Les soldats français se battent au Mali, sur le territoire d’un pays indépendant mais qui a été longtemps une colonie de la France. Et, parmi les administrateurs de cette époque, il y eut un Poggiolais.
Jean Hyacinthe DESANTI naquit à Poggiolo le 27 janvier 1889. Il était le fils de Pierre FrançoisDESANTI et de Jéromine CAMILLI, née à Cristinacce. Le premier DESANTI mentionné dans les documents poggiolais est Gioan Michele, décédé vers 1770.
Sur l’acte de naissance, son prénom est orthographié "Jasynthe", rapporte Pierre LECCIA dans la recension des registres d’état-civil de Poggiolo accessible sur GENEANET.
Il épousa le 23 novembre 1922, à Vico, Marie Gracieuse LECA, avec laquelle il eut trois enfants : Paulette et Pierre, nés à Grand-Popo au Dahomey, et Jérômine, née à Vico. Il est l’aïeul des BARTOLI et CHABROLLE actuels.
UNE JEUNESSE STUDIEUSE
Dernier d’une fratrie de neuf enfants, il bénéficia de l’aide de ses frères et sœurs pour ses études. Il obtint le baccalauréat au lycée Carnot de Tunis, dans ce protectorat où les Corses de notre région étaient si nombreux (voir l’article « L’empire sahélien des Sorrinesi »). Puis il fit des études de droit à Paris où il se lia d‘amitié, malgré des options politiques très différentes, avec un autre Corse, César CAMPINCHI, originaire de Calcatoggio, qui fut ensuite ministre de la Marine entre 1937 et 1940. Il passa un an à Londres comme surveillant de lycée pour apprendre l’anglais, ce qui était inhabituel à l’époque.
Après ses études, Jean Hyacinthe DESANTI entra dans l’administration coloniale dont il franchit les différents échelons en restant toujours en poste dans la même partie de l’A.O.F. (Afrique Occidentale Française).
ENTHOUSIASME ET ARDEUR POUR LE DAHOMEY
Il arriva à Cotonou, au Dahomey, en 1913 « plein d’enthousiasme et d’ardeur » pour « assister et participer dans toute la mesure de ses modestes moyens, à cette passionnante réalisation » qu’était l’administration coloniale, écrit-il dans son livre “Du Danhomé Au Bénin-Niger”.
Peu après, la guerre éclatant, il participa aux combats contre la colonie allemande du Togo. Il aurait même reçu en mains propres, comme représentant du gouverneur français, la capitulation du commandant allemand.
Il fut successivement élève administrateur, chef de subdivision, puis commandant de cercle et secrétaire général, au Dahomey (devenu le Bénin en 1975).
Il devint gouverneur par intérim de cette colonie le 24 août 1934 (cf ci-dessous l'article enthousiaste du « Phare du Dahomey » août 1934).
En application du décret du 29 novembre 1934, qui instaurait une union entre Dahomey et Togo, il fut ensuite placé sous l’autorité de Maurice-Léon BOURGINE, lieutenant-général du Dahomey et commissaire de la République au Togo, à partir du 22 septembre 1935, et prit le titre de lieutenant-gouverneur par intérim du Dahomey.
Il connaissait parfaitement le pays dont il avait appris les dialectes. Les autochtones lui donnèrent plusieurs surnoms comme « Tête de lion », « Denys l’Ancien » ou «le Caïman de Simendé ».
Attaché à l’Afrique, Hyacinthe DESANTI voulait que les limites administratives coloniales soient tracées de façon plus logique, ce qui aurait peut-être pu éviter certains conflits frontaliers dans l’Afrique indépendante. Ainsi, il demandait le rattachement du Gourma et de la rive droite du Niger au couloir dahoméen.
LE SOUDAN ET SES PROBLÈMES
En juin 1936, il partit en congé en métropole et ne revint plus au Dahomey où il avait passé 23 ans. Le gouvernement de Front Populaire voulait éloigner un haut-fonctionnaire qui était maurrassien d’Action Française et qui, contrairement à la majorité des cadres coloniaux, n’appartenait pas à la franc-maçonnerie..
Le 14 novembre 1936, il devint donc secrétaire général du Soudan français que l’on appelait aussi le Haut Sénégal-Niger et qui est aujourd’hui le Mali (cf l'annonce ci-dessous parue dans « Le Phare du Dahomey », décembre 1936).
Ensuite, en mars 1938, il fut nommé gouverneur intérimaire du Soudan.
