Au rebours du vandalisme qui se manifeste de plus en plus souvent et attaque les symboles les plus sacrés, les Corses d'autrefois se rassemblaient souvent à l'occasion de cérémonies religieuses et les insignes cultuels étaient respectés. Il en était ainsi surtout à la Fête-Dieu qui était l'occasion de faire sortir de l'église des objets particulièrement précieux.
Qui connait la Fête-Dieu maintenant?
Instituée en 1264 par le pape Urbain IV et nommée également Corpus Christi ou Fête du Saint-Sacrement, elle a lieu en principe le jeudi qui suit la Sainte Trinité, soit soixante jours après Pâques. Pour des raisons pratiques, on la repousse au dimanche suivant. Ainsi, en 2023, elle a été fixée au dimanche 11 juin.
Elle eut une grande popularité, d'autant plus qu'elle se manifestait en se déroulant sur la voie publique et avec un grand décorum. L'eucharistie devait être portée en cortège solennel dans les rues et les chemins pour les sanctifier et les bénir.
La photo ci-dessous, prise par Marie-Louise MARTINI et se trouvant dans le Fonds Saveriu PAOLI, le montre bien.
On reconnait immédiatement que la scène se situe sur le côté gauche de la chapelle St Roch.
A gauche, un prêtre tient avec ses deux mains l'ostensoir qui contient le corps du Christ sous la forme de l'hostie consacrée. Un abri est constitué par un dais formé d'un baldaquin mobile à quatre hampes tenues par quatre paroissiens.
Tout à fait à droite, des enfants de chœur en aube blanche, dont un balance l'encensoir, ouvrent la procession. Ils viennent de franchir la rigole qui était alors à ciel ouvert.
Au centre, des enfants et une adulte ont des corbeilles. Ils y puisent des pétales de rose qui sont jetés sur le sol où marche l'ecclésiastique. On les voit très bien juste devant ses pieds.
Cette scène date de 1956, nous a affirmé un des participants.
Justement, qui sont-ils?
Le prêtre qui tient l'ostensoir est Jacques Antoine MARTINI, dit "prête Ghjacumu".
Il était né à Poggiolo le 4 juillet 1873 et y décéda le 14 juin 1956, après avoir été curé à Renno, Calcatoggio et Piana. Cette image de la Fête-Dieu date donc de peu avant son décès. Paul MILLELIRI devint curé de Poggiolo et Soccia quelques mois après.
Au centre, au premier plan, se distingue très bien un jeune garçon qui est en train de prendre des pétales dans son panier: c'est Jean-Marc TRAMINI.
Les autres participants toujours vivants de cette procession sont:
- Germaine SICCHI (la fille avec le bandeau dans les cheveux)
- Noël SICCHI (l'enfant de chœur qui tient l'encensoir)
- Jean-Marie PASSONI (l'enfant de chœur le plus à droite).
Parmi les adultes, certains de nos lecteurs reconnaîtront plus ou moins facilement:
Toussainte PINELLI, Achille SICCHI, Ange MERCURI, Agathe PINELLI, Lulu NIVAGGIOLI, Noelline SICCHI, Angèle MARTINI (Angiulucci)...
Dans les archives de Saveriu PAOLI, cette photo est accompagnée de deux autres:
-une prise juste avant, qui permet de voir que "Tatanella" participait au jet de pétales
- une autre prise juste après, devant la porte de la chapelle, qui montre que Guy TRAMINI, à droite, avait le même rôle (et le même habillement) que son frère Jean-Marc, à gauche.
Tous deux, ainsi que Germaine, semblent écouter les observations que leur fait Rosine FRANCESCHETTI (1900-1994).
Rosine n'est pas habillée suivant la tradition corse. Elle porte cependant sur la tête un foulard noir ou une mantille, comme toutes les femmes de l'époque qui devaient cacher leurs cheveux dans les cérémonies religieuses par respect et dignité envers Dieu.
Cette obligation, répétée dans le Code de droit canon de 1917, se référait au Premier Épitre de Saint Paul aux Corinthiens, Chapitre 11, Versets 1 à 16 (d'après le site La femme catholique). Elle n'existe plus du tout maintenant.
Des images d'il y a 67 ans, deux tiers de siècle !
Ou peut-être bien d'il y a plusieurs siècles ?