Le ravitaillement des habitants permanents de nos villages n’est pas seulement une question préoccupante actuellement, comme l’a montré l’article de « Corse-Matin » du 17 juin 2013: Pierrette fait de la résistance http://poggiolo.over-blog.fr/pierrette-fait-de-la-r%C3%A9sistance
Lors de la seconde guerre mondiale, la municipalité de Poggiolo avait eu à prendre des décisions importantes dans ce domaine.
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La déclaration de guerre à l’Allemagne eut lieu le 3 septembre 1939. Même si les opérations militaires furent limitées pendant les huit mois de la période qui suivit et qui fut appelée la « drôle de guerre », la vie économique fut désorganisée. A Poggiolo, les adultes mobilisés n’étaient plus là pour la production agricole ou aller effectuer les achats à Vico ou Ajaccio. Les importations de produits continentaux se réduisirent, les bateaux devant être protégés contre d’éventuels sous-marins allemands. Et le doute existait sur la durée de la neutralité italienne.
UNE DÉLIBÉRATION ORIGINALE
Pour faire face à cette nouvelle situation, le conseil municipal poggiolais se réunit le 24 septembre 1939, sous la présidence de Jean PAPADACCI qui était adjoint au maire depuis 1937. Le maire lui-même était absent. Ce maire était CECCALDI Jean François, né en 1876 et décédé en 1968, élu à la tête du conseil municipal depuis décembre 1919.
La solution imaginée alors fut assez originale, comme on peut le lire sur l’extrait des délibérations du conseil municipal reproduit ici avec la ponctuation et l’orthographe d’origine.
« Le conseil en raison des difficultés que l’on éprouve à l’heure actuelle pour assurer le ravitaillement de la population a pris les décisions suivantes :
Un entrepôt municipal sera créé d’urgence à Poggiolo. Le local pour le dépôt et le gérant seront désignés par le maire. Il aura pour tache d’approvisionner le ou les magasins de façon à éviter toute hausse injustifiée des prix. Il permettra un contrôle rigoureux des prix de vente et fonctionnera comme suit :
Le ravitaillement de l’entrepôt sera assuré par les soins du maire en liaison avec l’intendant et les grossistes d’Ajaccio.
Les prix d’achat seront majorés du prix du transport et d’une taxe minime pour rétribuer le manutentionnaire. Le prix ainsi établi sera le même majoré d’une somme aussi petite que possible et qui constituera le bénéfice des commerçants et le payement des locaux.
Les prix de vente aux citoyens seront contrôlés chaque semaine par le maire qui les portera à la connaissance des populations par voie d’affiches.
Le manutentionnaire n’aura aucun roulement de fonds. Toutes les opérations devront être faites par l’intermédiaire de M. Ceccaldi J. François, capitaine en retraite, chevalier de la légion d’honneur qui remplira les fonctions de comptable. Il encaissera toutes les sommes provenant de la vente des denrées qui se fera au comptant, il règlera également au comptant mr l’intendant et les grossistes pour tous achats effectués chez eux. Le conseil vote à cet effet la somme de quinze mille francs qui sera mandatée à M. Ceccaldi et qui constituera un fond de roulement. La commune ne devant supporter aucune dépense
Emet le vœu que cette création soit approuvée par M. le Préfet afin d’en permettre son fonctionnement immédiat. »
Ce système, approuvé ensuite par le préfet, établissait un contrôle très étroit du commerce par la mairie pour éviter une trop forte hausse des prix. Le 18 décembre, le maire désigna comme comptable de l’entrepôt Antoine Dominique MARTINI, dit Antunaccione, né en 1883 et décédé en 1970, qui fut ensuite président de la délégation spéciale de décembre 1941 à septembre 1943.
CHANGEMENT D'ORIENTATION
Après l’invasion de la France et l’armistice du 22 juin, la zone sud, dont la Corse faisait partie, ne connut pendant deux ans ni occupation ni opérations militaires. Un semblant de retour en ordre s’opéra. Mais le rationnement était devenu indispensable, comme en 1914-1918. Il avait été décidé le 10 mars 1940 et les premières cartes de rationnements furent distribuées dès octobre 1940 pour les produits de base: pain, viande, pâtes, sucre.
Les édiles poggiolais s’adaptèrent à la nouvelle situation, d’autant que l’expérience de magasin communal n’avait pas parfaitement fonctionné.
Le conseil y mit fin le 27 juillet 1940 à 19 h sous la présidence de Jean PAPADACCI, le maire étant encore absent. Voici le texte de la nouvelle délibération.
« M. le Président ouvre la séance et expose au conseil que la carte d’alimentation doit être mise prochainement en service que par suite le magasin communal pourrait ne plus revêtir d’utilité pour la population ; que d’autre part certaines difficultés ne laissent d’exister pour la régularisation des écritures que dans ces conditions il croit devoir de demander la suppression du Conseil qu’il prie de vouloir se prononcer.
Le Conseil ouï l’exposé de Mr le maire à l’unanimité des présents décide que le magasin cal créé par délibération du 24 7le 1939 sera supprimé.
Il prie Mr Martini, Antoine, Dque, désigné par arrêté du 18-12-39, comme comptable de l’entrepôt de bien vouloir reverser, dans le minimum de temps possible, dans la caisse du percepteur de vico, receveur mal, la somme de quatorze mille francs perçu par lui, chez ce comptable, pour l’exploitation du sus-dit magasin. »
Mais les difficultés de ravitaillement continuèrent et même empirèrent, surtout quand la libération de septembre 1943 coupa la Corse de ses liaisons maritimes et aériennes avec le continent pendant un an. Dans cette période, les châtaignes fournirent un aliment précieux. La mairie ne prit alors aucune initiative particulière.
Le rationnement persista en France jusqu’à la fin de l’année 1949.
Il serait intéressant de savoir si d’autres communes suivirent la même voie que Poggiolo.
PS : un article de ce blog a déjà évoqué les péripéties de la mobilisation et du départ pour la guerre en 1939 à partir de l'exemple du Socciais Antoine PAOLI.
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