Très souvent, quand nous étions très jeunes et que nous croisions dans les rues du village une vieille personne qui ne nous connaissait pas, nous l'avons entendue nous demander: "Di quale si?" ("De qui es-tu?").
La question était posée pour savoir qui nous étions, mais surtout de quelle famille nous faisions partie. En Corse, l'identité individuelle n'existe pas en elle-même. Nous existons car nous faisons partie d'une famille, d'une communauté familiale qui a une histoire, une place dans le village. A notre réponse, ces éléments revenaient à l'esprit du questionneur qui pouvait ainsi nous situer par rapport aux parents qu'il connaissait.
Le nom de famille est d'une grande importance. Il a été l'objet d'une enquête réalisée par le site généalogique Filae d'après les éléments statistiques publiés depuis 1891, et publiée dans Corse-Matin du dimanche 2 juillet. Il en ressort que les noms de famille corses les plus répandus sont CASANOVA, ALBERTINI et LUCIANI.
Document Corse-Matin
Il n'en est pas de même pour les communes de Sorru in Sù.
Xavier PAOLI avait étudié "L'État des âmes" tenu par le curé de la paroisse de Poggiolo en 1730. Les quatre-vingt un habitants se partageaient alors neuf patronymes: CECCALDI, DEMARTINI, DESANTI, FRANCESCHETTI, LORENZOTTI, MARTINI, PAOLI, PINELLI et VINCIGUERRA(voir l'article sur l'histoire du village). Ces familles qui sont donc les plus anciennes ne sont pas les plus présentes dans toute l'île.
Les trois noms les plus courants dans l'ensemble de la région sont CASANOVA, ALBERTINI et LUCIANI.
Dans les trente premiers du palmarès régional, le seul nom présent à l'origine de Poggiolo est PAOLI (dixième rang). Il est également dixième en Haute-Corse et vingtième en Corse-du-Sud. Aucun autre nom poggiolais n'existe sur le plan de la région.
Dans le Top 50 départemental, CECCALDI se hisse à la vingt-deuxième place en Corse-du-Sud tandis que PINELLI est trentième. VINCIGUERRA, trente-neuvième en Haute-Corse, a la particularité de ne pas se trouver sur la liste de l'autre département.
Les autres (DEMARTINI, DESANTI, FRANCESCHETTI, LORENZOTTI, MARTINI) se trouvent dans les lointaines profondeurs.
Nous avons ainsi une nouvelle preuve de la singularité de Poggiolo.
Un nom bien connu est absent: OTTAVI, avec ses déclinaisons OTTAVY et OTTAVJ. Très majoritaire à Soccia, il est peu connu ailleurs. Il est pourtant cité dans l'entretien avec André FLORI, président de Corsica Genealugia, publié dans le quotidien insulaire.
Cliquer sur le texte pour le lire plus facilement.
L'article consacré à la Fête-Dieu à Poggiolo en 1956 a suscité un grand intérêt sur Facebook, beaucoup regrettant que cette cérémonie n'ait plus lieu.
Ainsi, Bernadette PIETRI se rappelle "de toutes " les chapelles" qui étaient faites dans tout le village d'Orto. Tout le monde y contribuait en y apportant une touche, des vases, des fleurs, des nappes, des beaux draps pour cacher les murs...".
Antoinette DEFRANCHI FILIPPI se souvient que "A Soccia il y en avait dans chaque quartier; c'était magnifique avec plein de fleurs".
En compensation, voici des photos d'une procession de la Fête-Dieu toute récente, du dimanche 11 juin 2023.
Elle s'est déroulée dans les Hautes-Alpes, à Tallard. Le curé de Tallard et Châteauvieux a repris la tradition en la couplant avec des premières communions et des professions de foi (ce qui se nommait autrefois communions solennelles).
Le groupe est parti de la chapelle du château de Tallard pour descendre vers l'église paroissiale. Le prêtre, en grands habits de cérémonie, tenait haut levé l'ostensoir protégé par un dais tenu par une personne. Les communiants étaient en aube et chacun tenait une fleur de lys. Une halte eut lieu sur un promontoire permettant de bénir toute la petite ville. Bien sûr, tout le chemin fut parcouru en marchant sur les pétales qui furent amplement distribués.
