Ce jeu se pratique sans appareil électronique: il suffit d'avoir cinq doigts.
Aucun écran n'est à regarder: il faut regarder son adversaire droit dans les yeux.
Le connaissez-vous?
Ce jeu est A Morra, un passe-temps traditionnel en Corse. Le but est d'annoncer à l'avance la somme que fera l'addition des doigts des mains des deux adversaires. Chacun cache une main derrière son dos et la montre en déployant le nombre de doigts qu'il veut. En même temps, chaque joueur dit (ou plutôt hurle) le chiffre qu'il prévoit.
Ce jeu est très simple mais il demande beaucoup de rapidité, de vivacité et même de perspicacité.
Connue autrefois dans toute l'île, A Morra a été peu à peu abandonnée. Mais certains tentent de le remettre en vigueur. Ainsi, un championnat vient d'avoir lieu à Sarrola-Carcopino les 2 et 3 mai. Vous pouvez en avoir des vidéos et des photos sur la page Facebook du club: https://www.facebook.com/cabanoncasamarte
Le texte suivant, tiré de "Corse-Matin", a été publié le
Et bientôt, pourquoi pas un concours de Morra à Poggiolo?
Le plus vieux jeu du monde
Déjà dans l'antiquité, des pictogrammes égyptiens montraient des personnes pratiquant un jeu avec leurs mains, identique à celui d'A Morra.
Le jeu se répandra, au fil des siècles, dans tout le bassin méditerranéen. Aujourd'hui, encore, on peut le cartographier dans l'ensemble des pays du Mare Nostrum.
Pour cette raison, on peut dire qu'A Morra, d'origine montagnarde, est l'un des jeux les plus vieux du monde, sinon le plus vieux.
D'autant plus que le jeu ne nécessite aucun investissement. Il s'inscrit dans un registre totalement naturel, sans artifice. Il se joue avec deux mains en énonçant des chiffres. On ne demande pas dix, on demande Morra.
Le gagnant remporte la manche quand il affiche six victoires Il peut se décliner sous diverses formes : un contre un, deux contre deux ou trois contre trois.
L'addition des doigts des deux joueurs favorise celui qui a énoncé au préalable la somme dite.
Un joueur trop prévisible perdra face à un joueur capable de vivacité, d'attention, d'intuition d'observation et d'expérience. À Morra exige de nombreuses qualités : adresse, concentration, rapidité d'esprit, calcul, stratégie et maîtrise de la langue corse, bien évidemment.
La victoire est déterminée par la prise de pouvoir sur son adversaire. Elle requiert une coordination entre les gestes et la voix et une synchronisation de la pensée.
Cris et postures viennent contribuer à intimider son concurrent, selon une véritable théâtralisation de la partie.
A Morra n'engendre ni compétition, ni rivalité et ne supporte ni contestation, ni controverse. Le point est marqué ou pas. Pas de litige. Les parties se déroulent dans une ambiance festive, amicale et détendue.
Selon les microrégions de l'île et selon les pays du pourtour méditerranéen, il se conjugue de différentes façons : assis, en se tapant dans la main, les mains appuyées sur une table, par terre, en chantant, en chuchotant, le poing fermé, le poing ouvert… Le principe reste le même, les nuances apportent la diversité.
Chacun tente de se réapproprier les origines de ce jeu : l'Italie, la Sardaigne, le Pays Basque, la Catalogne, le Pays niçois… En Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur les nombres sont criés en occitan, on appelle le jeu Mourre. En Val d'Aoste, Savoie, Valais, les nombres sont criés en franco-provençal.
Dans son opéra « Rita ou le mari battu », Gaetano Donizetti met en scène deux hommes qui jouent une femme à la mourre et trichent pour perdre, aucun des deux ne voulant se retrouver marié à une mégère.
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