La devinette du mois portait sur l'aspect physique de Jésus et plus précisément sur sa couleur de peau.
A Poggiolo, il existe un élément important concernant le possible aspect physique du Christ.
En entrant dans l'église Saint Siméon, la première chapelle de droite abrite une peinture à huile sur bois de grandes dimensions. Elle représente une descente de croix ou plus exactement la déposition du Christ.
Le corps supplicié posé sur le sol a bien la peau noire tout en étant de type européen. Ce noir, ou plutôt ce gris très foncé, renforce l'impression que la vie est partie et que la pourriture commence.
Sept autres personnages sont sur ce tableau, quatre femmes et trois hommes. Aucun n'est noir. Selon la tradition, les hommes sont Joseph d'Arimathie et Nicodème qui sont debout et l'apôtre Jean qui tient le cadavre par les épaules.
Parmi les femmes, Marie, la tête nimbée, a les mains jointes près de son fils. La femme dont on ne voit pratiquement que l'abondante chevelure est Marie-Madeleine. Ses cheveux sont dénoués en signe de repentir de la pécheresse. Les deux autres devraient être Marie Salomé, mère de Jean, et Marie Jacobé, mère de Jacques.
Cette peinture très originale est signée, datée et même localisée par une inscription visible dans le coin inférieur droit:
D. Maestracci
Occhiatana 1939
Ce tableau a été installé dans l'église paroissiale de Poggiolo peu de temps avant la déclaration de guerre de 1939. Il avait été peint à Occhiatana, en Balagne, près de L'Ile-Rousse, village où vivait le peintre Damaso MAESTRACCI.
Damaso MAESTRACCI naquit à Occhiatana en 1888 et y décéda en 1976,
Après avoir participé à la Grande Guerre, il s'inscrivit en 1921 aux Beaux-Arts de Marseille et en obtint le premier prix. Comme l'écrit Julia TRISTANI,
"il présente un profil d'artiste-artisan unique en Corse. Il est le premier sculpteur à introduire et à multiplier dans l'île des œuvres réalisées en plâtre, en ciment, voire en béton armé, reproduisant les techniques des rocailleurs de Provence qu'il côtoie à Bargemon, dans le Var, d'où est originaire son épouse (Apollonie)" ("Vico Sagone, Regards sur une terre et des hommes", page 573).
Il était donc beaucoup plus sculpteur que peintre.
Quand il se retira dans son village natal, il dirigea un atelier de statues et de bas-reliefs religieux, véritable entreprise dénommée "L'art religieux".
MAESTRACCI fit partie du grand mouvement de renaissance artistique que connut la Corse entre les deux guerres mondiales et qui fut illustré par la revue "A Muvra". Il fit paraître de nombreux placards publicitaires dans cette revue. Par contre, au contraire de certains rédacteurs de celle-ci, il ne fut pas tenté par l'irrédentisme italien, tout en étant un fervent partisan du régime de Vichy.
Sa notoriété était grande et il n'hésitait pas à répondre à de nombreuses commandes publiques et privées. Ses productions se trouvent dans toute la Corse, comme le montre cette carte:
Les détails sont disponibles en cliquant ici.
L'article de Julia TRISTANI cité plus haut donne la liste des réalisations de Damaso MAESTRACCI à Vico:
- statue de la Vierge de Lourdes (couvent)
- statue du Père ALBINI (au couvent)
- Ste Thérèse d'Avila (bas-relief installé dans l'église paroissiale en 1939)
- chemin de croix (église paroissiale Ste Marie), bas-relief monumental béni en 1941 et enlevé dans les années 1980 à cause de la dégradation du plâtre
- reproduction de la grotte de Notre-Dame de Lourdes, installée près du couvent St François en 1938
- tombeau du chanoine FRANCHI (cimetière communal)
- vase décoratif à l'entrée du cimetière
- buste en bronze de l'ancien maire François PADRONA, mort en 1938; réquisitionné et fondu par l'armée italienne en 1942, il en reste toujours la base sur la place PADRONA.
Il faut y ajouter, tout près de Vico, le chemin de croix de l'église d'Arbori et, bien sûr, le tableau de Poggiolo.
Les réalisations effectuées dans les Deux Sorru datent des années 1938 à 1941, créneau dans lequel s'insère parfaitement le tableau de St Siméon.
Poggiolo a donc la double particularité de posséder une des rares peintures de Damaso MAESTRACCI et, surtout, de montrer que le Christ était noir.
Une vidéo:
une conférence de Julia TRISTANI sur le sculpteur MAESTRACCI est disponible sur le site de TéléPaese en cliquant ICI.
Lectures conseillées:
"La commande publique et religieuse au sculpteur Damaso Maestracci: le cas de Vico" ("Vico Sagone, Regards sur une terre et des hommes", pages 572 à 576, ed. Alain Piazzola)
"La maison du sculpteur corse Damaso Maestracci, entre lieu de mémoire et demeure d’artiste", article disponible sur internet: https://insitu.revues.org/13438
"Les rocailles, une architecture oubliée", excellente présentation des rocailles de Marseille et notamment du quartier du Roucas-Blanc, par Yves GAUTHEY (ed. Mémoires millénaires)
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