Pourquoi avoir choisi l'exemple de cet endroit? Regardez bien les photos et vous reconnaîtrez les membres d'une famille poggiolaise installée dans le 05.
Il y a quelques jours, Eric HARROCH nous a quittés.
Depuis cinquante ans, il avait adopté et avait été adopté par la Corse et plus particulièrement par Poggiolo. Tous ici le connaissaient et l’appréciaient. C’était l’époux de Madeleine BONIFACJ, de vieilles familles de Poggiolo et d’Orto.
Tous les deux, la retraite venue, avaient l’habitude de passer une bonne partie de l’année au village dans la maison familiale ouverte aux amis et à la famille. Chacun se souvient des bons moments passés sur la terrasse face au panorama époustouflant du Tritore et du Cervellu.
Éric, en bon Méditerranéen, aimait aussi la mer dont il profitait à Sagone et à Portigliolu.
Selon ses vœux, il repose auprès des siens en Israël.
A Madeleine son épouse, A ses enfants Jean-Pascal, Laurence, Vincent, A ses petits-enfants…
nous adressons nos plus sincères et affectueuses condoléances.
Avant les véhicules à moteur, il y eut les véhicules à chevaux (fiacres, diligences...). Mais, bien avant, l'âne fut très sollicité. Il était très utile pour le le transport de marchandises et de matériaux. Actuellement, il sert pour les promenades de touristes au lac de Creno.
Se promener avec un âne n'est pas une distraction récente comme le montrent ces documents.
Fonds Saveriu PAOLI.
Prise en 1913, voici 110 ans, entre Poggiolo et Guagno-les-Bains, dans un lieu maintenant beaucoup plus arboré, cette photo montre un groupe dans lequel se détache la carrure de Jean-Martin DESANTI (1846-1922). A gauche, tenant un parapluie, se trouve Julie DEMARTINI. Les deux autres n'ont pu être identifiés.
Une autre image, plus récente mais ayant quand même soixante-neuf ans car datant de 1954:
Photo famille TRAMINI.
Sur la route de Poggiolo, Charles TRAMINI (1927-2011) fait faire un tour à dos d'âne à ses fils Guy et Jean-Marc.
Deux images d'un monde tranquille, loin des fureurs du monde.
Ci-dessous, deux liens sur la vie de Jean-Martin DESANTI.
Léonore est très séduisante et ses charmes sont recherchés par de nombreux Français qui voudraient être couchés sur sa liste. Léonore est surtout bien connue des historiens et des généalo...
Jean-Martin DESANTI (voir l'article précédent) se maria deux fois: avec une Italienne et avec une Guagnaise. L'ITALIENNE La première fois, ce fut le 9 septembre 1878, à PÉRONNE, alors qu'il é...
La marche de Poggiolo jusqu'à Creno a été le passage obligé pour chaque génération. L'article précédent a montré les acteurs d'une telle excursion en 1954. Voici maintenant les participants d'une sortie auprès du lac en 1962.
Photo Joël Calderoni.
De gauche à droite, assis: Jean-Marc OULIÉ, Jean-Martin PINELLI et Jean-Marie PASSONI.
Au deuxième rang: Hervé OULIÉ, Hervé CALDERONI, François ORAZY.
Contrairement aux excursionnistes de 1954, ceux-ci n'ont pas connu la guerre. Ils font partie des fameux "baby-boomers" qui ont bousculé la société française et qui ont pu profiter de la prospérité des "trente glorieuses". Et l'on peut remarquer qu'aucun adulte n'est présent.
Cette photo est d'autant plus emblématique qu'elle a été prise pendant l'été 1962, au moment de l'indépendance de l'Algérie (proclamée le 5 juillet), au moment où des centaines de milliers de "pieds noirs" et de harkis connaissaient le drame de l'exode vers la métropole par peur d'être massacrés.
Plusieurs des jeunes Poggiolais que l'on voit ici avaient d'ailleurs vécu en Algérie ou dans d'autres colonies, comme ce fut le cas pour de nombreuses familles corses.
Le rite initiatique de la visite à Creno ayant été accompli, par ce groupe et par les autres jeunes de cette génération, les sorties en montagne se multiplièrent, allant de plus en plus loin et plus longtemps.
