Quand, avant 1965, la pratique catholique était largement majoritaire, cette domination se montrait par l'utilisation à l'église ou en procession d'objets et d'habits que le concile Vatican II a fait disparaître (voir l'article précédent de cette série: Images d'avant l'effondrement (1/2: habits et objets).
Ils étaient utilisés lors de la messe dominicale ou des fêtes comme celle du saint patron du village ou, plus rarement, lors de la visite pastorale.
L'évêque devait régulièrement aller visiter les différentes paroisses de son diocèse pour bien connaître prêtres et fidèles. Son arrivée dans un village était un événement important dont témoigne la photo suivante, très obligeamment prêtée par Marie-Thérèse MARTINI-LECCIA.
Elle montre la sortie de l'église Saint Siméon de Poggiolo. Le chemin est encombré de fidèles bien habillés. On distingue même deux uniformes militaires à gauche. Hommes et femmes ont la tête couverte d'un chapeau, ce qui était indispensable quand on se mettait sur son trente-et-un. De plus, il vaut mieux se protéger d'un soleil qui semble bien chauffer.
Sachant que la façade de Saint Siméon regarde vers l'ouest, comme la majorité des églises, on peut estimer, en observant les ombres, que la scène se passe en fin de matinée, aux alentours de midi.
En sortant de l'église, la procession est passée sous un arc de triomphe constitué de branchages.
A peu près au milieu des fidèles, la tache blanche du dais se distingue bien. Sous son drap, se trouve l'évêque avec sa mitre sur la tête. Il est entouré d'au moins quatre prêtres, peut-être les curés de Poggiolo, Soccia, Orto et Guagno?
D'après Edouard MARTINI, qui a bien examiné ce cliché, l'évêque est Monseigneur Jean-Marie-Marcel RODIÉ, évêque d'Ajaccio de 1927 à 1938.
Entre ces deux années, la date exacte de la visite à Poggiolo serait connue en consultant "La Corse catholique", l'organe diocésain de l'époque, mais nous n'avons pas encore pu le faire.
Ancien officier décoré de la Légion d'Honneur, Mgr RODIÉ fut très actif pour animer son diocèse, parfois en bousculant un peu son clergé.
Mais les résultats suivirent. François J. CASTA, dans son livre "Le diocèse d'Ajaccio", remarque que "l'année 1935 marqua le sommet de l'action pastorale de Mgr RODIÉ" avec le bicentenaire de la consécration de la Corse à l'Immaculée Conception. Il cite les journaux selon lesquels "les confessions se chiffrent par milliers, les hommes se pressent à la Sainte Table en rangs serrés, comme les femmes et les enfants".
La grande popularité de l'évêque lui permit d'être écouté quand il dénonça les dangers de l'irrédentisme italien.
Malgré ses succès, Mgr RODIÉ nota, d'après François J. CASTA:
"Nous reconnaissons que la plupart des Corses tiennent à la religion et à ses pratiques extérieures, à l'évolution libre et solennelle de ses rites, (...) mais y tiennent-ils parce qu'ils sont chrétiens ou parce qu'ils sont Corses?".
Question qui pourrait toujours être posée.
En tout cas, cette photo montre bien l'importance de la visite pastorale, d'autant plus que le verso de la photographie a été divisé en deux parties comme une carte postale, la partie correspondance à gauche et la place pour l'adresse et le timbre à droite.
Les Poggiolais pouvaient ainsi communiquer leur enthousiasme et leur fidélité envers l'évêque en envoyant la carte à leur parents et amis. Une preuve de plus d'un catholicisme qui était alors dominant et sûr de lui.