Mais quels sont ces noms et quels sont les êtres cachés derrière?
Il est possible de le savoir en utilisant l'excellent et méticuleux travail de Pierre LECCIA, et en le croisant avec les fiches des Morts pour la France (publiées par le Ministère de la Défense sur son site SGA/Mémoire des hommes) et avec la liste étudiée par Ours Jean CAPOROSSI.
La tache est difficile car, selon les sources, les prénoms ne sont pas les mêmes et certaines fiches sont incomplètes. Ainsi, sur le monument, sont inscrits deux DEMARTINI François alors que le Ministère nous apprend que l'un était Antoine François et l'autre Dominique François. Cinq autres ont des différences de prénom sur les fiches ministérielles.
LEURS NOMS:
Ils montrent que pratiquement toutes les familles du village ont été touchées et même décimées.
6 sont des DESANTI (dont deux fois deux frères),
6 des MARTINI, 5 des PINELLI (dont un père et son fils),
4 des DEMARTINI.
Sont représentées chacune par un seul nom: ANTONINI, BALDARESCHI, BATTESTI, COLONNA, FRANCESCHETTI, LOVICHI, PAOLI, PATACHINI (dont la véritable orthographe est PATACCHINI) et VINCIGUERRA.
Tous étaient Poggiolais mais sans être tous natifs du village.
Damien BALDARESCHI est plus précisément né à Guagno-les-Bains.
Trois étaient nés dans d’autres localités corses : Pierre Toussaint Antonini et Pierre François Battesti à Guagno, Jean Antoine Martin Desanti à Eccica Suarella, Jean André Patacchini à Pastriciola, François Pinelli à Ajaccio.
Deux étaient natifs d’Algérie : Jean Ary Lovichi de Constantine, Noël Martini de Sétif.
Deux avaient ouvert les yeux sur le continent : à Marseille pour François Antoine Paoli et à Paris pour Jean Dominique Martini.
L'ÂGE DE LEUR DÉCÈS?
Sur les 27 dont on connaît le renseignement, la moyenne est de 28 ans et demi. Âge élevé alors que le service militaire se faisait à 20 ans. De plus, 7 sont décédés en ayant dépassé 30 ans. Il faut donc en déduire que plusieurs s'étaient engagés bien avant la déclaration de guerre.
Le plus vieux fut Antoine François FRANCESCHETTI, né le 10 janvier 1857 à Poggiolo et mort le 5 février 1917 en son domicile de Lyon (donc à 60 ans).
Né le 10 février 1897, c'est à 20 ans et 3 mois, le 23 mai 1917, que mourut Franco Antoine COLONNA (prénommé seulement Franco sur le monument), dans une ambulance qui l'emmenait à St Hilaire-au-Temple (Marne), le plus jeune des morts du village.
QUELS GRADES AVAIENT-ILS ATTEINT?
Sur le monument, on peut compter 9 soldats, 5 sergents-majors, 4 sergents, 2 sous-lieutenants (mais en réalité l'un d'eux était aspirant), 2 lieutenants, 2 adjudants, 2 maréchaux des logis, 2 capitaines, 1 caporal, 1 brigadier.
Certains grades atteints montrent, comme les âges, que plusieurs étaient bien des militaires professionnels.
Les deux plus haut gradés (les capitaines) sont Antoine François FRANCESCHETTI et Baptiste PINELLLI.
OÙ S'ACHEVA LEUR VIE?
En dehors de ceux qui disparurent dans les tranchées du Nord-Est de la France,
2 furent victimes de la stupide expédition des Dardanelles en Turquie,
1 mourut sur un bateau qui le ramenait de Salonique
et 1 autre en Serbie.
4 expirèrent loin du front, des suites de leurs blessures ou de maladies contractées sur le front: 1 à Fez, 1 à St-Didier (Vaucluse), 1 à Guagno et 1 à Lyon.
OÙ REPOSENT-ILS?
Un examen des tombes du cimetière de Poggiolo permettrait de savoir qui a été vraiment enterré ici.
En attendant, il peut être certain que DESANTI François Antoine et DESANTI Jacques Antoine (prénommé seulement Jacques sur le monument) n'y sont pas car ils ont été déclarés "disparus" lors de combats dans la Meuse (à Béthincourt et à Vauquois).
COLONNA Franco Antoine est enterré dans la nécropole nationale de Somme-Suippe qui regroupe 4950 corps français.
Les restes de PINELLI Dominique Félix se trouvent dans le cimetière militaire de Flirey (Meurthe-et-Moselle) (tombe n° 118) avec ceux de 4.406 victimes de la guerre.
Beaucoup plus loin, c'est en Macédoine, à Skopje, au cimetière militaire français (voir la vidéo ci-dessous), dans la tombe n° 531, que repose DESANTI Dominique Xavier (dit seulement Dominique sur le monument), mort à Zajeca en Serbie.
QUELQUES PARTICULARITÉS
- Le premier tué: Jean Toussaint MARTINI, le 19 septembre 1914 (il en sera question dans le prochain article de ce blog).
- La dernière victime: Dominique Xavier DESANTI décédé le 13 décembre 1918, un mois après l'armistice, de maladie contractée en service.
- Le plus décoré: Antoine François FRANCESCHETTI qui eut la Médaille Militaire, la Croix de Guerre et la Légion d'Honneur.
- La double reconnaissance:
Pierre Toussaint ANTONINI est mentionné sur le monument aux morts de Guagno.
François DEMARTINI est également inscrit sur le monument de Soccia.
Jean André PATACCHINI se trouve aussi sur celui de Pastricciolla.
Damien BALDARESCHI est nommé sur le "Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur" concernant la commune de Zalana.
Ils étaient trente Poggiolais qui connurent les souffrances et le destin des 11.325 Corses tués par la Grande Guerre.
P.S.: si vous avez des renseignements complémentaires, ils pourrront être publiés dans ce blog. Si vous constatez des erreurs dans cet article, n'hésitez pas à nous les signaler.