Les récentes élections territoriales ont manqué de ce qui faisait le sel des traditions politiques corses, à
savoir les contestations des résultats. Il y en eut très souvent, y compris à Sorrù in Sù, voici plus de deux siècles.
Pendant la Révolution Française, les excès de la Convention avaient poussé Pascal PAOLI à demander l'aide anglaise. Il en résulta que la Corse fut associée au
royaume d'Angleterre pendant près de deux ans.
La Constitution du royaume anglo-corse fut adoptée par la Consulte du 19 juin 1794 qui réunissait les représentants de chaque communauté urbaine et villageoise
(Anton Domenico DEFRANCHI pour Soccia, Francesco
Antonio MASSIMI pour Orto et Gio: Antonio PINELLI pour Poggiolo). Elle prévoyait un Parlement composé de deux
députés par piève.
Le Titre II de la Constitution précisait que, pour être électeur, il fallait avoir 25 ans, être domicilié depuis au moins un an dans la piève et être propriétaire.
Pour être député, on devait également posséder au moins 6.000 livres de biens-fonds (biens immeubles) dans la piève.
L'abbé LETTERON ayant publié les "Procès-verbaux des séances du Parlement anglo-corse" (tous écrits en italien) en 1891, nous sommes bien renseignés sur ce
qui s'y passa.
Ce Parlement se réunit le 7 février 1795 à Bastia et créa le 17 février un "comitato de verificazione de'poteri" pour régler les contentieux électoraux. Ce comité
avait en son sein un représentant de chacune des neuf juridictions. Mais il fut immédiatement paralysé par la contestation de l'élection de Giovanni STEFANOPOLI, originaire de Cargese, pour la
juridiction de Vico. Il fut remplacé par Durabile Maria COLONNA CECCALDI (de la piève de Sevidentro) le 27 février. La juridiction de Vico regroupait les pièves de Cruzini, Sorroingiù,
Sevinfuori, Sevidentro et de Sorroinsù (orthographe de l'époque).
Dès le 28 février, une des premières affaires examinées par le comité fut le recours intenté par Francesco Antonio MASSIMI (celui qui représentait Orto en juin 1794) contre l'élection de
Francesco FRANCESCHETTI et de Filippo LECA pour représenter Sorroinsù. Le mémoire, présenté par le fils mineur (ayant donc moins de 25 ans) du contestataire, avançait que le vote ne s'était
pas tenu au lieu habituel, que les habitants de Soccia n'avaient pas pu voter dans les règles car ils n'avaient pas été convoqués, que LECA n'avait pas la fortune nécessaire pour être élu et que
Francesco FRANCESCHETTI n'avait pas eu la majorité des voix.
Les armoiries du royaume anglo-corse
Le recours fut facilement repoussé pour différentes raisons:
- Tout d'abord, rien ne prouvait que MASSIMI père ait bien donné mandat à son fils pour le présenter.
- Francesco Antonio MASSIMI ayant, lors de l'élection, donné sa voix à LECA, il ne pouvait ensuite prétendre que ce candidat n'était pas
éligible.
- Certains documents fournis se contredisaient et étaient démentis par le procès-verbal officiel de la municipalité poggiolaise et du Podestà.
- "Enfin, les assemblées de la piève de Sorroinsù ont été toujours tenues à Poggiolo, comme lieu central, et en ont été produites les plus authentiques
justifications."
La Chambre entérina sans problème la recommandation du Comité et notre piève put être ainsi représentée sans problème par Francesco FRANCESCHETTI et Filippo LECA tout le temps que dura le royaume anglo-corse.
Mais d'autres contestations furent plus violentes et même, un siècle plus tard, particulièrement sanglantes. Ce sera l'objet d'un prochain article.