Un petit avis "In Memoriam" paru dans "Corse-Matin" dimanche 12 décembre rappelle que, voici maintenant exactement trois ans, les Poggiolais et les Socciais ont perdu une personne importante, et même une personnalité: Joseph ANTONINI.
Dans le numéro 11 du journal "L'info U Pighjolu", Hélène Dubreuil lui avait rendu un bel
hommage que nous reproduisons maintenant.
--------------------
En ce 19 décembre 2007, il y avait beaucoup de monde en l'église de SOCCIA comme
il y avait aussi beaucoup de personnes du canton à la
levée du corps à Ajaccio, pour saluer et manifester une dernière fois son affection à Monsieur Joseph ANTONINI.
Il faisait beau, le soleil brillait sur le village et, du coup, cette cérémonie alliait mélancolie et
sérénité. L'ardeur du soleil et ses rayons nous renvoyaient à l'œil pétillant de Jojo, car c'est ainsi que, tous, nous l'appelions.
C'est le maître d'école que je souhaite évoquer.
Dans le canton, comme à Ajaccio, nous étions nombreux encore, ses anciens élèves à garder le souvenir d'un
maître attentif et enjoué. Il est l'un des derniers enseignants à avoir exercé à POGGIOLO (1) et j'ai eu la grande chance d'avoir été son
élève. Ce fut mon Maître d'école. Il menait avec intelligence et fermeté la classe unique où nous étions une dizaine de 6 à 14 ans, filles et garçons mélangés. Attentif à tous et à toutes, il
nous a appris à lire, écrire et compter. Il nous a ouvert l'esprit, nous a appris à penser et à parler dans une langue qui, pour la plupart, n'était pas leur langue maternelle. En fait, à devenir
les hommes et les femmes que nous sommes aujourd'hui. Il conduisait avec fermeté et vigueur
les candidats au «Certificat d'études». Je le vois encore brandissant, à la fenêtre du car de DUMENICU-ANTONE, les parchemins des lauréats...
« Tous reçus! » nous criait-il, rouge de bonheur et de fierté, à nous les plus jeunes, qui avions
attendu leur retour de Vico, dans la plus grande anxiété.
Il y a plus de cinquante ans, ce n'était pas une mince affaire que de descendre à Vico! Les distances et
le temps n'ont pas aujourd'hui les mêmes valeurs et puis personne, ou presque, n'avait de voiture. Prendre le car de DUMENICU-ANTONE, c'était partir pour une franche aventure. Je me
souviens de tous ces après-midi où, sagement assis en rang d'oignons sur le mur du « LUCCIU », à la fontaine, nous attendions de le voir paraître surgissant sur sa moto flamboyante, tel un
destrier de l'apocalypse.
Nous étions en plein « Cinéma Paradiso ».
Jojo ANTONINI à Paris
Et puis, au printemps, toute la classe partait herboriser dans le maquis. On découvrait les
abeilles, les fleurs, les oiseaux et la rivière dormante. C'était un bonheur d'enfance qui m'a porté toute ma vie. C'est pour cela que j'ai voulu revenir vivre en Corse, ici, au village. C'est
pour cela que j'ai voulu que mes propres enfants connaissent et fréquentent, eux aussi, les écoles rurales du canton de SOCCIA et SAGONE. Ces expériences-là, c'est du bonheur que l'on
emmagasine pour toute la vie !
Jojo, c'était un maître d'école d'un autre temps, un de ses «Hussards de la République» qui ont
permis au pays de se construire. C'est le témoin d'une époque désormais révolue, et nous sommes nombreux à garder son souvenir dans notre cœur et notre esprit.
... "Un ci scurdaremu mai di tè, o Jojo, i to sculari ti ringrazianu di tuttu ci o chi tù ai fattu."
sa dernière photo (juillet 2007)
(1) Jojo fut l'instituteur de Poggiolo
entre 1945 et 1954. L'école ferma à l'été 1965.