Mise à jour de l'article paru le 21 février.
A Poggiolo, comme dans toutes les régions françaises, la pratique du catholicisme a connu une grande rupture dans les années 60, rupture dont les signes les plus évidents se retrouvent en regardant les photos d'avant 1970. De nombreux vêtements ou objets utilisés lors des cérémonies religieuses de cette époque n'existent plus de nos jours.
Cette chute vient d'être analysée dans le récent livre de Guillaume Cuchet "Comment notre monde a cessé d'être chrétien. Anatomie d'un effondrement", présenté dans l'article précédent.
Nous allons partir d'une photo de la procession de saint Roch qui avait été publiée dans le mensuel "L'Info U Pighjolu" d'août 2007. Cette procession se situe vers 1960 sans qu'il soit possible de mieux préciser, sauf si des acteurs de cette cérémonie pouvaient donner la véritable datation.
L'analyse des huit parties qui la composent avait été présentée sur ce blog en février 2012 (voir l'article ICI). Mais d'autres photos vont servir ici comme compléments.
Cinq éléments ont disparu dans les cérémonies religieuses poggiolaises.
1- Les habits des enfants de chœur.
Les trois enfants de chœur qui ouvraient la procession étaient habillés avec la soutane ou soutanelle, longue robe rouge, noire ou violette, et avec le surplis ou conta, vêtement blanc qui se mettait sur la soutane.
Les garçons de Poggiolo qui avaient autour de 10 ans vers 1960 en ont été porteurs comme le montre cette autre photo prise peut-être le jour de cette procession:
De gauche à droite, on reconnaît Noël SICCHI, Jacques-Antoine MARTINI, Joël CALDERONI, François PINELLI et Jean PINELLI.
L'évolution de ces habits a fait l'objet d'un article: "Le costume des enfants de chœur".
2-La bannière
En tête de la procession, était brandie une bannière avec l'image de la Vierge Marie.
Elle n'a plus servi depuis longtemps (elle n'est pas visible dans le reportage du 15 août 1966). Mais elle existe toujours et est en bon état, protégée par une vitre, accrochée au mur de gauche dans l'église Saint Siméon.
3-Le dais et l'ostensoir:
Un autre objet était utilisé dans les processions: le dais, baldaquin mobile à quatre hampes et en soie ou en étoffe brodée, servant à protéger le prêtre portant le saint sacrement. Le saint sacrement est l'hostie consacrée qui est enfermée dans une pièce d'orfèvrerie appelée ostensoir.
Le dais, le prêtre et l'ostensoir se retrouvent dans la photo ci-dessous montrant une procession passant sur la ruelle située à gauche de la chapelle Saint Roch.
Cette cérémonie est celle de la Fête-Dieu, appelée aussi Fête du Saint-Sacrement, Corpus Domini ou Corpus Christi, fête célébrée le jeudi qui suit la Trinité, c'est-à-dire soixante jours après Pâques.
Les corbeilles sont remplies de pétales qui étaient jetés pour faire un tapis de fleurs sur la stretta.
Sur cette photo, l'ostensoir est porté par Jacques Antoine MARTINI, dit prête Ghjacumu. Il est né à Poggiolo le 4 juillet 1873 et y est décédé le 14 juin 1956, après avoir été curé à Renno, Calcatoggio et Piana. Cette image de la Fête-Dieu date donc de peu avant son décès.
4-Le reliquaire
Le 16 août, un grand rôle revenait au reliquaire. La paroisse de Poggiolo possède une croix contenant un petit os du corps de saint Roch. La jour de cette fête, la procession et la messe se terminaient par un baiser déposé par chaque fidèle sur le hublot permettait de voir cette relique.
Voici presque cinquante ans que cette coutume a été abandonnée mais le reliquaire existe toujours, avec sa relique.
5- Foulard et mantille
Au premier plan de la photo montrant le dais, une femme toute en noir ouvre le chemin. Les anciens reconnaîtront Tatanella dite aussi Tata. Sa tête est recouverte d'un foulard selon le cliché habituel utilisé pour représenter le sexe féminin en Corse.
Comparons avec la photo suivante, datant vraisemblablement du même jour.
Devant la chapelle, Rosine FRANCESCHETTI (1900-1994), qui semble parler avec les enfants TRAMINI (Jean-Marc à gauche et Guy à droite), est habillée "à la continentale". Elle porte cependant sur la tête un foulard noir ou une mantille. Les femmes devaient cacher leurs cheveux dans les cérémonies religieuses par respect et dignité envers Dieu.
Cette obligation, répétée dans le Code de droit canon de 1917, se référait au Premier Épitre de Saint Paul aux Corinthiens, Chapitre 11, Versets 1 à 16 (d'après le site La femme catholique). Elle n'existe plus du tout maintenant.
Tous ces éléments sont absents désormais.
Leur disparition est-elle la cause pour laquelle "notre monde a cessé d'être chrétien"?
Guillaume CUCHET, reprenant les écrits de Serge BONNET, dominicain et sociologue, a déclaré, dans l'émission "La marche de l'histoire" du 13 février, que "la tradition catholique est le fruit d'une pastorale séculaire qui avait réussi (...) à maintenir des taux relativement élevés (...) et à créer un fait social chrétien à l'intérieur du duquel le peuple, les masses chrétiennes pouvaient vivre leur vie spirituelle qui était à la fois fragile parce que tenant au cadre et en même temps puissante et profonde". Mais le fait de considérer qu'il ne s'agissait que "d'un vulgaire produit sociologique" a créé un gros malentendu.
A ceux qui se sentent concernés de réfléchir là-dessus.
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Merci à Jacques-Antoine Martini et Guy TRAMINI dont les commentaires ont permis de préciser le texte d'origine.
Quand la France cesse-t-elle d'être catholique ?
Que s'est-il passé en un demi-siècle ? On peut nourrir l'hypothèse qu'il s'est produit une rupture de pente brutale dans les années 1960. Un effet de 68 ? Mais le processus était engagé avant...
https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-13-fevrier-2018
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