La façade de l’établissement thermal de Guagno-les-Bains s’orne d’une inscription dont il a déjà été indiqué le caractère historiquement douteux. Au-dessous de la plaque, la décoration du mur est complétée par une jardinière couverte d'herbes folles.
Le récipient dans lequel la terre a été accumulée est en réalité une baignoire en marbre avec deux anneaux sculptés de chaque côté. L’idée de convertir un ustensile de bain pour faire pousser des plantes est excellente pour ce cadre.
Cet objet est d’ailleurs mentionné dans plusieurs sites internet touristiques sous le nom de « la baignoire de l’impératrice », sous-entendant « l’impératrice Eugénie », épouse de Napoléon III. Mais il a déjà été démontré (dans l’article Napoléon Ier à Guagno-les-bains et pas Napoléon III (1/2)) que le couple impérial n’a jamais pu se rendre à Guagno-les-Bains.
D’autre part, il ne peut s’agir de LA baignoire de l’impératrice car il existe DES baignoires identiques.
PLUSIEURS BAIGNOIRES
Sur un dépliant publié par la Préfecture de Corse-du-sud à l’occasion des Journées du Patrimoine d’il y a quelques années, on peut lire dans la partie consacrée aux jardins du Palais Lantivy:
« Les trois baignoires en marbre, 2ème moitié du XIXème siècle, proviennent de la station thermale de Guagno-les-Bains. »
La photo d’accompagnement ressemble beaucoup à ce qui est visible maintenant dans la cour de la station thermale.
Nous en arrivons à quatre baignoires du même type. Mais on est loin du compte car les baignoires se trouvaient dans les 17 cabinets particuliers (dont 3 avaient des baignoires jumelles) installés dans les thermes lors de leur reconstruction de 1846-1855. Le total était donc de 20 baignoires.
Le devis du Conducteur des Ponts et Chaussées GIERYNSKI, daté du 13 novembre 1846 et cité par François VAN CAPPEL DE PREMONT, architecte du Patrimoine, dans son livre « Guagno-les-Bains à travers la petite histoire du thermalisme », nous apprend que ces baignoires étaient plaquées de marbre de Corte et coûtaient 84,84 francs l’unité.
SOUVENIR PERSONNEL
Les personnes qui ont plus de 60 ans maintenant se souviennent certainement s’être baignées dans ces baignoires, surtout avant 1968, quand l’eau courante n’avait encore été installée à Poggiolo.
Après un match de football ou après une simple promenade, si l’on n’allait pas se tremper dans la rivière, on se présentait à l’établissement thermal. Pour un prix modique, ou même gratuitement pour ceux qui résidaient toute l’année au vilage, on était introduit dans une petite pièce fermée par une porte en planches de châtaignier disjointes. La baignoire était placée contre un mur. Au-dessus d’elle, un robinet en cuivre doré permettait de faire couler une eau chaude à l’odeur de soufre très caractéristique que l’on gardait un bon moment. On était en forme pour gravir les trois kilomètres de montée jusqu'à Poggiolo.
DEUX MYSTÈRES ET UNE INJUSTICE
Ces baignoires ont certainement été enlevées lors des travaux qui permirent un redémarrage temporaire de la station. La date exacte serait à rechercher. Mais on se souvient que, pendant de très longs mois, des baignoires étaient abandonnées le long des rues du village.
Les exemplaires qui se trouvent à la Préfecture d’Ajaccio seraient présentées dans le jardin depuis 1984, d’après la base de données Palissy des monuments historiques. En effet, elles ont été classées depuis le 2 mai 1984.
Mais il y a encore deux mystères :
- le dépliant des Journées du Patrimoine cite le chiffre de trois baignoires. Pourquoi la troisième n’est-elle pas dans cette liste ?
- la baignoire-jardinière de Guagno-les-Bains n’est pas mentionnée sur la liste des monuments historiques. Est-ce parce qu’elle est se trouve dans un petit village éloigné de la métropole ajaccienne ?
Même sans être LA baignoire de l’impératrice, il serait normal qu’elle soit classée.
EXIGEONS LA RECONNAISSANCE DU CARACTERE DE MONUMENT HISTORIQUE À LA BAIGNOIRE DE GUAGNO-LES-BAINS !
En tout cas, monument historique ou non, l'exposition de cette baignoire et son placement sous la plaque "1808" sont les symptômes de la nostalgie que l'on ressent à Guagno-les-Bains et à Poggiolo, celle de "l'âge d'or de Guagno-les-Bains, quand des centaines de curistes se succédaient tout au long de l'été, faisant vivre le commerce local", comme le fait dire le romancier Didier DAENINCKX, dans son livre "Têtes de Maures", au conseiller général (voir l'article "Guagno-les-Bains, cadre de roman (1/3: des Archives à la fin de "l'âge d'or")").
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