Le lundi 9 novembre 1931, Le Petit Marseillais se distingua mais pas autant que L'Humanité qui critiqua vivement le gouvernement.
PREMIERS RÉSULTATS
Ce jour-là, en même temps qu'il décrivait le débarquement des policiers à Ajaccio, Le Petit Provençal annonça les premiers résultats:
"Plusieurs amis et complices de Bartoli sont arrêtés à Ajaccio.
Le bandit Santoni aurait été tué"
En fait, on avait arrêté le beau-frère du bandit Séverin MORAZZANI et le conseiller d'arrondissement de Zicavo. Quant à SANTONI, il "aurait été tué dans une embuscade", sans plus de précisions.
La plus grande partie de l'article du quotidien marseillais était consacrée à Antoinette MANCINI, fille de Nonce ROMANETTI et belle-sœur de Madeleine MANCINI. Elle était alors à Paris pour tenir des réunions pour faire l'éloge de son père et pour prouver l'innocence de Madeleine, toujours incarcérée à Montpellier. A ce propos, les lecteurs eurent droit à la version MANCINI de l'affaire de LAVA.
L'ENTRÉE DANS LE MAQUIS
De son côté, dans Le Petit Marseillais, Léon Bancal tenta d'expliquer comment l'on devient bandit.
Le bandit n'est pas forcément un malfaiteur mais c'est quelqu'un qui a eu "un malheur" et qui se réfugie dans le maquis car il n'a pas confiance en la justice. Mais il n'y reste pas longtemps.
Les autres, les vrais bandits "sont presque tous de mauvais sujets". Déjà condamnés pour vol, c'est le meurtre qui les fait aller au maquis. Mais parler de "bandits d'honneur" est une erreur.
Contrairement à une réputation dont les Corses étaient victimes, le journaliste marseillais remarquait: "Eu égard à cette quantité d'armes et au tempérament pointilleux et susceptible de l'insulaire, les meurtres y sont relativement moins nombreux que sur certaines autres parties du territoire".
En conclusion, "ne devient pas bandit qui n'a pas de dispositions pour le devenir [...]. Le bandit n'est qu'un malfaiteur qui se met hors-la-loi".
UN BON POINT POUR LE PETIT MARSEILLAIS
Dans la même livraison, le journal de Léon BANCAL reproduisit avec un plaisir évident les éloges du général de gendarmerie HUOT, de retour des obsèques d'Ajaccio:
"L'histoire du drame de Balogna et celle de la mort du bandit BARTOLI ont été fidèlement rapportées dans Le Petit Marseillais. J'ai eu d'ailleurs plusieurs entrevues avec votre collaborateur AICARDI qui suit de très près et avec une conscience professionnelle qu'il me plaît de souligner, les événements qui passionnent l'opinion publique en ce moment".
L'humour ne perdait pas ses droits dans ce journal dirigé par Gustave BOURRAGEAS et un dessin fit allusion à la Corse le 9 novembre.
NON À LA JUSTICE BOURGEOISE !
Mais l'événement important de la journée pouvait se lire dans une autre publication. Contrairement à l'ensemble de la grande presse, favorable à la répression, le quotidien communiste L'HUMANITÉ prit une position particulière, à propos de la mort de BARTOLI, sur laquelle peu de renseignements avaient encore filtré.
L'article non signé, occupant une demi-colonne en première page, présentait le "bandit" BARTOLI (les guillemets sont du journal) comme la victime d'un patron et d'un hôtelier, ce qui d'ailleurs était vrai. Pour le journal du P.C.F., BARTOLI et ses congénères avaient été manipulés par la bourgeoisie qui s'en débarrassait car ils ne lui étaient plus utiles. La justice bourgeoise n'est qu'une comédie qui ne s'occupe plus des formes pour défendre ses intérêts.
Voici le texte complet expliquant le point de vue communiste:
"Nous avons indiqué brièvement, hier, que Bartoli n'avait pas été tué par les gendarmes, mais assassiné par un patron, de la bande novie des coupeurs de forêts, nommé Simonetti.
C'est le "bandit" qui a succombé dans un guet-apens!
En effet Bartoli était en contestation, d'une part avec l'entrepreneur de coupes forestières Simonetti, d'autre part avec le directeur de l'hôtel Continental à Ajaccio.
Il paraît que Bartoli avait demandé de l'argent à ces deux capitalistes, qui pratiquent aussi "le coup de fusil", mais d'autre manière.
A bandit, bandit et demi!
Simonetti attira donc Bartoli à une entrevue près du col de Verde et tandis qu'il feignait de discuter les exigences du "roi de la montagne", traitreusement, il le tua de deux coups de revolver.
La victime, c'est le bandit! L'assassin, c'est Simonetti! Le sentiment le plus élémentaire de la justice devait faire poursuivre en cour d'assises, Simonetti, le directeur de l'hôtel Continental et le préfet.
La question ne se pose pas. La justice bourgeoise, en Corse plus encore qu'ailleurs, n'est que comédie.
Le crime de Bartoli, que nous avons d'ailleurs jugé hier comme un triste personnage, est d'avoir inquiété les puissants, les riches, au lieu de servir leurs intérêts.
Les exploiteurs capitalistes de la Corse, après avoir tant utilisé les bandits, veulent, paraît-il, les faire disparaître.
Alors, comme les bandits, et mieux que ceux-ci, ils tuent. Ils ont assassiné Bartoli, dans un guet-apens. Les dépêches d'hier soir annoncent qu'un autre "bandit", Santoni, a été tué. Procédés sommaires.
Et les gardes mobiles vont débarquer. Ils vont, sous prétexte d'encercler les "seigneurs du maquis" se livrer en Corse à de véritables manœuvres générales de guerre civile.
Ils vont aussi, comme nous l'avons dit, profiter de l'occasion pour créer en Corse des centres de force militaire.
Les "bandits" ont du bon, même en les tuant, on peut s'en servir".
La ligne du Parti était nettement fixée. Elle ne changera plus. A noter que le terme de "épuration" ne sera jamais utilisé par les communistes dans les 23 articles parus en novembre dans L'HUMANITÉ et recensés par Ralph SCHOR (voir ICI).
Mais les critiques envers l'initiative policière vinrent le lendemain d'un tout autre côté.