Les sources de Guagno-les-Bains sont connues depuis très longtemps. Le chanoine Filippini les mentionne dans sa chronique écrite au XVIème siècle mais il ajoute qu’elles étaient connues au IVème.
Il n’est donc pas étonnant de se demander si les Romains auraient pu venir s’installer jusqu’aux bords du Fiume Grosso et y laisser des vestiges. On pourrait rêver et imaginer qu'un temple se trouvait à la place de la chapelle Saint Antoine...
A la fin des années 1970, la découverte d’un vestige avec une inscription latine a pu le faire penser.
Son étude a été publiée en 1979 par Cinzia Pergola-Vismara dans la revue « Archeologia Corsa : études et mémoires », n°4 (pages 87 à 90), sous le titre « Une inscription romaine de Guagnu ».
Une version abrégée en a été publiée par « L’INFO U PIGHJOLU » numéro 12 (janvier 2008). C’est de cette version que nous nous sommes inspirés.
... A l'occasion de travaux effectués dans la Chapelle Saint-Antoine, à proximité de GUAGNU LES BAINS, pour adapter celle-ci aux nouvelles exigences du culte, on a découvert un fragment de dalle de marbre sur laquelle était gravé un texte épigraphique en latin (fig.1). Il avait été utilisé, retourné, au centre de la table de l'autel. En effet, au centre de sa face postérieure, se trouve une petite plaque d'albâtre, quadrangulaire (4,9 x 3,7 cm) qui protège une cavité à l'intérieur de laquelle étaient conservées les reliques, selon toute vraisemblance (fig.2) .
La première annonce de cette découverte a été donnée par G.Moracchini-Mazel qui a publié une photographie de l'inscription et en a donné une transcription (1) .
La dalle rectangulaire, mesure 36,7 cm x 28,3 cm et son épaisseur est en moyenne de 4 cm; le marbre blanc, à grain fin, dans lequel elle a été taillée, possède quelques rares veines grises. La plaque originale, de dimensions bien plus importantes, a été découpée sur trois côtés, depuis sa partie inférieure, ce qui a entraîné des lacunes dans le texte, à droite et à gauche de la partie supérieure.
La partie postérieure et les côtés taillés ont été soigneusement polis (fig.3) alors que la surface de l'inscription est légèrement rugueuse et présente quelques éclats. Le bord inférieur, qui correspond à celui de la plaque originale, présente une simple moulure, constituée par un tore et une gorge, réalisés de façon très schématique.
La limite inférieure de celle-ci est constituée par un sillon peu profond.
On peut lire:
{---matu} tini. et. bestiarum {---} / {---} ae Aug. Salutaris fum {---} / {---} quam. Martialis Silv {---} / {---} dilapsam. a solo {---} / {---} tque. omni. imp {ensa---}
Hauteur des lettres: ligne 1 : plus de 3 cm; lignes 2-3 : 3,4 cm.
Interligne: ligne 1-4 : 1.5-1igne 6 cm.; lignes 4-5 : 1.7-1.8 cm.
Des signes triangulaires constituent la ponctuation.
Les lettres, rapprochées dans les trois premières lignes, sont plus espacées dans la quatrième, et plus encore dans la dernière. Aucune trace d'éventuelles lignes auxiliaires n'est conservée.
Compte tenu du caractère fragmentaire du texte, on ne peut prétendre en tirer des conclusions définitives, mais il est cependant possible de formuler un certain nombre d'hypothèses. (…)
ORIGINE DE LA PLAQUE
Nous ne disposons donc que de très peu d'éléments pour établir le lieu de provenance de cette inscription, sinon qu'il devait se trouver dans un amphithéâtre. La chapelle où elle a été découverte, d'après ce qu'en rapporte la tradition orale, a été construite par des rescapés de la guerre de Crimée, qui avaient été accueillis, blessés, dans un hôpital, spécialement construit, dans les environs.
Dans la zone de GUAGNU, dans les montagnes du Centre de la Corse, aucune prospection méthodique n'a jamais été effectuée, et l'on peut conclure qu'il ait pu y avoir là un centre d'une certaine importance.
D'autre part, on ne connaît en Corse qu'un seul amphithéâtre, de dimensions très réduites, celui de la colonie d'Aléria, sur la côte orientale, chef-lieu de l'île à l'époque romaine. Compte tenu des difficultés des communications dans le sens E-W dans l'île, et compte tenu de la faible importance du monument d'Aléria, une provenance de ce centre me paraît assez peu probable.
Une provenance non insulaire demeure donc vraisemblable. On ne peut exclure non plus Rome comme centre d'origine. (…)
Le texte ne contient aucune indication chronologique précise, à l'exception d'Aug., au début de la deuxième ligne. Cependant, certains indices d'ordre paléographique (…) suggèrent une datation de la deuxième moitié du 1er siècle ap. J. C..
(…)
On ne peut exclure non plus que les reliques conservées dans la partie postérieure de la plaque puissent provenir de Rome ou même de Padoue (la Chapelle est dédiée à St Antoine) (2) d'où elles auraient pu être expédiées pour ainsi dire, « emballées ».
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(1) G.MORACCHINI-MAZEL ; « Un fragment d'inscription antique à POGGIOLO, près de Guagno-les-Bains », in AA.VV., « Découvertes archéologiques fortuites en Corse. » III = Cah. Corsica n° 79, Bastia, 1978, p.51.
(2) L’auteur du texte fait une confusion entre Saint Antoine de Padoue et le saint honoré à Guagno-les-Bains et qui est Saint Antoine d’Egypte.
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FIN DE CITATION.
En conclusion, une pierre servant de table d’autel catholique venait d’un monument romain antique. Elle a peut-être été transportée depuis l'Italie à Guagno-les-Bains au XIXème siècle pour la chapelle de l’hôpital militaire.
Désolé, mais pas de construction de l’Antiquité dans notre piève.
A moins que, à moins que…
A moins qu’une campagne de fouilles, comme celle entreprise à Arbori, ne soit mise en place. Peut-être aurions-nous des surprises.
Contrairement à ce qu'imagine le montage ci-dessus, il n'y a pas eu de temple grec ou romain sur les hauteurs de Guagno-les-Bains.
Les seules ruines étaient celles de l'ancien hôpital militaire près de la chapelle St Antoine, comme le montre la carte postale ci-dessous.