La loi du 28 février dernier instaure le 11 Novembre, jour de l'armistice de 1918, comme une journée "en hommage à tous les morts pour la France". Il précise que cet hommage "ne se substitue pas aux autres journées de commémorations nationales". Le 8 mai reste l'anniversaire de la capitulation allemande de 1945. Pour le 8 mai de cette année, nous reproduisons un témoignage de guerre de Mimi CANALE.
Mimi a été facteur et épicier à Guagno-les-Bains. Sur la place qui est devant son ancien magasin (qui a été le dernier commerce de notre commune), on peut encore voir Mimi jouer aux boules chaque fin de journée, à la belle saison.
En décembre 2007, "L'Info U Pighjolu" avait publié ce souvenir de Mimi CANALE sur sa campagne d'Italie.
Mon régiment, le 1" R.T.A descend en repos aux environ de Naples. On installe le bivouac dans une
forêt de châtaigniers à proximité d'un gros village «ROCCAMONFINA». En Italie, c'est la grande famine. Pourtant, les magasins regorgent de marchandises. Mais la population manque de moyens et la
prostitution se développe à grande échelle. Bien sûr, les gens du village, jeunes et moins jeunes, viennent «quémander» quelques boites de conserve, chocolat, cigarettes, etc.
Parmi eux, je remarque une dame d'un certain âge, toute de noire vêtue, avec un foulard sur la tête «un mezzaro» comme portent toutes nos vieilles mamans en Corse. Je m'approche d'elle et là, j'ai un grand choc... En face de moi, j'ai l'impression de voir ma mère. Je lui adresse la parole et immédiatement nous sympathisons. Je m'empresse de lui donner quelques boîtes de conserve. Elle me demande de l'accompagner chez elle. Elle me fait visiter sa modeste demeure et me raconte un peu sa vie. J'apprends ainsi qu'elle est veuve, qu'elle vit seule. Sa fille est professeur à Rome et a deux enfants que, malheureusement elle ne connaît pas. Depuis le début de la guerre, elle n'a plus aucune nouvelle de sa famille. Pour ma part, j'ai encore mes parents, mais il est inutile de vous dire qu'ils se font beaucoup de soucis. Nous sommes six frères dans l'armée. Pendant encore quelques temps, je continue de rendre visite à la vieille dame.
Un jour, je suis convoqué au P.C du régiment. Je dois me rendre à Rome avec ma jeep pour y conduire deux officiers supérieurs et rester à leur disposition. Je les contacte et prends rendez-vous avec eux. Après avoir fixé le jour du départ, je vais voir la vieille dame pour lui signifier mon départ. Je lui demande l'adresse de sa fille. Elle me remet un paquet. J'ignore ce qu'il y a à l'intérieur ... sûrement une lettre. Me voici rendu à destination. Mes supérieurs me donnent « quartier libre ». Je dois venir les récupérer quelques jours plus tard. Je suis logé et nourri par l'armée. Elle fait bien les choses. Le seul problème, je ne sais pas où laisser la voiture durant la nuit.
Fort heureusement, à proximité du «mess» des sous-officiers, il y a un couvent de religieuses.
Parmi elles, certaines parlent français. La mère supérieure, très aimable, me confie la clé de la cour afin que je puisse garer ma voiture. Un problème de régler. Je décide de me mettre à la
recherche du professeur... La tache est difficile car Rome n'est pas Ajaccio ... Je m'entoure de deux jeunes Italiens ... Nous voilà partis à l'aventure dans cette grande cité.
Après plusieurs tours et détours, nous voilà à l'adresse indiquée. Pendant que mes deux jeunes
guides montent la garde près de la voiture, je frappe à la porte...
Une dame très distinguée m'ouvre. Elle est très impressionnée à la vue d'un militaire... Je la rassure, lui remet le petit paquet après lui avoir expliqué que je viens de la part de sa maman.
Bien sûr, il y a une lettre... Fébrilement, elle la lit devant moi ... puis les larmes aux yeux, elle m'embrasse. Auprès d'elle, il y a ses deux petits garçons... Alors, à son tour, elle me remet
une longue lettre, quelques photos de ses enfants.
De retour au bivouac, je m'empresse de rejoindre la vieille dame afin de lui remettre la missive
de sa fille. Elle prend connaissance de la lettre qui lui est adressée, elle s'effondre en larmes... Puis, en faisant le signe de la croix,... elle se jette dans mes bras en me disant «
que Dieu vous protège » ...
Je crois bien que son vœu a été exaucé puisque j'ai continué toute la campagne «France Allemagne
Autriche»... et me voilà toujours en vie.