Si l’assassinat de 1634 à Saint Siméon fut un moment particulièrement tragique de l’histoire de Poggiolo, une autre mort violente eut lieu au début du XXe siècle, cette fois pour faire triompher la loi et l’ordre. Le sang coula en 1909 à Guagno-les-Bains mais pour venger un meurtre de gendarme commis à Soccia.
La scène est racontée, avec un style un peu particulier, dans le quotidien « Le Matin » du 8 janvier 1909.
On peut remarquer que le lieu de l’affrontement est appelé «Bains» au lieu de «Guagno-les-Bains». Il semble qu’il se soit passé tout près du pont de Caldane.
Pour comprendre toute l’affaire, nous pouvons reprendre l’article paru sur ce blog le 28 mai 2011 sous le titre «La revanche des gendarmes».
Le meurtre de deux gendarmes à Soccia en 1892 (par un groupe de Guagnais mécontents des résultats d'une élection; voir l'article: Les Mexicains arrivent (première partie)) avait eu un grand retentissement.
Mais, en 1909, un autre gendarme mourut à coup de fusil et un autre était grièvement blessé. Seulement, dans ce dernier cas, les représentants de la loi réussirent à faire justice eux-mêmes.
Cet épisode a été raconté par la véritable mémoire de Soccia qu'est Jean-Baptiste PAOLI dans sa publication "Histoire d'un petit village de montagne au cœur de la Corse du Sud".
A la fin de l'année 1908, durant la fête de clôture des élections pour le Conseil Général, SANTONI Jean, dit GIAVANNELLU, forgeron à Soccia, voulant prendre la défense de jeunes turbulents et bruyants que réprimandait le maréchal des logis Jean MICHEL, s'était querellé avec lui. Il avait même été chercher son fusil et aurait peut-être tiré si des gens du village ne s'étaient pas interposés. Le chef de brigade n'avait pas pris au sérieux les menaces de mort proférées à son encontre par SANTONI et pensait l'incident clos.
Le 2 janvier 1909, le maréchal des logis MICHEL et le gendarme LATOUR Marius Louis Toussaint, revenant d'une tournée fatigante, s'arrêtèrent (vers 19 heures) au café COLONNA (aujourd'hui Chez Carlo) pour se rafraîchir. Peu de temps après, un coup de fusil tiré de l'extérieur par la fenêtre du rez-de-chaussée, à quelques mètres de la table occupée par les gendarmes, atteignit le maréchal des logis qui se souleva de sa chaise et retomba sur le côté en portant la main à son visage en sang.
Le gendarme LATOUR se précipita au dehors revolver à la main. Il n'eut pas le temps de s'en servir. Une deuxième détonation retentit et LATOUR rentra aussitôt au café en se tenant le ventre. Il avait le pouce gauche labouré par des plombs et une blessure mortelle à la partie inférieure gauche du ventre. Il en mourut trois heures plus tard. Le maréchal des logis atteint par des chevrotines portait des blessures au visage, au poignet et surtout à l'épaule droite.
Le docteur CIPRIANI, médecin de la brigade et seul médecin dans les environs, prévenu, refusa de venir sur place à Soccia de nuit.
Le coupable était en fuite. Les gendarmes disponibles de la brigade arrivés peu après sur place partirent à sa recherche sitôt après avoir pansé leurs camarades. Ils ne purent retrouver sa trace. Les brigades voisines furent alertées.
Le 6 janvier, alors que le lieutenant SOULAIRE et son ordonnance, le gendarme SIMONPIERI, revenant des obsèques du gendarme LATOUR, rentraient à cheval sur VICO par les BAINS de GUAGNO, SANTONI, qui s'était embusqué derrière un tas de pierres un peu en contrebas de la route, tira sur eux deux coups de fusil. Repérant SANTONI dont la tête dépassait à peine du tas de pierres, le lieutenant tira vers lui deux coups de revolver, ce qui lui valut la réplique immédiate de celui-ci. Le gendarme SIMONPIERI courut en avant en tirant sur SANTONI qui disparut derrière le tas de pierres. Une balle entrée par le front lui avait traversé la tête.
En apprenant la mort de son frère GIAVANNELLU, l'abbé SANTONI, curé de Soccia, aurait dit: "Si ce sont les gendarmes qui l'ont tué, c'est bien; mais si ce ne sont pas eux, on réglera ça!".
Précisions supplémentaires :
Santoni ne mourut pas tout de suite mais à 3 heures du matin, dans la nuit du 8 au 9 janvier, en son domicile, d’après les registres d’état-civil de Soccia.
Le lieutenant SOULAIRE devint, le 9 mars 1909, chevalier de la Légion d’Honneur pour avoir, est-il écrit dans le décret : «fait preuve de courage et de sang-froid et a été blessé dans une lutte avec un dangereux bandit dont il a contribué à débarrasser le pays». Il finit sa vie comme officier de la Légion d’Honneur en 1968.
Le gendarme SIMONPIERI, qui avait pourtant abattu le bandit, n’eut pas droit à une telle récompense.
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