Les Russes blancs réfugiés en 1921 en Corse après la victoire communiste n’ont pas laissé beaucoup de traces. Peu d’entre eux ont fait souche dans l’île. Il ne reste plus de vestiges de leur village installé près de GUAGNO-LES-BAINS et qui était évoqué par l’article «Des Russes dans les Deux Sorru».
Pourtant, il est encore possible de voir des œuvres picturales de deux d’entre eux: Ivan CHOUPIK et Nicolas IVANOFF.
Une grande partie des renseignements cités ici est extraite des pages 37, 38 et 39 de «Patrimoine religieux de la communauté de Letia», publication éditée en 2012 par l’association Letia-Catena. Ces pages ont été reprises par le site http://www.kalinka-machja.com/
LA CARRIÈRE DE CHOUPIK
Ivan CHOUPIK , né en 1898 dans le village de Prokovskoïe, district de Zaporog, en Ukraine combattit dans l’armée WRANGEL et fit partie des émigrés du «RION» débarqués en Corse.
Voulant rester en Corse, il fut, avec une dizaine de compatriotes, engagé en 1921 comme journalier à LETIA par Minighella ARRIGHI, dite Paiona, pour entretenir des vignes et des oliveraies.
«Ces ouvriers se réunissaient régulièrement dans le café de la Murella, tenu par Jean Arrighi, dit Ghjuvani di Rosa. Ils étaient célibataires et festoyaient, en appréciant les alcools locaux qu’ils découvraient dans cet établissement où ils dansaient et chantaient régulièrement leurs airs traditionnels. La monnaie tsariste, dont ils n’étaient pas démunis, n’ayant plus cours et donc de valeur, ils en faisaient cadeau aux enfants de Cugugnana qui ont longtemps conservé le souvenir de billets de grande taille que les émigrés russes distribuaient libéralement, devant le café de la Murella.» («Patrimoine religieux de la communauté de Letia»)
Cette partie fait penser au témoignage de Mimi CANALE publié sur ce blog :
«une colonie de Russes Blancs s’est installée aux alentours de Guagno-les-Bains, ils ont construit un village en bois. Il y avait une boulangerie, une épicerie, un café.»
S’agit-il de deux groupes de Russes différents ou des mêmes hommes qui circulaient entre les deux villages qui ne sont pas si éloignés ?
Remarqué par sa patronne, Ivan CHOUPIK exécuta des tableaux de paysages. Puis, le conseil de fabrique de la paroisse de LETIA lui demanda de décorer l’église de San Roccu. En voyant le résultat, le curé de PALNECA lui commanda un travail pour son église. La carrière du nouveau peintre était lancée. Mais elle ne dura qu’une dizaine d’années.
Résidant souvent dans la ville impériale, CHOUPIK fit partie de l’école d’Ajaccio qui avait pour animateur BASSOUL, décorateur de l’église Saint Siméon de POGGIOLO.
Le style de CHOUPIK se rapprochait beaucoup des maîtres baroques du XVIIe siècle.
Il décora l’église d’Evisa en 1925, les deux églises de Cargese, celle de Pietranera en 1927, celles de Rosazia et de Salice en 1929, et aussi celle d’Appietto. Il signait souvent ses œuvres CHOUPIC.
Ayant obtenu la nationalité française en 1929, il voulut épouser une native de Letia mais sa religion orthodoxe était un obstacle pour les familles corses catholiques. Il partit s’installer en Tunisie, avec la famille ARRIGHI-RAGAZZACCI, et devint employé de l’administration. Il y épousa une jeune fille d’origine italienne ou maltaise dont il eut un fils Serge. Ivan CHOUPIK décéda à Tunis en 1941.
SOCCIA AVEC IVANOFF
Son talent se montra également à SOCCIA.
En effet, les comptes de la paroisse, analysés par Jean-Baptiste PAOLI, comportent parmi les dépenses la mention suivante :
«2 mai 1925: travaux de peinture confiés à peintres russes (YVANOV et CHOUPIK) - voûtes des chapelles latérales Annonciation et prédication de St Jean-Baptiste – 1.100 fr + 32 fr de fournitures ».
Nicolas IVANOFF
Le second restaurateur des fresques socciaises était aussi un passager du «Rion».
Nicolas IVANOFF (orthographe officielle) était ingénieur de profession. Il participa à l’équipe de BASSOUL qui décora l’église d’Ota. Il fut associé à CHOUPIK pour Evisa en 1925, puis la même année à SOCCIA, et ensuite pour les deux églises de Cargese. Il put se fixer en Corse, plus précisément à Cargese où il épousa une demoiselle VERSINI et y décéda, devenu centenaire, en 2000. Son petit-fils, qui se prénomme également Nicolas, est un champion de voltige aérienne de réputation internationale.
Le souvenir des Russes n’est pas perdu car il suffit de regarder les murs et les plafonds de certaines de nos églises des Deux-Sorrù et des Deux-Sevi.
Mais est-ce le cas à Poggiolo? IVANOFF et CHOUPIK ont-ils laissé quelque chose à Saint Siméon ou à Saint Roch? Ont-ils aidé BASSOUL pendant ses travaux dans cette paroisse?
Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de donner une réponse. Un de nos lecteurs aurait-il des renseignements ?
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