Voici, en 1963, encore une photo prise par Joël CALDERONI, cette fois devant la bergerie de Camputile. Au premier plan: François ORAZY. A gauche: Dominique PINELLI (actuellement conseiller municipal). Au centre: François OLIVA. A l'arrière-plan: Hervé CALDERONI.
Petit détail qui montre l'époque: François ORAZY a autour du cou une lanière soutenant un petit poste de radio à transistors. Les jeunes d'alors en avaient souvent avec eux, même si dans l'intérieur de la Corse la réception était souvent difficile.
Pendant une bonne dizaine d'années, cette génération écuma les montagnes environnantes, connaissant toutes sortes d'aventures, comme en 1965 et 1966 (voir ci-dessous).
Dans une petite communauté villageoise, les jeunes sont importants. Ils représentent le dynamisme et l'avenir. Même si leurs jeux et leurs facéties troublent la sieste des vieux, chacun est heu...
En 1966, réapparut le même projet d'excursion à Belle e Buone et Bocca-Soglia que l'année précédente ( voir le dernier article ). Cette fois, il était prévu de passer une nuit dans les berg...
Gian Antonio sera l'un des rédacteurs du Journal du département de la Corse, parce qu'il est au nombre des rares Corses qui ont aussi bien la maîtrise de la langue italienne que de la langue française.
Cet atout était important car ce journal, créé le 1er novembre 1817, fut bilingue jusqu’au 2 octobre 1824 (une colonne en français et une colonne en italien).
Destiné à faire connaître les lois, jugements et actes de l’administration, il était un véritable bulletin officiel et un instrument de la francisation de l’île. Il devint ensuite Le Journal de la Corse qui se fait une gloire d'être actuellement le doyen de la presse européenne.
L'auteur de la Chronique de la vieille Corse parue dans Le Petit Bastiais du 29 septembre 1943 écrit:
"Dans un sens, l'abbé Jean Antoine Pinelli peut être considéré comme le premier journaliste régulier que connut la Corse avec son premier journal également régulier".
Le Poggiolais continuait à servir l'administration française.
Pinelli fut l'un des conseillers du général Brenier de Montmorand, responsable d'une commission chargée d'évaluer les besoins de la Corse. Il est nommé conseiller général de Soccia le 11 mars 1818.
Il fut président du comité cantonal de Sorro in Sù de 1821 à 1825, fonction qui lui permit d’aider beaucoup ses concitoyens .
LE DEUS EX MACHINA DE L'ÉCOLE EN CORSE?
Même retiré dans son village d’origine, il continua à avoir une fort influence comme en témoigne l’abondante correspondance qu’il échangea, notamment sur les questions d’éducation.
Esprit REQUIEN était un naturaliste français, né le 6 mai 1788 à Avignon. Il se consacra très tôt à la botanique et réalisa le premier inventaire botanique de la Corse où il passa beaucoup de temps et où il mourut le 30 mai 1851 à Bonifacio. Plusieurs lettres de l’abbé PINELLI ou envoyées à celui-ci se trouvent dans les archives de REQUIEN sans que l’on sache très bien comment elles y sont arrivées.
D’autre part, les inspecteurs chargés de l’instruction publique en Corse écrivaient souvent à l'abbé PINELLI pour l’organisation de l’enseignement dans le canton ou dans l'ensemble de la Corse.
Ainsi, en janvier 1821, MOURRE félicita Gian Francesco pour son travail mais ne trouvait pas utile “d’établir une nouvelle école dans une petite commune qui en possède déjà trois” (il s'agissait de Soccia!!!). Un an plus tard, COTTARD l’informa qu’il acceptait la nomination du signor COLONNA comme instituteur à Guagno et en profita pour lui demander des lettres de recommandation pour des villes italiennes où le gouvernement l’envoyait en mission.
L’influence de l’ecclésiastique vivant bien loin d’Ajaccio était donc toujours forte. D’ailleurs, MOURRE et COTTARD ne manquaient pas de l’informer de leur nomination, maladie et mutation !
UN PRÊTRE SOUCIEUX DES AUTRES
Après avoir quitté ses fonctions à la Préfecture, Gian Antonio PINELLI devint curé de SOCCIA en 1821 ou 1822 et le resta jusqu’à sa mort.
