Corse : un berger jugé pour assassinat a été acquitté
À la question : «Antoine Pietri est-il coupable d'avoir volontairement donné la mort à Patrick Julien ?», les jurés ont répondu non.
Antoine Pietri, un berger de 30 ans, a été acquitté samedi soir 19 décembre par les jurés des Assises de Corse-du-Sud de l'assassinat de Patrick Julien, un président d'association et élu local tué le 4 novembre 2017 à Soccia. A la question, Antoine Pietri est-il coupable d'avoir volontairement donné la mort à Patrick Julien, les jurés ont répondu non, a indiqué la présidente après moins de trois heures de délibération. «Vous avez compris, M. Pietri vous êtes acquitté». «Il est heureux, après trois ans de bataille judiciaire, il a été entendu», a glissé aux médias Me Paul Sollacaro devant le tribunal.
Patrick Julien, 52 ans, avait été trouvé mort au volant de son tractopelle, dont le moteur tournait toujours, touché par des chevrotines à la fesse et à l'épaule et par un tir mortel de balle de gros calibre à la tête. L'avocate générale, Françoise Mariaux, avait requis samedi matin 25 ans de réclusion criminelle à l'encontre du berger qui a toujours clamé son innocence. «Antoine Pietri a tué Patrick Julien ce jour-là et il l'a tué avec préméditation, ça veut dire qu'il est allé là pour ça», a fait valoir l'avocate générale, assurant qu'il avait tiré «trois fois» sur sa victime qui était de dos. Dans ce dossier, «vous n'avez pas d'aveux», mais il y a «des certitudes», avait-elle poursuivi, égrenant les éléments balistiques et ADN: «Sur les lieux des faits, seul son ADN a été retrouvé». Elle avait également relevé qu'Antoine Pietri «a(vait) menti» sur le tee-shirt qu'il portait le jour de l'assassinat et qui s'était révélé couvert de particules de résidus de tirs, «preuve qu'il a tiré le jour des faits». Des résidus «non datables», a fait valoir la défense.
Aux yeux de l'accusation, le mobile était «le sentiment d'injustice» du jeune homme face à la remise en cause de l'attribution de terres pour son exploitation agricole par une association communale présidée par la victime.
«Personne n'était avec lui l'après-midi des faits entre 14H30 et 16H30», le créneau horaire durant lequel le meurtre a été commis«, avait-elle insisté. Elle a aussi souligné que les avocats de la défense, qui ont vivement contesté les expertises et le travail des enquêteurs pendant le procès, n'avaient fait aucun recours pendant les deux années d'instruction, un argument qui a ulcéré la défense.
Pendant cinq heures, les trois avocats de la défense ont plaidé l'acquittement en conspuant le travail des enquêteurs qui «ont tout foiré», une juge d'instruction «inexpérimentée», l'expert «qui vient au secours des gendarmes», le «fiasco» de la reconstitution, des témoins et des pistes «laissés de côté« et des »réquisitions imbuvables«. On requiert «25 ans sur une enquête bidon», s'est indignée Me Ana-Maria Sollacaro.
Assurant qu'Antoine Pietri a été arrêté «sur une rumeur», Me Paul Sollacaro, a, lui, assuré que «tout ce qui, dans ce dossier, était susceptible de désaxer l'enquête a été balayé». «Ça fait peur, ça tient à ça le destin d'un gamin!» «On vous laisse avec de l'à peu près, de l'approximatif, du travail mal fait et peut-être même volontairement parce que les gendarmes voulaient sa tête», a-t-il dit aux jurés. «Ça sent pas bon, ça sent pas le petit berger corse, ça sent le grand méchant loup».
Antoine Pietri s'est quant à lui dit «fatigué de la situation». «Je veux simplement vivre, retrouver mes chevaux», a-t-il glissé avant que les jurés ne se retirent.
Moins d'une heure après le verdict, Antoine Pietri, sourire aux lèvres et guitare sur le dos, est sorti de prison. Le ministère public a indiqué à l'AFP faire appel dès lundi de cette décision.