Les castelli cinarcais
En dehors du château de la Cinarca (décrit ici), plusieurs châteaux jouèrent un rôle important dans les luttes contre la domination génoise. Cette carte, déjà publiée dans un article précédent, permet de localiser ceux qui furent édifiés dans notre partie de la Corse.
Ces constructions du XVème siècle avaient une fonction essentiellement militaire contre les troupes génoises:
"Erigées à l'intérieur des terres, elles concentrent sur des surfaces exiguës les éléments défensifs fondamentaux: tour, citerne et remparts percés de meurtrières. Mais c'est surtout le relief naturel, très spectaculaire - des pitons rocheux élevés et très escarpés - qui fait la force de ces castelli.
Au moins cinq sont construits ou reconstruits dans la région: Sia, Foce d'Orto, Geneparo, Zurlina et Leca.
Perchés sur de haut sommets, très difficiles d'accès, ils ne dépassent pourtant pas quelques dizaines de mètres carrés de superficie et sont mal armés.
(...)
Ces châteaux du XVème siècle apparaissent plus comme des lieux de repli que comme des positions stratégiques destinées à contrôler un territoire. Malgré leur localisation sur des sites particulièrement escarpés, ils ne peuvent résister bien longtemps aux sièges menés par les troupes de l'Office de Saint-Georges, bien ravitaillées et disposant d'une artillerie moderne, leur principale faiblesse résidant dans le peu de réserves dont ils disposent en cas de siège et surtout dans le peu de capacité qu'ont les seigneurs de monter des opérations d'envergure capables de secourir les assiégés."
(extrait de "Sevi-Sorru Cruzzini-Cinarca, Découvrir le patrimoine bâti", CRDP de Corse).
Le plus proche de POGGIOLO est le Fort de ZURLINA qui est le seul témoignage archéologique de cette époque dans notre micro-région.
Son fondateur est Rinuccio della Rocca, cousin du fameux GIAN PAOLO, qui fortifie un mamelon rocheux au-dessus de Murzo fin 1487- début 1488,
Il occupe une position stratégique sur la route de Vico à Guagno, entre MURZO et le col de SORRU.
Les ruines de Zurlina: photo de Philippe Franceschetti (août 2011)
La Zurlina dans la guerre de 1488-1489
En 1488, Rinuccio se joint à Giovan Paolo qui revient en Corse pour détruire le joug ligure. Les deux cousins assiègent le château de Cinarca dans lequel le Génois Ambroggio de Negri est en mauvaise posture après la défaite à Bocognano d'une armée de secours.
L'arrivée de nouveaux renforts commandés par Filippino de Fieschi contraint Rinuccio à se réfugier dans la place de la Zurlina. Rinuccio résiste bien au siège. Il a une vingtaine de soldats avec lui, des provisions et une fontaine (qui gèle en hiver). L'édifice est de petite taille (une douzaine de mètres de haut), sur deux niveaux, surmonté de deux terrasses, avec aussi deux tours. Et, surtout, le lieu est sur une hauteur inaccessible aux assaillants.
C'est alors qu'un événement va changer la donne: le castellu de Foce d'Orto, au-dessus de Piana, où s'était réfugiée une partie des familles des deux seigneurs, tombe aux mains des Génois commandés par Filippino de Fieschi. Giovan Paolo doit lever le siège de Cinarca et se met à parcourir le pays avec ses partisans.
Mais, isolé et découragé par la perte de Foce d'Orto, Rinuccio est trompé par la promesse de Fieschi de lui permettre de retrouver son fils Francesco, prisonnier des Génois. Rinuccio quitte Zurlina le 29 avril mais, dès son arrivée à Vico, il est capturé par Fieschi qui l'envoie à Gênes où il meurt.
Sans cette ruse, les assiégeants auraient dû abandonner car il ne leur restait que 100 mines de grains, soit dix jours de vivres, d'après une lettre d'Ambroggio de Negri copiée dans l'article sur les archives de la Banque de St Georges publié dans "Corse historique" (1er et 2ème trimestres 1962). De plus, il semble que les villageois de Murzo avaient de grandes réticences à obéir aux réquisitions génoises.
La Zurlina
génoise
Ensuite, les Génois utilisent quelque temps le fort.
Ainsi, en 1490, le Commissaire Raffaele de ODONO écrit qu'il est nécessaire de construire une citerne d'eau. A ce moment, la garnison de la Zurlina n'a qu'une demi-douzaine de soldats, sous la direction d'un "castellano".
En 1493, le fort est confié à un pievan de COGGIA pro-génois. Il est réparé et réarmé en 1494 et sert de dernière défense à Giovan Paolo en 1501.
En 1502, l'armement se compose de:
- une bombarde et une escopette (arme à feu à canon évasé) de bronze
- deux nouvelles escopettes (de fer et de bronze)
- un fauconneau (bombarde allongée)
- huit balistes ou arbalètes
- cinq pertuisanes (grande lances)
(d'après "Etude des inventaires des châteaux de Cinarca" par Antoine-Marie GRAZIANI, dans "Patrimoine d'une
île", 1995).
Mais entre 1530 et 1533, le fort est mal en point par manque d'entretien et il finit par être totalement abandonné.
La Zurlina a vécu.
(à suivre)