L’Almanach du clergé de France de 1823 précise qu’il était un des deux seuls curés de deuxième classe de l’arrondissement et que sa fonction lui donnait autorité sur les desservants de GUAGNO, ORTO et POGGIOLO.
BENCI observe que, “retiré enfin à Poggiolo, il se consacra assidument à conseiller et à faire s'accorder les paroissiens, passant le reste du temps dans sa bibliothèque riche et choisie” (page 76 de Piero d’Orezza, traduite par Dominique ANTONINI-LIARD).
L’écrivain italien ajoute: “Je me rappellerai toujours avec grand plaisir cette brève mais douce entrevue que j'eus avec le docteur Pinelli, parmi ses livres, en grignotant en même temps une bonne omelette au brocciu que son bon cœur m'offrit.” Il promit à BENCI de lui donner des informations sur le fameux CIRCINELLU qui refusa de se soumettre à la France de Louis XV. Il mourut avant de pouvoir se rendre à GUAGNO pour interroger lui-même des témoins. Mais son neveu, Carlo Francesco Pasquale PINELLI, le filleul de Pasquale PAOLI, notaire et maire de POGGIOLO de 1822 à 1847, accomplit la promesse faite par son oncle.
Carlo Francesco était devenu greffier de justice de paix du canton de Soccia, peut-être avec l’aide de son grand-oncle Gian Antonio.
Il n’est pas interdit de penser que celui-ci ait permis à Carlo Francesco Pasquale de devenir maire de Poggiolo en été 1821 (à 26 ans, record dans l’histoire de la commune!). A cette époque, les maires des petites communes n’étaient pas élus mais désignés par le préfet, donc avec l’accord du gouvernement.
Gian Antonio décéda le 26 décembre 1832 à POGGIOLO, à l’âge de 72 ans. Le décès fut déclaré devant Carlo Francesco Pasquale PINELLI par deux autres de ses neveux : Gioan Vincenzo, curé, et Gioan Antonio, cultivateur (voir le dépouillement des registres d'état-civil par Pierre LECCIA, disponible sur Généanet).
Acte de décès de Gian Antonio Pinelli
La plupart de ses notes, notamment le manuscrit d'une monographie sur le département du Liamone, ont été confiées par ses héritiers à l'ingénieur Robiquet auteur d'un volumineux ouvrage sur l'île.
La réputation de grand intellectuel de l’abbé PINELLI et celle de la richesse de sa bibliothèque restèrent vives longtemps. Plusieurs livres et guides sur la Corse publiés au XIXème siècle en font mention. Par exemple, Jean-Ange GALLETTI, à la page 140 de son Histoire illustrée de la Corse, écrit en 1863: “POGGIOLO (...) a donné le jour à l’abbé PINELLI, ancien moine, et homme remarquable dans les belles-lettres”.
Depuis cette époque, il ne reste plus rien des livres accumulés par l’homme le plus cultivé de Corse.
Les souvenirs même de l'existence de Gian Antonio PINELLI, ce Poggiolais exceptionnel, se sont effacés. Dans le village, rien, pas même une petite inscription. Espérons que ce blog permettra de combler ce trou de la mémoire collective.
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blog consacré à Poggiolo, commune de Corse-du-Sud, dans le canton des Deux-Sorru (autrefois, piève de Sorru in sù).
Il présente le village, ses habitants, ses coutumes, son passé et son présent.
Accroché à la montagne, pratiquement au bout de la route qui vient d'Ajaccio et de Sagone, POGGIOLO est un village corse de l'intérieur qui n'est peut-être pas le plus grand ni le plus beau ni le plus typé. Mais pour les personnes qui y vivent toute l'année, comme pour celles qui n'y viennent que pour les vacances, c'est leur village, le village des souvenirs, des racines, un élément important de leur identité. POGGIOLO a une histoire et une vie que nous souhaitons montrer ici. Ce blog concerne également le village de GUAGNO-LES-BAINS qui fait partie de la commune de POGGIOLO. Avertissement: vous n'êtes pas sur le site officiel de la mairie ni d'une association. Ce n'est pas non plus un blog politique. Chaque Poggiolais ou ami de POGGIOLO peut y contribuer. Nous attendons vos suggestions, textes et images. Nota Bene: Les articles utiliseront indifféremment la graphie d'origine italienne (POGGIOLO) ou corse (U PIGHJOLU).