

L'album de photos des Poggiolais:

Pour le commander, suivre le lien:

https://www.collectiondesphotographes.com/i-nostri-antichi-di-u-pighjolu-de-philippe-prince-demartini.html

 

-----------------

Votre ancêtre a participé à la guerre de 1914-1918?

Envoyez une photo de lui à l'adresse larouman@gmail.com

Elle pourra être publiée dans notre dossier des combattants poggiolais.

.............

 

Vacances de Toussaint:

du samedi 19 octobre au lundi 4 novembre.

Vacances de Noël:

du samedi 21 décembre au lundi 6 janvier.

Vacances d'hiver:

du samedi 15 février au lundi 3 mars.

Vacances de Pâques:

du samedi 12 avril au lundi 28 avril.

Vacances d'été:

samedi 5 juillet.

 

 

 

 

La météo poggiolaise

Pour tout savoir sur le temps qu'il fait et qu'il va faire à Poggiolo, cliquez sur LE BULLETIN METEO

POGGIOLO SUR FACEBOOK

Les articles du blog se trouvent sur la page Facebook du groupe Guagno-les-Bains Poggiolo.