Poggiolo a de nombreuses singularités, dans de nombreux domaines, par rapport aux villages voisins. La preuve en fut fournie au niveau sanitaire à la fin de 1918.
Cette année est connue pour être la dernière de la première guerre mondiale. Mais, dans le bilan de la guerre, on oublie souvent les victimes de l’épidémie de grippe, appelée alors grippe espagnole.
"Entre 25 et 40 millions de personnes sont mortes de la grippe espagnole d'avril 1918 au printemps 1919, davantage de victimes que celles causées par la Grande Guerre" (Claude Quétel, "L'Histoire", n°449, juillet 2018).
La France eut à déplorer 240.000 morts.
Des célébrités comme Edmond Rostand et Guillaume Apollinaire moururent de cette pandémie.
La Corse ne fit pas exception et fut touchée fin juillet 1918.
"L'on dénombra quatre-vingts morts à Sartène, quarante à Levie et Zevaco, et soixante à Sollacaro. Mais le triste record reste dans la cité paoline", c'est-à-dire Corte, où il y eut 136 morts, écrit Daniel CERANI dans "Corse-Matin" du 7 août 2018.
A Corte, la grippe dura du 4 août à fin septembre.
La tradition orale rapporte que, pendant l’été 1918, il y eut plusieurs victimes dans le village voisin de Soccia et que l’on entendait tous les jours les cloches des enterrements. Par contre, Poggiolo aurait été épargnée. S'agit-il d'une légende ou de la réalité?
Pour répondre, il faut étudier la mortalité de ces communes pendant l'année 1918, ce qui est possible avec les tables décennales d’état-civil disponibles sur internet.
Elles montrent effectivement une forte poussée de mortalité à Soccia en septembre et octobre 1918 avec dix-huit décès pour ces deux mois, soit autant que dans l’ensemble de chacune des années précédentes.
A Poggiolo, il n’y eut qu’un décès pour la même période, sur un total annuel de onze, soit moins qu’en 1917 où l'on avait compté quinze morts.
Il semble que Guagno ait également été touché par l’épidémie car on enregistra dix-neuf morts en octobre 1918, soit exactement la moitié du total de l’année pour cette commune. Il n'y avait eu que onze morts pour toute l'année 1917.
Le tableau ci-dessous compare mois par mois la mortalité en 1918 des quatre communes du canton: Poggiolo, Soccia, Guagno et Orto.
POGGIOLO | SOCCIA | GUAGNO | ORTO | |
janvier | 1 | 0 | 0 | 0 |
février | 0 | 2 | 1 | 0 |
mars | 0 | 0 | 4 | 1 |
avril | 3 | 0 | 2 | 1 |
mai | 2 | 1 | 1 | 1 |
juin | 0 | 1 | 2 | 1 |
juillet | 0 | 0 | 1 | 2 |
août | 0 | 1 | 2 | 1 |
septembre | 1 | 8 | 2 | 0 |
octobre | 1 | 10 | 19 | 0 |
novembre | 1 | 3 | 4 | 1 |
décembre | 2 | 2 | 0 | 0 |
total 1918 | 11 | 28 | 38 | 8 |
La hausse des morts en septembre et octobre pour Soccia et Guagno est évidente. Même si tous les décès ne viennent pas de cette maladie, la grippe espagnole a bien été présente et Poggiolo en fut épargnée, ainsi qu'Orto.
L'air serait-il donc plus sain à Poggiolo? Pourquoi ne pas le penser?
La mairie aurait-elle pris des mesures coercitives, comme lors de l'épidémie de choléra de 1884 où l'utilisation des thermes de Guagno-les-Bains fut interdite aux habitants de St André d'Orcino?
Il se peut qu'à l'armée certains Poggiolais mobilisés aient été atteints par le virus mais aucun n’en mourut. Le seul cas certain de malade est François Antoine Demartini. Né à Poggiolo en 1899, il avait été incorporé au 111e régiment d'infanterie le 18 avril 1918, il fut touché par la maladie et en réchappa. Il vécut jusqu'en 1975.
Poggiolo = bonne santé