L'actuelle pandémie de coronavirus réveille toutes sortes de craintes et fait remonter des souvenirs historiques. Elle fait penser à 1918.
Cette année est connue pour être la dernière de la première guerre mondiale. Mais, dans le bilan de la guerre, on oublie souvent les victimes de l’épidémie de grippe, appelée alors grippe espagnole, qui affecta pratiquement le monde entier.
Malades de la grippe dans un hôpital du Kansas, région où les premiers cas mortels furent enregistrés.
Pour sa part, la France eut à déplorer 240.000 morts.
Des célébrités comme Edmond Rostand et Guillaume Apollinaire moururent de cette maladie.
La Corse ne fit pas exception et fut touchée fin juillet 1918.
A Corte, la grippe dura du 4 août à fin septembre.
La grippe dans le canton de Soccia
La tradition orale rapporte que, pendant l’été 1918, il y eut plusieurs victimes dans le village voisin de Soccia et que l’on entendait tous les jours les cloches des enterrements. Par contre, Poggiolo aurait été épargnée. S'agit-il d'une légende ou de la réalité?
Pour répondre, il faut étudier la mortalité de ces communes pendant l'année 1918, ce qui est possible avec les tables décennales d’état-civil disponibles sur internet.
Elles montrent effectivement une forte poussée de mortalité à Soccia en septembre et octobre 1918 avec dix-huit décès pour ces deux mois, soit autant que dans l’ensemble de chacune des années précédentes.
A Poggiolo, il n’y eut que deux décès pour la même période, sur un total annuel de onze, soit moins qu’en 1917 où l'on avait compté quinze morts.
Il semble que Guagno ait également été touché par l’épidémie car on enregistra dix-neuf morts en octobre 1918, soit exactement la moitié du total de l’année pour cette commune. Il n'y avait eu que onze morts pour toute l'année 1917.
Le tableau ci-dessous compare mois par mois la mortalité en 1918 des quatre communes du canton: Poggiolo, Soccia, Guagno et Orto.
POGGIOLO | SOCCIA | GUAGNO | ORTO | |
janvier | 1 | 0 | 0 | 0 |
février | 0 | 2 | 1 | 0 |
mars | 0 | 0 | 4 | 1 |
avril | 3 | 0 | 2 | 1 |
mai | 2 | 1 | 1 | 1 |
juin | 0 | 1 | 2 | 1 |
juillet | 0 | 0 | 1 | 2 |
août | 0 | 1 | 2 | 1 |
septembre | 1 | 8 | 2 | 0 |
octobre | 1 | 10 | 19 | 0 |
novembre | 1 | 3 | 4 | 1 |
décembre | 2 | 2 | 0 | 0 |
total 1918 | 11 | 28 | 38 | 8 |
La hausse des morts en septembre et octobre pour Soccia et Guagno est évidente. Même si tous les décès ne viennent pas de cette maladie, la grippe espagnole a bien été présente dans ces deux villages.
A première vue, on pourrait croire que Poggiolo ait été épargné, ainsi qu'Orto. Mais les deux décès poggiolais d'octobre (Paule MARTINI, 4 ans) et novembre (Antoinette MARTINI, 11 ans) concernent deux filles de Paul MARTINI et de son épouse Marie-Thérèse, née VINCIGUERRA. Des témoignages familiaux attribuent leurs morts à la grippe espagnole.
En revanche, leur sœur Xavière (1905-1981) et leur frère Pierre (1910-1988) survécurent.
La grippe à l'armée.
Il se peut qu'à l'armée certains Poggiolais mobilisés aient été atteints par le virus mais aucun n’en mourut. Le seul cas certain de malade est François Antoine Demartini.
Né à Poggiolo en 1899, il avait été incorporé au 111e régiment d'infanterie le 18 avril 1918. Touché par la maladie, il en réchappa. Il vécut jusqu'en 1975.
commenter cet article …