Les cérémonies officielles ne se déroulent pas toujours comme prévu. Même les processions religieuses de village peuvent finir dans le plus grand désordre. Il en fut ainsi à Soccia dans une occasion décrite avec ironie par le poète MAISTRALE.
MAISTRALE (Dumenicu Antone VERSINI), surnommé le barde de la Corse, est né en 1872 à Marignana et est mort en 1950 à Ajaccio. Un article lui sera ultérieurement consacré sur ce blog car il avait des liens avec Poggiolo.
Il publia en 1924, imprimé par «A Muvra», ce texte intitulé «Una prucissione in Soccia».
Ce poème de 37 strophes de 6 vers évoque un incident qui n’a pas dû être inventé par le poète. Les précisions de date et de personnages sont suffisamment grandes pour le supposer.
Ce texte va être présenté en plusieurs parties afin de mieux le comprendre.
L’œuvre était écrite en corse. La traduction française a été assurée par Jean-Baptiste PAOLI, l’historien de Soccia, qui en avait réalisé une petite brochure vendue au profit de l’église voici quelques années. Les renseignements historiques cités ici viennent en grande partie de son opuscule « Soccia : Santa Maria delle Grazie, a nostra ghjesgia », publié à l’aide d’A Mimoria.
Cliquer sur le texte pour l'agrandir.
La première ligne indique que les faits se sont produits le « quatre octobre dernier » qui était le jour de la « fête de saint François » d’Assise. La revue datant de 1924, la fameuse procession doit avoir eu lieu le jeudi 4 octobre 1923.
Les premières strophes nous apprennent qu’il existait à Soccia une confrérie bien organisée qui possédait un prieur, un registre d’appel des membres et des amendes.
Cette confrérie était celle du Saint Rosaire qui, depuis 1919, avait comme prieur un autre Jean-Baptiste PAOLI et pour sous-prieur Antoine Dominique PIETRI, comme le montre le procès-verbal ci-dessous, extrait de la brochure mentionnée plus haut.
Associations de laïcs à vocation pieuse, les confréries sont apparues en Corse sont avec celles de la Sainte-Croix à la fin du XIVe siècle. Les confréries du Rosaire et du Saint-Sacrement sont, elles, fondées aux XVe et XVIe siècles. Après des périodes d’essor et de déclin, elles connaissent de nos jours un renouveau notable. Au-delà de l’engagement spirituel et religieux toujours présent, elles constituent un espace de sociabilité essentiellement masculin et un lieu de transmission des chants religieux traditionnels. (texte extrait du site : www.musee-corse.com)
D’après les notes du Père Louis DOAZAN sur les visites épiscopales, il existait en 1728, lors de la visite de l’évêque de Sagone Pier Maria GIUSTINIANI, une confrérie du Saint Rosaire mais elle était féminine.
Son nom n’apparaît pas dans les listes de confréries dressées pour 1789 et 1810 par François CASTA dans son article « Paroisses, confréries et dévotions de Corse à l’épreuve de la Révolution Française » (Revue « Provence historique », 1989).
Celle qui existait au XXème siècle était entièrement masculinisée.
La ferveur à Notre-Dame du Rosaire était importante dans ce village.
L’origine de cette dévotion à Soccia a été expliquée dans l’article paru dans ce blog:
http://poggiolo.over-blog.fr/la-fête-d-octobre-à-soccia
L’actuelle église Sainte Marie avait été même inaugurée le 1er octobre 1843 par la messe du Rosaire. Jusqu’à voici quelques années, une procession avait lieu le premier dimanche d’octobre, avec des fenêtres illuminées, comme au 15 août.
Mais, dans ce texte, il s’agit bien de la saint François. Maistrale mentionne bien la statue du saint et pas de Marie.
Faut-il penser qu’il y avait une procession pour saint François d’Assise le 4 octobre et aussi une le dimanche de Notre-Dame du Rosaire ? A moins que l’écrivain ait commis une confusion…
Les confrères ont reçu des consignes précises et très détaillées sur leur allure pendant la procession, leur habillement, leur façon de chanter…
On pourra remarquer que tous les chants sont en latin, comme l’était alors toute la célébration de la messe.
Chacun a une place précise :
- en avant, les enfants
- puis, les « filles de Marie », ou enfants de Marie, adolescentes engagées dans ces groupes fondés en 1837 pour approfondir leur foi, mais qui, visiblement, pensent à autre chose, petit clin d’œil sur la différence entre l’aspect extérieur et la réalité profonde
- le curé qui était Jean-François BONIFACI depuis 1917
- la statue de saint François d’Assise (qui avait été offerte en 1893 par des paroissiens) avec ses porteurs
- le reste de la confrérie
- les autres habitants.
Tout est magnifique mais, très rapidement, ce bel ordre va se détraquer et la procession tournera à la grosse farce.
A suivre
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