Poggiolo apparaît très rarement dans les documents concernant l'histoire de la Corse. Pourtant, le village se trouve dans un territoire qui joua un grand rôle au Moyen Age. Ces articles vont résumer cette période en indiquant en quoi les Poggiolais ont pu y participer.
Poggiolo faisait alors partie de la Terre des Seigneurs.
La Corse est divisée en deux départements depuis 1975. La limite administrative correspond à la ligne de partage naturel des eaux. Elle est également une coupure historique entre En-Decà des Monts (Di quà da i monti) et l'Au-Delà des Monts (Di là da i monti). Ces dénominations ont été données par rapport à l’Italie péninsulaire ou «Terre Ferme».
L'Au-Delà était appelé aussi la Terre des Seigneurs car des nobles y firent longtemps sentir une puissance qui eut du mal à s'imposer de l'autre côté et disparut au XVème siècle.
Les plus puissants de ces seigneurs furent le plus souvent ceux de Cinarca dont la zone d'influence comprit Poggiolo.
L'histoire de ces seigneurs est très compliquée et, pour le début du Moyen Age, les documents font défaut.
Dans ces trois articles, nous n'allons pas en raconter tous les détails mais nous insisterons sur ceux impliquant les Deux Sorru.
------------------------------------------------------------
Les seigneurs de la Catena
La tradition fait remonter les seigneurs corses au IXème siècle, quand le pape Etienne IV lança une expédition, commandée par le comte romain Ugo Colonna, pour reprendre la Corse aux Sarrasins, peut-être en 816.
"L’île libérée, Ugo Colonna institua en l’an 818, son neveu Orlandino seigneur de la contrée de Vico. Orlandino Colonna fit construire un Château, à Letia, appelé le castello della Catena, et un autre, à mi-chemin entre Sia et Salognu qu’il appela Geneparo. Le castello de la Catena était bâti sur un arc naturel de pierre qui surplombe deux précipices ce qui le rendait aisément défendable. Les études archéologiques confirment le récit de Giovanni della Grossa en indiquant que les ruines du Castello remontent au IXe siècle." (extrait du site http://letia-catena.fr). Giovanni della Grossa écrivit au xve siècle le premier grand texte historique et littéraire corse.
(vestiges du
castello della Catena)
Après l'an 1.000, "sans nous donner, malheureusement, de dates précises, la chronique de Giovanni della Grossa relate comme un fait exemplaire la rébellion des Rolandinacci de Vico contre leurs cousins Cinarchesi, eux-mêmes très divisés entre eux. Elle évoque, un peu plus loin, une prise de possession du château de la Catena par ces mêmes Rolandinacci. Avant que les Amondaschi, probablement des montagnards venus de villages pas très éloignés," (alors pourquoi pas de Sorro in Sù?) "ne viennent démolir le château, quelque temps après. Il faudra, une nouvelle fois, le reconstruire" (François PAOLI, "Letia et la région de Vico du Moyen Age à 1950", p. 23).
Après une période de chaos, vers 1112, deux héritiers des Cinarchesi, de la famille de Leca, Arrigo et Diotaiuti, exilés en Sardaigne, débarquent dans l'île et s'en emparent avec l'accord de Pise, gestionnaire de la Corse depuis la décision papale de 1077. Diotaiuti ajoute le Vicolais à ses possessions de la Cinarca.
Le château de la Cinarca
La Cinarca est le territoire du golfe de la Liscia et de Sagone. Le château, dont la première mouture datait du IXème siècle, dominait l'actuel village de Tiuccia du haut de sa butte de 222 mètres d'altitude d'où tout le golfe et la vallée du Liamone peuvent être surveillés. Le castellu, bordé par des à-pics vertigineux, avait une très bonne position défensive et n'avait pas besoin de fossés creusés par les hommes. On peut encore en apercevoir les restes depuis la route.
photos extraites du site: http://randonnee.cinarca.free.fr/Casteddu/Casteddu-di-Capraghja.htm
Sur la partie supérieure, se trouvaient un petit donjon carré et un autre de forme circulaire (la torre bianca), à trois étages, avec des murs de trois mètres d'épaisseur. Une citerne d'eau de pluie et un palazzo de deux niveaux se trouvaient entre ces deux tours. La garnison comprenait 23 soldats au XVème siècle, et même 120 lors du siège de 1454.
Reconstitution du castellu à la fin du XVème
siècle
http://www.educorsica.fr/storia_di_a_corsica/moyen_age.html
Les différents seigneurs qui voulurent prendre le titre de comte de Corse devaient être maîtres de ce lieu, dont la charge symbolique était très forte.
Les Génois prenant progressivement pied en Corse, le pape Innocent III partage en 1133 les évêchés. Aleria, Ajaccio et Sagone dépendent de l'archevêque de Pise, les autres de celui de Gênes. Les Pisans ne se préoccupant pas des rivalités seigneuriales, qui multiplient combats et assassinats, les seigneurs de Cinarca s'imposent.
L'histoire, très compliquée, de ces seigneurs est racontée avec de nombreux détails dans l'excellent blog casa-di-a-memoria de Sari d'Orcino.
(à suivre)