Une grossière erreur d’altitude de l’établissement thermal de Guagno-les-Bains était inscrite dans un dessin publicitaire de 1926 présenté par Frédéric BLANC. L’article "Publicité mensongère à Guagno-les-Bains" l’avait dévoilée. Mais est-elle le seul exemple de transformation de la réalité de ce bâtiment ?
Utilisons la planche de quatre gravures prêtée par Hervé CALDERONI et qui a servi dans deux articles de ce blog pour ses représentations des lacs de Ninu et de Creno (voir l’article "Le paysage mystérieux : la solution"). Elle était extraite de l’«Histoire illustrée de la Corse, contenant environ 300 dessins représentant divers sujets», livre écrit entre 1836 et 1841 par l’abbé Jean-Ange GALLETTI (1804-1866) et publié en 1863. Le bâtiment des Bains était également dessiné.La signature J. P. (en bas à gauche) prouve que l’auteur en est Jeanne PETIT-JEAN qui aida l’abbé GALLETTI à illustrer son livre.
Dans les deux images, celle de 1863 et celle de 1926, l’établissement thermal a bien la forme d’un U séparé de la route par un petit mur. Il résulte de l’agrandissement du bâtiment primitif décidé par le conseil général en 1838 et approuvé par le roi Louis-Philippe qui déclara en 1840 d’utilité publique les travaux qui ne commencèrent qu’en 1845 et durèrent une dizaine d’années.
Jean de la ROCCA dans «La Corse et son avenir» publié en 1857 fournit une description précise :
« L’aile gauche est occupée par des piscines destinées aux militaires (…).
L’aile droite est destinée aux malades civils.
Le bâtiment du milieu se compose de deux grands réservoirs alimentés par la source principale (…).
L’établissement civil forme le premier étage de l’étabissement thermal. Il se compose d’une soixantaine de chambres meublées très convenablement, de salons de réception et autres. »
La gravure de Jeanne PETIT-JEAN est bien conforme à ce texte. Mais, dans une brochure intitulée «Bains de Guagno», publiée en 1851 et rééditée en 2004 par les Editions Lacour, Jean de La Rocca avait précisé que l’établissement «est fermé par le moyen d’une grille qui joint ces deux ailes; au milieu de la grille est la grande porte d’entrée». Il ne la mentionne pas en 1857. On peut supposer que le muret a été construit entre ces deux dates.
Une bizarrerie est visible sur le dessin du livre de l’abbé GALLETTI: l’aile de droite comporte une porte au rez-de-chaussée et deux niveaux de fenêtres alors que le bâtiment n’a qu’un étage. Erreur de l’artiste ?
Trois critiques principales peuvent être formulées à cette œuvre :
- L’aile gauche est flanquée de deux constructions qui, à notre connaissance, n’existent dans aucun autre document.
- La route reliant les thermes à l’hôpital militaire est double et très courte. Or, entre les deux lieux, la pente est beaucoup trop forte pour se promener comme les personnages dessinés.
- Les montagnes de l’arrière-plan sont bien plus raides et déchiquetées que la réalité.
Sur ce dernier point, la représentation de 1926 est bien plus conforme à la réalité. L’illustrateur de «La Corse touristique» a peut-être utilisé une photo ou une des cartes postales qui étaient alors très nombreuses.
Cette version de 1926 montre que le muret bordant la route est constitué de balustres avec une grande inscription «Gd Hôtel de l’Etablissement de Guagno-les-Bains». Ces modifications ont dû être réalisées pendant la «Belle Epoque», avant la première guerre mondiale, ainsi que le second étage qui rehausse le bâtiment central et qui contenait une salle à manger, une pièce banalisée et une cuisine.
L’image ci-dessous permet de mieux distinguer ces éléments.
Mais, dans la carte postale ci-dessous, le muret n’est pas surmonté d’une véritable balustrade en pierre. D’autre part, l’inscription contient l’adjectif «thermal» après «établissement».
La cour est plus agréable qu’en 1863 avec la présence d’un bassin, de deux arbres et de plusieurs arbustes. Mais la végétation était en réalité bien plus touffue comme le montrent les vues de l’époque.
Les modifications de l’établissement thermal de Guagno-les-Bains ont été nombreuses et il est difficile de bien les connaître avant l’utilisation de la photographie. Les travaux de 1973 ont de nouveau modifié le muret et ordonné la végétation.
Malheureusement, plus rien ne se passe depuis la fermeture de ses activités, et c’est bien dommage.
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