Installé à Bamako, il voulut continuer la mise en valeur, alors fortement vantée en métropole, de cette colonie, comme les grands travaux d’aménagement du delta intérieur du Niger.
Mais la seconde guerre mondiale obligea le Soudan à “fournir des hommes, travailleurs et soldats, des denrées vivrières et du bétail (...) destinés aux territoires voisins, et en particulier au Sénégal”, ce qui remettait en cause les politiques de développement de ce territoire (4ème de couverture du livre de Vincent JOLY “Le Soudan français de 1939 à 1945”). Il s’opposa à l’application de la conscription pour les indigènes maliens alors que les armes pour les équiper étaient insuffisantes (1 fusil pour 7 soldats soudanais!).
La situation ne semble guère avoir changé maintenant lorsque l’on lit dans « Libération » du 21 janvier 2013 :
« Quant à l'équipement (de l’armée malienne), il se résumerait à un fusil pour cinq hommes, des vieilles kalachnikovs usées ».
Il fallut ensuite gérer les retombées de l’armistice du 22 juin 1940 avec l’Allemagne, dont profitèrent les islamistes (déjà!) du cheikh HAMALLAH qui entraînèrent des incidents sanglants à Nioro-Abassa en août 1940.
Le territoire subit les contrecoups des divisions entre Français avec l’épisode SCAMARONI. A la suite de l’échec de l’attaque gaulliste et anglaise contre Dakar pour rallier l’A.O.F. à la France Libre le 23 septembre 1940, Fred SCAMARONI, porteur d'une lettre du général de Gaulle, avait été emprisonné au Sénégal puis transféré à Bamako. Là, Jean Hyacinthe DESANTI lui demanda de jurer de ne pas s’évader. Le résistant corse refusa et s’échappa. Il fut repris et envoyé à Alger où il fut ensuite libéré et il put commencer ses activités clandestines dans la Résistance.
L’ATTACHEMENT AUX RACINES
Pendant toute sa carrière africaine, Jean Hyacinthe n’oubliait pas son village natal où il revenait lors de ses congés, un été sur deux.
L’article paru sur ce blog le 21/06/2010 a montré que Hyacinthe DESANTI avait adhéré au syndicat d’initiative de Poggiolo le 8 juillet 1924 et qu’il était alors “administrateur à Grand Popo - Dahomey” (ville littorale dahoméenne près du Togo).
D’autre part, Jean-Martin FRANCESCHETTI se rappelle avoir été très impressionné par l’uniforme du gouverneur lors de la grand-messe du 15 août à Saint Siméon, dans les années 30.
LE RETOUR EN MÉTROPOLE
Les longs séjours en Afrique altérèrent fortement la santé de Hyacinthe DESANTI. Le 15 novembre 1940, le gouvernement nomma Jean RAPENNE à sa place. Il quitta définitivement le Soudan et le continent africain le 24 décembre 1940 pour aller au ministère des Colonies. Il participa à la rédaction d’un ouvrage collectif édité en 1944 sur « L’âme d’un empire » en rédigeant un chapitre intitulé : « Afrique noire: Tu es mon père et ma mère ».
Affaibli, il décéda à Paris, à l’hôpital du Val de Grâce, le 22 juin 1944, à 55 ans. Mais il avait eu le temps d’écrire un livre rempli de souvenirs personnels intitulé “Du Danhomé Au Bénin-Niger” et qui parut en 1945.
Il fut inhumé au village natal de Poggiolo, dans la chapelle funéraire familiale qui est à flanc de coteau, au-dessous de l’église Saint Siméon.
Jean Hyacinthe DESANTI fut un de ces fonctionnaires qui se dévouèrent à la cause de “la plus grande France” à un moment où la colonisation paraissait un fait parfaitement normal.
Ainsi, il écrivit: « La France n’a jamais eu à se poser la question de savoir comment elle pourrait honorablement et en bons termes se séparer des territoires colonisés par elle, elle s’est plutôt préoccupée de la manière de les intégrer au mieux dans la collectivité de l’Empire français, leur patrie commune » (cité par Jacques Le Cornec dans « LA CALEBASSE DAHOMEENNE OU LES ERRANCES DU BENIN, Volume 1 » page 481).
Les Maliens n’ont pas occulté cette époque de leur mémoire et, à Bamako, ils ont créé la place des gouverneurs où sont rassemblées les stèles des différents administrateurs de l’époque coloniale. Un Poggiolais se trouve toujours au Mali.
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