Le paysage des "bains de Vico" publié en 1851 dans "Le Magasin pittoresque" et déjà examiné dans deux articles précédents ("Bains de Vico ou Guagno-les-Bains ?" et "Les ponts de Guagno-les-Bains") donne beaucoup de renseignements mais pose aussi des questions sur les débuts du hameau.
En dehors de l'établissement thermal et d'une auberge, aucune maison n'a été dessinée. Plusieurs voyageurs de l'époque écrivent bien que les curistes étaient abrités dans des huttes de branchage (voir l'article précédent) mais ils mentionnent également plusieurs auberges.
Pour connaître la vérité, il est indispensable d'utiliser des documents cartographiques officiels: le plan-terrier et le cadastre napoléonien.
Le plan-terrier élaboré par la monarchie française à la suite du rattachement de la Corse au royaume de France est un instrument de grande qualité.
Pour Guagno-les-Bains, il montre le pont de Caldane, la source d'eau chaude et la chapelle St-Antoine.
Extrait de "Guagno-les-Bains à travers la petite histoire du thermalisme" par François VAN CAPPEL DE PREMONT
Absolument aucune bâtisse n'est représentée alors que, dans d'autres villages comme Poggiolo, toutes les maisons sont bien visibles sur le plan-terrier. Indéniablement, le lieu ne connaissait pas d'habitants permanents.
L'autre référence incontournable est le plan cadastral. Pour la Corse, le cadastre dit napoléonien, datant de 1857, est disponible sur internet.
Alors qu'il est pratiquement de la même époque que le dessin du "Magasin pittoresque" de 1851, il montre plusieurs constructions. L'établissement de bains se distingue facilement par sa taille et sa forme en U. Mais il n'est pas seul: il est entouré par une douzaine de carrés roses représentant autant de maisons.
Une fièvre de construction aurait-elle saisi cet endroit entre 1851 et 1857? Ce ne serait pas à rejeter s'il n'existait un document plus ancien: le plan général dressé par l'architecte COTIN le 20 décembre 1838.
Il est reproduit dans l'ouvrage de François VAN CAPPEL DE PREMONT déjà cité.
Il est génant à consulter car il n'est pas orienté, comme de façon traditionnelle, avec le nord en haut. Ici, le nord est à gauche.
Pratiquement vingt ans avant le cadastre napoléonien, ce plan prouve qu'il existait cinq maisons dont les propriétaires étaient bien identifiés.
Mieux qu'un plan, le livre de VAN CAPPEL DE PREMONT présente une vue générale est-ouest des thermes, avec la même orientation que le plan COTIN.
L'ouvrage contient aussi une vue sud-nord qui est l'orientation de l'image de 1851. Même avec les nombreux arbres mis par le dessinateur, plusieurs bâtiments auraient dû être visibles dans le périodique.
Légende:
1: Chemin de Guagno et Poggiolo
2: Route départementale
3: Hôpital militaire de Saint-Antoine
4: Chapelle de Saint-Antoine
5: Source Degli Occhi
6: Maison Leca
7: Maisons Multedo
8: Maison Ricci
9: Maison Sabiani
10: Etablissement thermal
11: Bains des chevaux
12: Chemin de Soccia
13: Pont sur le Liamone
Le dessin du "Magasin pittoresque" fait l'impasse sur tous ces lieux. Il n'est pas fiable sur l'existence des maisons.
La reconnaissance officielle des vertus curatives des eaux, concrétisée par la nomination d'un médecin en 1808, entraîna la construction d'hôtels et de maisons particulières qui formèrent un hameau assez important, comme le montre cette photo contemporaine prise depuis l'autre rive. Il y exista même un bureau de Poste et une école.
Guagno-les-Bains est né de l'exploitation des eaux thermales. Il lui faut maintenant exister en attendant un hypothétique redémarrage de cette activité.