Quand l'été débute, la Corse bénéficie toujours de l'attention des magazines qui publient leurs numéros "spécial vacances". "GÉO" se plie à cette habitude avec son numéro de juillet qui vient à peine d'être mis en kiosque. Nous ne citerons pas tous les articles dédiés au "meilleur de la Corse" mais seulement celui qui concerne notre micro-région (il était annoncé dans la note du 12 juin dernier).
Pages 94 et 95, sous le très bon titre "Ils balisent les chemins des ancêtres", Sylvie BUY décrit le travail de redécouverte des sentiers d'autrefois dans la vallée de LURI et à SORRU IN SÙ.
"Avec 250 habitants et quatre villages, la vallée s'étiole, seuls les vieux restent.
Autre lieu, même combat. Près de Vico, en plein centre de l'île, se trouve une vallée perdue. Petite, blottie au pied du vertigineux
Ritondo (2.622 m), Sorru in Sù est enclavée. A trois heures de Bastia, idem de Corte. Panoramas à couper le souffle, lacs cristallins, hameaux cramponnés à la roche... un paradis
pour les randonneurs, pas pour ceux qui vivent là. Avec 250 habitants pour quatre villages, la vallée s'étiole. «Seuls les vieux s'accrochent», commente François Tomasi,
lui aussi accompagnateur en montagne. Et les passionnés. Comme lui, comme Paul, le berger, Jean-Claude, éleveur de porcs ou encore Jean-Marie et
Marie-Ange, hôteliers restaurateurs, et ceux qui vivent de multi-activités ancestrales: charcuterie, fromages, miel, bois, farine de châtaignes, etc. En 2002, François et
quelques amis ont créé l'association Chjassi è monti ("chemins et montagnes"). Objectif, là encore: rouvrir d'anciens
sentiers pour dévoiler ces sites sublimes et, du même coup, doper l'économie locale. Pendant six ans, Chjassi è monti a cherché des fonds pour démarrer. En vain. «On n'intéressait pas les
politiques. Quatre-vingts pour cent des Corses vivent près de la mer. Qui se soucie des montagnes?» grince François. Mais l'homme a la tête dure. "En 2008, on a décidé d'y aller
seuls."
Avec les moyens du bord, l'association a extirpé quarante kilomètres de chemins de la broussaille, misant sur la proximité du GR 20 et du sentier Mare a mare qui relie les deux
côtes. En s'y raccordant, Chjassi è monti a créé neuf boucles de randonnée. Un maillage qui dessert les plus beaux sites autour de Soccia, Orto, Guagno et désenclave la
vallée.
Leur but? Eviter à tout prix la folklorisation de la Corse de l'intérieur
Le GR 20 est désormais à deux heures de marche, et un nouveau sentier conduit au très prisé lac de Creno, où, selon la légende, le diable sommeillerait pour
l'éternité. Les randonneurs, qui peuvent désormais «décrocher» vers la vallée, ont commencé à venir. Les élus eux-mêmes ont fini par faire le déplacement et apprécier le travail. Résultat, en
2009, la collectivité territoriale a décidé de financer un chantier. Une bouffée d'oxygène pour ceux qui choisissent de rester au pays, comme Dumé (Dominique), éleveur,
charcutier et muletier, qui s'est installé à Poggiolo, vingt habitants. «Avec ses quatre enfants, il a repeuplé le village! rigole
François. Nos chemins sont là pour conduire les randonneurs vers des gens comme lui, qui ont des choses à proposer. On veut des rencontres.»
Les «faiseurs de chemins» se ressemblent. De l'énergie pour quinze, pas un sou. L'amour de leur terre, une dent contre les autorités. Et une idée fixe: réussir un tourisme durable
dans leur microrégion. Ils savent tous que ça ne sera pas facile; déjà, pour ne pas avoir de côtes bétonnées à la Miami Beach, «ça a coûté des centaines de kilos de plastic et des années de
prison». Alors, face à un intérêt croissant pour la Corse de l'intérieur, on veille au grain. Pas question de la folkloriser, «du type: jour 1, rencontre avec un faux berger à qui on a
collé une barbe blanche; jour 2, soirée danse traditionnelle ... », ironise Robert. «Il faut qu'il y ait une vraie vie, c'est tout.» Et dans ces montagnes dures et magnifiques, c'est bien le
problème."