Le carnet des adhérents du Syndicat d'Initiative de Poggiolo en 1924, est une mine de renseignements (voir les articles du 15 juin et du 21 juin).
Il nous apprend ainsi que le plus exotique des Poggiolais était François Antoine MARTINI. Il était exotique car son domicile était le plus éloigné du village: en Guyane. Exotique également car il avait une profession particulière: il était dans l'administration comme beaucoup de Corses exilés de l'époque, mais dans l'administration pénitentiaire.
François Antoine était appelé aussi "Ceccu Antone" ou "Ceccantone" et nombreux sont ceux qui se souviennent de ce grand-oncle de Christian, Jean-Martin et François PINELLI. François Antoine était surveillant au bagne de Guyane. En fait, il n'existait pas un seul bagne pour les condamnés envoyés par les tribunaux français. Le bagne était un chapelet d'établissements éparpillés dans cette colonie. Les plus connus sont les îles du Diable ou du Salut (où séjourna le capitaine Dreyfus) et Kourou (devenu base de lancement de fusées).
François Antoine MARTINI était plus précisément surveillant au Camp CHARVEIN, camp
forestier dépendant de St Laurent du Maroni, à 300 km de Cayenne, sur la route de St Laurent à Mana.
Le journaliste Albert LONDRES a connu la célébrité avec sa série d'articles sur le bagne de Guyane. Le premier parut le 8 août 1923 dans "Le Petit Parisien".
La dénonciation de la dureté de la vie des bagnards eut un tel succès qu'en septembre 1924 le gouvernement décidera de supprimer le bagne (ce qui n'aura effet que vingt ans plus tard). François
Antoine MARTINI adhéra au syndicat d'initiative de Poggiolo le 7 juillet 1924, donc entre ces deux événements.
Réservé aux "incorrigibles", le Camp Charvein fait l'objet d'une page dans le reportage d'Albert LONDRES que l'on peut lire ICI, avec des hommes nus coupant du bois douze heures par jour sous la menace du fusil.
Mais, dans un tel univers, la sensibilité pouvait exister. Certains bagnards pouvaient parfois montrer leurs talents artistiques.
C'est ainsi que Ceccantone MARTINI put rentrer au village avec des peintures signées D. CAPBAL.
Ces œuvres de Daniel CAPBAL, comme celles d'autres bagnards artistes (Louis GRILLY ou Casimir PRENEFATO) montrent une nature apaisée, la jungle amazonienne, la navigation d'Indiens sur l'Orénoque..., thèmes sans danger vis-àvis de l'administration pénitentiaire. Ces scènes naïves, parfois peintes sur des matériaux de récupération (assiettes, tôle, toile d'uniforme, etc) trouvaient facilement preneur auprès des fonctionnaires et journalistes en poste en Guyane.
Des œuvres de Daniel CAPBAL sont présentes au MUCEM (cliquez ICI) et à La SEYNE-SUR-MER (cliquez ICI et regardez la page 4) où le musée Balaguier propose "Les artistes du bagne, Chefs d'oeuvre de la débrouille" (jusqu'au 18 septembre 2011) (ouvert tous les jours sauf le lundi. Horaires : de 10h à 12h et de 14h à 18h).
Toujours en cette même année 1924, François Antoine MARTINI fit ainsi cadeau de tableaux de CAPBAL à des Poggiolais. Le bagne est donc présent d'une
certaine façon sur des murs poggiolais.