La lutte entre François COTY et Jean-François GALLINI, par CHIAPPINI et CECCALDI interposés, devait être tranchée le dimanche 11 septembre 1921 par les électeurs du canton de SOCCIA. Le verdict fut sans appel.
Sur 801 inscrits, 452 électeurs allèrent voter. COTY fut élu sans difficulté par 282 voix contre 170 à Jean-François CECCALDI, soit 62,38%:
- GUAGNO: 98 voix (64%) contre 55
- ORTO: 47 (87%) contre 7
- SOCCIA: 111 (74,5%) contre 38
Seul, POGGIOLO se singularisa en ne lui attribuant que 26 voix (30,23%) contre 70 au maire du village.
Dans le canton voisin de VICO:
Inscrits: 1.877 - Votants: 945 - Exprimés: 940 -
Le docteur CHIAPPINI l'emporta facilement avec 873 voix. GALLINI, non officiellement candidat, en eut 50.
Ces deux élections étaient bien liées et les deux vainqueurs assistèrent ensemble à la proclamation des résultats à VICO, puis à SOCCIA.
"L'EVEIL DE LA CORSE" du 13 septembre eut raison d'écrire que cette élection "avait pris les proportions d'une consultation législative". D'ailleurs, la fête qui suivit le démontra: elle fut organisée à SOCCIA mais aussi en dehors des deux cantons, dans les rues d'AJACCIO, le 13 septembre.
LA DÉROUTE IMPÉRIALE
Le quotidien "cotyste" revint plusieurs fois sur cette élection. Le 21 septembre, il publia un article se voulant humoristique intitulé "La déroute impériale" qui utilisait des références napoléoniennes et militaires:
"La bataille dirigée par l'Empereur du Sahel, en personne, a été acharnée, terrible, décisive. Les troupes de terre étaient au commandement direct de Sa Majesté; l'armée de mer obéissait à l'amiral Landry; le service général de santé était dirigé par M. le docteur Sari (...)
Prenant une résolution dont seuls sont capables les hommes de génie, Sa Majesté, si malade à Vico, trouve néanmoins assez d'énergie pour monter dans un tank et franchir le col de Sorro. Aussitôt arrivée sur les lieux, elle prend le commandement des troupes. Peine perdue! Guagno résiste, Orto est immuable et Soccia devient terrible. Seul au centre Poggiolo est conquis. Le quartier impérial y est transporté. C'est là qu'arrivent les nouvelles. (...)
Mais bientôt les illusions tombent. Le 10 septembre, au simple contact de son adversaire, l'Empereur, décontenancé, s'enfuit au Palais de Nesa."
Le reste est à l'avenant.
UN MANDAT SÉNATORIAL ÉCOURTÉ
Jean-François GALLINI fut fortement marqué par cette défaite. Les articles de "L'Eveil de la Corse" font plusieurs fois allusion à sa santé chancelante. Il décéda finalement en Tunisie le 20 avril 1923.
François COTY se porta immédiatement candidat pour remplacer enfin son vieil ennemi au Sénat. Il y mit les moyens. La campagne lui coûta 1.800.000 Francs de l'époque.
Le scrutin se déroula le 8 juillet 1923 en Corse. François COTY fut proclamé vainqueur au premier tour de scrutin, par 397 voix contre 391 à Adolphe LANDRY, sur 788 votants. Mais l'élection fut contestée par LANDRY qui reprochait à son concurrent:
- d'avoir fait annuler les suffrages de certains délégués sénatoriaux, parce que ceux-ci étaient inéligibles,
- des faits de corruption individuelle et de corruption collective,
- et enfin l'intervention, dans la campagne électorale, du contumace ROMANETTI.
Nonce ROMANETTI, né à CALCATOGGIO, caché au maquis depuis 1914, prétendait contrôler toute la Cinarca, y compris la vie politique.
La discussion eut lieu à la séance du Sénat du 10 avril 1924, en l'absence de François COTY malade, et les opérations électorales furent annulées.
Le parfumeur ne se représenta pas, renonçant définitivement à la Haute Assemblée. Le 29 juin 1924, LANDRY put faire élire Joseph GIORDAN, archétype du système clanique de l'époque.
LA RECONNAISSANCE AJACCIENNE
COTY se contenta ensuite de financer le parti bonapartiste qui reprit la mairie d'Ajaccio aux républicains en 1925 et la garda aux élections de 1929. En remerciement, Dominique PAOLI fit élire, à l'occasion d'une partielle, COTY conseiller municipal le 10 janvier 1931 (avec 2086 voix sur 2539) puis maire le 25.
Comme l'a écrit Ghislaine SICARD-PICCHIOTTINO, dans son livre "François Coty, un industriel corse sous la Troisième République", "François venait chercher en Corse l'estime et la reconnaissance de ceux qui l'avaient naguère rejeté". Il trouvait enfin cette consécration tant désirée.
Il vint ceindre l'écharpe tricolore dans la cité impériale (sur la photo, il tient un cartable à la main) puis rentra à Paris... et ne remit plus jamais les pieds en Corse.
Ses dépenses politiques avaient été importantes. Il fut également ruiné par la crise économique de 1929 et par son difficile divorce. Comme l'analyse l'auteur déjà cité, "Il restera en Corse un grand, très grand mécène, dépensant sans compter pour un pays dont il est originaire mais où il a compris avec douleur que, depuis son premier départ, il demeurerait un étranger, condamné à chercher un avenir ailleurs; et ses milliards ne peuvent et ne pourront rien y changer".
Décédé le 28 juillet 1934, François COTY ne fut inhumé à Ajaccio que le 7 juin 1968.
PS1: la société des parfums COTY est toujours une énorme société détentrice de nombreux parfums de différents noms. Son site (en anglais) fait toujours référence à son créateur.
PS 2: plusieurs ouvrages, très inégaux, existent sur François COTY. Olivier BARROT, dans "Un livre par jour " sur France 3, en a présenté un. Cliquez ICI.
PS 3: de très nombreux sites internet mentionnent François COTY.
Parmi les nombreuses dépenses réalisées en Corse, COTY donna des subventions pour l'érection d'une soixantaine de monuments aux morts. Ceux de Sorru in Sù sont-ils concernés? Une recherche parmi les archives municipales serait très utile.